Euro 2020 : Espagne - Italie ou la rivalité séculaire

Nhân Dân en ligne - Pour le 4e Euro consécutif, l'Espagne et l'Italie vont croiser le fer. La rivalité entre les deux pays est immense tant leurs confrontations ont découlé de grandes histoires, de défaites épiques ou de succès entrés dans la postérité. Entre la violence de 1934, le coude de coude de Tassotti sur Luis Enrique en 1994, les tirs au but de Vienne en 2008 et la non-qualification de la Squadra pour la Coupe du Monde dix ans plus tard, la relation entre ces barons européens n'a jamais manqué de piment.

Le sacre de l'Espagne en 2012, la colère de Luis Enrique en 1994 et la joie italienne en 2016.
Le sacre de l'Espagne en 2012, la colère de Luis Enrique en 1994 et la joie italienne en 2016.

C'est l'un des grands classiques du football mondial. À 37 reprises, l'Espagne et l'Italie se sont affrontées dans leur histoire, pour 11 victoires chacune et 15 matches nuls.

Un bilan parfaitement équilibré mais les rivalités naissent bien souvent de contextes sportifs et même politiques tendus, et donc de compétitions officielles.

Et à ce petit jeu, c'est la Nazionale qui s'en sort le mieux, puisqu'en 9 matches Euro et Coupe du Monde confondus, elle l'a emporté 4 fois, pour 4 nuls et une défaite. C'est en 1934 que tout commence, dans une environnement où l'Italie fasciste de Benito Mussolini organise le second Mondial de l'histoire.

En quart de finale, la favorite du tournoi défie la Roja à Florence. C'est une boucherie, à l'image d'une compétition bien trop belliqueuse.

Pas moins de 11 joueurs (7 Espagnols et 4 Italiens) sortiront blessés, dont le gardien Ricardo Zamora (d'où le trophée éponyme attribué au meilleur gardien de Liga), touché aux yeux sur l'égalisation, et qui ne pourra pas reprendre sa place le lendemain. Car la rencontre se termine sur le score de 1 - 1, or la prolongation et les tirs au but n'existent pas encore.

Il faut rejouer le match, ce qui sera fait 24 heures plus tard dans le même stade et avec la même violence sur le terrain. Sous l'indulgence (la bienveillance ?) des arbitres, l'Italie l'emporte cette fois 1 - 0 et soulèvera sa première Coupe du Monde quelques jours plus tard.

L'injustice Luis Enrique

Après ces deux premiers actes, il faut attendre 46 ans pour que les deux nations se rencontrent à nouveau.

La Squadra et la Roja se quittent sur un nul sans saveur 0-0 durant un Euro 80 organisé en Italie. Les deux équipes n'y brilleront pas, alors que la bande à Dino Zoff sera sacrée championne du monde deux ans plus tard... en Espagne.

En 1988, c'est le tandem Mancini-Vialli, soit le sélectionneur et le chef de délégation actuels, qui viendra à bout de Zubizarreta pour un succès 1 - 0.

L'Espagne ne sortira pas des poules et l'Italie s'inclinera contre l'URSS en demi-finale.

En 1994, la rivalité renaît véritablement. En quart de finale de la Coupe du Monde aux États-Unis, deux des favoris se retrouvent pour une rencontre qui restera dans les annales.

Elles se rendent coup pour coup, Caminero répondant en seconde période au but de Dino Baggio. La Roja a vent dans le dos, domine la rencontre. Salinas manque une occasion immense, Hierro fait chauffer les gants de Pagliuca mais l'autre Baggio, Roberto, Ballon d'Or en titre, crucifie l'Espagne à la 88e (2-1).

L'histoire aurait pu s'arrêter là mais dans le temps additionnel, Luis Enrique se fait exploser le nez par le coude de Tassotti en pleine surface de réparation. Malgré les larmes, la douleur et la colère de l'actuel sélectionneur, Sandor Pulh (décédé en mai dernier), alors considéré comme meilleur arbitre du monde, ne bronche pas et n'accorde pas de penalty.

Comble de l'injustice, il demande même à la victime, le maillot complètement moucheté de sang, de retourner sur le bord du terrain, constatant que son hémorragie repartait de plus belle.

