Préservation d’un métier traditionnel au cœur de Hanoi

Nhân Dân en ligne - Il y a une rue de Hanoi spécialisée dans la médecine traditionnelle et le commerce des médicaments traditionnels qui porte le nom de «Lan Ông». À arpenter cette rue, le parfum exhalant des plantes médicinales semble vous envelopper et vous suivre tout au long de la rue. En dépit du développement économique, de la modernisation, cette rue préserve toujours jalousement ses caractéristiques traditionnelles.

La rue Lan Ông, en plein cœur de la capitale, est connue pour son métier traditionnel spécialisé dans la médecine traditionnelle des Vietnamiens. Photo: Duy Khanh/NDEL.
La rue Lan Ông, en plein cœur de la capitale, est connue pour son métier traditionnel spécialisé dans la médecine traditionnelle des Vietnamiens. Photo: Duy Khanh/NDEL.

Hanoi ancien, chaque rue a un nom correspondant un métier

La rue Lan Ông fait partie du vieux quartier de Hanoi qui était connu sous le nom du quartier des «36 rues et corporations». Chaque rue a son histoire. Les noms de ces anciennes rues évoquent les marchandises qui y étaient produites ou vendues autrefois. Pas mal d’entre elles le sont toujours: la rue de la soie, la rue du coton, la rue du fer blanc, la rue du sucre,…

Faisant environ 180m de long, s’étirant de la rue Hàng Duong (sucre) à la rue Thuôc Bac, la rue Lan Ông est nommée en hommage à un médecin célèbre du Vietnam: Hai Thuong Lan Ông, dont le vrai nom est Lê Huu Trac (1720 - 1791). Ce dernier est considéré comme «le précurseur» de la médecine traditionnelle du Vietnam.

Des médicaments à base des plantes médicinales. Photo: Duy Khanh/NDEL.

Autrefois, la rue Lan Ông était appelée Phuc Kiên car c’était le quartier des Chinois originaires de la province de Phuc Kiên en Chine. Les gens de Phuc Kiên s’installaient le long de cette rue. Ils s’adonnaient à la vente des médicaments d’origine chinoise «thuôc bac» (la médecine du Nord). Après, les Vietnamiens s’y installaient aussi et vendaient des médicaments traditionnels du Vietnam appelés «thuôc nam» (la médecine du Sud).

Ces activités traditionnelles forment les caractéristiques de cette ancienne rue de Hanoi jusqu'à aujourd'hui.

La médecine traditionnelle: une noble profession, un métier hérité

Dans le vieux quartier de Hanoi, chaque rue était autrefois étroitement liée à un métier traditionnel qui lui a donné son nom, comme Hàng Muôi (sel), où l`on vendait du sel, rue Hàng Mành (rideau en bambou), rue Hàng Bac (argent, bijoux)... Mais bien de rues ont perdu de nos jours leur métier traditionnel. La rue Lan Ông fait partie des rares à l'avoir conservé.

Le métier de vente des médicaments à base de plantes médicinales existe depuis longtemps dans la rue Lan Ông et se maintient encore aujourd’hui. 85% des activités des habitants de cette rue sont liées au métier traditionnel: vente des médicaments et consultation médicale.

Nguyên Kim Bang, pharmacien et médecin traditionnel, propriétaire d’une pharmacie dans la rue Lan Ông qui a pratiqué ce métier durant toute sa vie nous a confié: «Le métier de médecine traditionnelle existait depuis longtemps dans cette rue que je ne me souviens pas de son origine. Ce métier est l’amalgame des connaissances et pratiques qui reposent sur des théories, croyances et expériences. Ça fait tant d’années que l’on pratique ce métier, dans ma famille. C’est une tradition ancestrale. Il faut savoir que la médecine traditionnelle est une pratique essentiellement héréditaire, qui tient pour beaucoup au secret de famille. Les savoir-faire, les expériences précieuses sont transmis de génération en génération».

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Les boutiques de la pharmacopée orientale, qui se succèdent les unes aux autres, sont typiques de la rue Lan Ông. Photo: Duy Khanh/NDEL.

Dans chaque boutique de la pharmacopée orientale, on peut trouver facilement des armoires adossées aux murs dont chaque tiroir correspond à un ingrédient bien spécifique.

Photo: Duy Khanh/NDEL.

Les boutiques de la pharmacopée orientale qui se succèdent les unes aux autres sont typiques de cette rue. Plus particulièrement, la majorité de ces boutiques sont aussi de petits cabinets de consultation médicale.

Les principales particularités de la médecine traditionnelle des Vietnamiens se manifestent dans la méthode de traitement et de soins médicaux. D’abord, pour détecter les maladies ou connaitre l’état de santé des patients, le médecin doit poser des questions aux patients, puis examiner leurs physionomies, leurs teints puis tâter leurs pouls. Cette étape est considérée comme un art de diagnostic dans la médecine traditionnelle. Après avoir connu l’état de santé du client, le médecin l’analyse pour pouvoir donner une ordonnance appropriée. Enfin, le médecin produit lui-même les remèdes à base de plantes médicinales disponibles dans sa pharmacie.

Le médecin Kim Bang (à droite) tâte le pouls du patient. Photo: Duy Khanh/NDEL.

Puis, il lui donne des consultations et prescrit des ordonnances. Photo: Duy Khanh/NDEL.

L'acupression, une des méthodes efficaces pour le traitement et les soins médicaux de la médecine traditionnelle. Photo: Duy Khanh/NDEL.

S’agissant des changements dans la pratique actuelle de ce métier traditionnel, le médecin Kim Bang a souligné: «Autrefois, on pesait les ingrédients par de petites balances romaines , maintenant, les balances Roberval ont fait leur apparition, permettant de peser des quantités plus importantes. Quant au découpage, il est également motorisé, on gagne du temps et la qualité des médicaments reste intacte. Heureusement, certaines boutiques utilisent encore des broyeurs scaphoïdes à molette pour préparer des poudres».

Découpage des médicaments à base des plantes médicinales. Photo: Duy Khanh/NDEL.

Efforts de préservation d’un métier traditionnel

La médecine orientale garde toujours une place importante dans la vie de la population bien que la médecine occidentale soit maintenant dominante.

Kim Anh, une Hanoïenne vivant dans la rue Tràng Thi, a partagé: «J’utilise les médicaments à base des plantes médicinales depuis au moins 20 ans pour me maintenir en bonne santé. Je suis convaincue de l'efficacité et de l’innocuité des remèdes de la médecine traditionnelle des Vietnamiens».

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Des jeunes apprennent à exercer la médecine traditionnelle. Photo: Duy Khanh/NDEL.

Face aux pressions économiques, à l’évolution urbaine et à l’intrusion de la modernité, les valeurs traditionnelles risquent de se perdre au fil du temps. Le métier traditionnel de la rue Lan Ông ne fait pas exception.

S’agissant de la préservation du métier traditionnel, le médecin Kim Bang a fait savoir que 4 générations de sa famille avaient exercé la médecine orientale. «Mes prédécesseurs, a-t-il poursuivi, prennent toujours conscience de l’importance de la préservation de ce métier. Actuellement, la médecine traditionnelle continue d’être transmise de génération en génération pour ne pas se perdre peu à peu. Nous en sommes très fiers».

Il a également exprimé sa fierté que ses fils ont hérité de ses connaissances et sont devenus aussi des médecins confirmés. Outre le savoir-faire et les expériences précieuses transmis de génération en génération, a-t-il souligné, ses enfants sont professionnellement formés à la pharmacie orientale. Ils souhaitent toujours poursuivre les activités de la famille et continuer de les transmettre aux jeunes générations pour que la médecine vietnamienne soit connue non seulement dans le pays d’origine, mais encore à l’étranger.

La médecine traditionnelle ou la médecine en général est vraiment une science humanitaire, une noble profession dont la mission consiste à sauver les hommes, ne cherchant aucun intérêt, aucune gloire. La préservation de ce noble métier incombe non seulement aux habitants locaux, mais aussi aux autorités et aux organes compétents. Il est important d’avoir des politiques encourageantes pour les familles qui exercent ce métier, des mesures efficaces pour le développement durable de ce métier traditionnel de Hanoi.