Le milieu de terrain du Real n'aura pas le temps de revenir sur la pelouse. « Luis Enrique voulait tuer l'arbitre et Tassotti », rapportera plus tard le physiothérapeute de la Roja. Bilan : fracture de la cloison nasale pour l'Espagnol, dont le visage en sang a fait le tour du monde.

La commission de discipline de la FIFA infligera tout de même 8 matches de suspension pour Tassotti, qui ne portera plus jamais le maillot azzurro, et ne disputera donc pas la finale perdue face au Brésil et dirigée par... Sandor Puhl.

L'Italie assiste au sacre de l'Espagne

Changement de siècle et de cycle. Le temps de l'Espagne qui perd est maintenant révolu.

À l'Euro 2008, la Nazionale championne du monde en titre, fait face à la montée en puissance de la Roja en quart de finale.

Cette dernière domine nettement la rencontre même si Casillas doit sauver les meubles devant Camoranesi.

Vient alors la fatidique séance des tirs au but et déjà les fantômes de l'Espagne ressurgissent.

Elle est maudite dans cet exercice et ne brisera plus jamais le plafond de verre des quarts.

Pourtant, Casillas détourne les tentatives de De Rossi et Di Natale et le jeune Fabregas (21 ans) envoie sa sélection (0-0, 4-2 aux t. a. b.) vers le sacre européen une semaine plus tard. La domination ibérique ne fait que commencer.

Et elle se poursuit 4 ans plus tard puisque c'est une Espagne sur le toit du monde et de l'Europe qui terrasse l'Italie en finale de l'Euro 2012, après avoir fait nul en phase de poules (1-1).

Malgré une frayeur en demi-finale contre le Portugal (victoire aux tirs au but), la Roja se présente sûre de ses forces face à une Squadra Azzurra renaissante après un Mondial raté. Elle vient de battre à la surprise générale l'Allemagne grâce à un grand Balotelli (2-1) et a tout de l'outsider conquérant. Il n'en sera rien.

Cette finale tourne à la démonstration espagnole 4-0 grâce à David Silva, Alba, Torres et Mata, bien aidée par une Italie déplorant les sorties sur blessure de Chiellini après 20 minutes, puis de Motta à l'heure de jeu, qui venait tout juste d'entrer. Prandelli ayant déjà effectué ses trois changements, la Nazionale a disputé sa dernière demi-heure en infériorité numérique.

Chiellini est de tous les duels

Les deux pays ne se quittent plus.

En 8e de finale de l'Euro 2016 en France, c'est cette fois l'Italie qui vient à bout de l'Espagne 2 - 0.

Sur le papier pourtant, le champion d'Europe en titre possède encore quelques éléments de sa génération dorée (Piqué, Ramos, Iniesta, Busquets), mais elle n'a pas complètement tourné la page après l'échec retentissant de la Coupe du Monde au Brésil en 2014.

La Squadra n'impressionne pas non plus, mais emmenée par un Antonio Conte survolté, elle possède un supplément d'âme qui fait briller des habituels gregari comme Giaccherini, Parolo, De Sciglio, Eder et Pellè.

C'est d'ailleurs ce dernier qui inscrit le but de la victoire dans les arrêts de jeu, validant l'ouverture du score signée Chiellini en première période.

Le défenseur de la Juventus, désormais capitaine et resplendissant à 37 ans, sera encore là ce mardi soir dans une demi-finale inattendue de l'Euro 2020 (à suivre en live commenté sur notre site).

Avec six de ses partenaires (Bonucci, Florenzi, Sirigu, Bernardeschi, Insigne et Immobile), ils étaient déjà là au Stade de France il y a 5 ans mais mieux encore, Chiellini sera le seul joueur à avoir disputé ces 4 duels contre l'Espagne sur ces 4 derniers Euro.

Une longévité au haut niveau exceptionnelle, d'autant qu'il a une autre revanche à prendre sur la Roja.

Lors des qualifications à la Coupe du Monde 2018, l'Italie a terminé 2e de son groupe, derrière l'Espagne, l'obligeant à passer par un barrage qui s'est avéré piégeux contre la Suède. Pour la première fois depuis 1958, la Squadra avait loupé un Mondial, en partie à cause d'un de ses meilleurs ennemis.

Comme quoi, les rencontres entre les deux pays ne sont jamais anodines.