Journée des Femmes vietnamiennes - 20 octobre

La Prof. agrégé-Dr. Nguyên Thi Hoe : La recherche scientifique est ma vie

Nhân Dân en ligne - À plus de 70 ans, Nguyên Thi Hoe travaille toujours au laboratoire jour et nuit. « Ma santé et mon esprit ne sont plus aussi bons qu'auparavant. J'oublie souvent les noms et les numéros de téléphone, mais jamais les équations de réaction… La recherche est ma vie ! ».

La Prof. agrégé-Dr. Nguyên Thi Hoe.
La Prof. agrégé-Dr. Nguyên Thi Hoe.

C’est ce qu’a déclaré la Prof. agrégé-Dr. Nguyên Thi Hoe lors d’une interview accordée au journal Nhân Dân en ligne en marge de l’Exposition « Toujours passionnée » qui a été inaugurée le 16 octobre à Hanoi pour honorer la passion de la recherche scientifique des scientifiques vietnamiennes et leurs contributions à la communauté.

Hòe est connue depuis longtemps comme une scientifique de premier plan du Vietnam, fondatrice du groupe de peinture Kova, lauréate du prix Kovalevskaia et membre de la liste de 1 000 femmes pour le Prix Nobel de la paix 2005. C’est le fruit d’un travail sérieux pendant des dizaines d’années, d’une passion de la recherche scientifique et du désir de contribution à la communauté.

D’étudiante démuni à patronne d’un groupe de peinture

Née dans une famille pauvre dans la province centrale de Nghê An, Nguyên Thi Hòe est attirée par le monde scientifique dès son enfance. Elle est devenue étudiante de l’École polytechnique de Hanoi après son mariage et la naissance de ses trois enfants.

« C’est la première fois que je prenais un risque. A cette époque, je faisais mes études en gagnant ma vie et en m’occupant de mes trois enfants. J’ai dû vendre ma maison pour continuer à faire de la recherche », a-t-elle raconté.

Diplômée, on lui a proposé d’enseigner dans cette école. En 1979, elle a été mutée à l’Université de Cân Tho (dans le Delta du Mékong). Elle a enseigné sans oublier de consacrer du temps à la recherche.

En 1986, elle a été promue responsable du Centre d’études chimiques et de matériaux haut de gamme de l’Université polytechnique de Hô Chi Minh-Ville.

La Prof. agrégé-Dr. Nguyên Thi Hòe (2e, à gauche) et des scientifiques vietnamiens et américains au Centre d’études chimiques et de matériaux haut de gamme de l’Université polytechnique de Hô Chi Minh-Ville.

En 1993, grâce à son projet de peinture imperméable, Nguyên Thi Hoè s’est vu décerner le prix Kovalevskaia, la plus haute distinction honorifique attribuée aux femmes scientifiques vietnamiennes.

Ce prix lui a permis de mettre le pied aux États-Unis, de rencontrer et d’échanger des expériences avec de nombreux scientifiques, professionnels vietnamiens et étrangers. Elle a décidé de commercialiser son produit et la société de peinture KOVA (en référence aux quatre premières lettres du prix Kovalevskaia) a vu le jour à partir de ce moment.
« Cette récompense a donc marqué le début d’un nouveau chapitre de ma vie et a été l’un des moteurs du succès que j’ai rencontré dans les années suivantes », a souligné Hòe.

En 2000, elle signe un contrat avec un partenaire américain sur la recherche de nouvelles technologies dans la production de peintures adaptées au climat tropical pendant deux mois. Elle doit vendre son scooter pour retourner aux États-Unis. Son bagage contenait seulement 500 dollars et 20 kg de nouilles instantanées pour deux mois.

« Manquant d’argent, j’ai dû dormir sous les escaliers de l'aéroport. J’ai dû économiser autant que je pouvais pour étudier. C’est la deuxième fois que je prenais un risque », a-t-elle partagé.

Transformer la balle de riz en peinture

Après plus de dix ans de recherche, Nguyên Thi Hoè a réussi, en 2003, à fabriquer des matières premières pour la peinture à base de balle de riz.

« Cette découverte n’est pas le fruit du hasard. À l’époque, notre groupe était confronté à des problèmes économiques. Nous avons donc cherché à produire nous-mêmes des matières premières que nous devions importer à des prix très élevés. Et la balle de riz s’est avérée être la meilleures solution », a dit Hòe. Et d’ajouter : « Chaque année, les agriculteurs utilisent la balle de riz comme engrais pour leurs champs. Ils ignorent que la nanosilice, extrait de la balle de riz, est utilisée pour synthétiser le colloïde, un intermédiaire de grande valeur utilisé dans divers secteurs, dont la production de peinture ».

Depuis lors, de nombreux types de peintures respectant l’environnement, protégées par un brevet aux États-Unis, ont vu le jour et sont appréciés de la clientèle : des peintures anti-incendie, anti-bactérie, autonettoyante et de la peinture-pierre.

*La peinture anti-incendie permet au matériau qui en est recouvert de supporter des températures de plus de 1 000°C durant dix heures, et elle est utilisable sur le bois, le plâtre, le béton ou les métaux.

*La peinture-pierre protège très efficacement les surfaces aériennes d’un bâtiment pendant une durée de 15 à 20 ans, ainsi qu’en témoigne déjà l’hôtel cinq étoiles Impérial de Vung Tàu (Sud).

*La peinture anti-bactérie peut détruire 99% des bactéries sur la surface de l’ouvrage, est parfaitement inoffensive pour l’environnement et facile à utiliser. L’hôpital Ne Teng Fong, l’établissement hospitalier le plus sophistiqué de Singapour, et l’hôpital Shingmark de la province de Dông Nai (Sud du Vietnam) ont choisi ce produit.

*La peinture autonettoyante est déjà expérimentée à Singapour, notamment dans le quartier collectif PARC Condo, le métro de Singapour, le centre commercial Vivo City. Seule la peinture pare-balles n’est pas commercialisée, mais elle n’en est pas moins un progrès technologique du Vietnam.

« Tirer le meilleur parti de la balle de riz qui est un sous-produit de la culture pour produire les peintures Nano a résolu la pénurie de matières premières et a contribué à protéger l’environnement et à augmenter les revenus des agriculteurs », toujours selon Nguyên Thi Hòe.

Élargir le marché et des succès inimaginables

Pour Nguyên Thi Hòe, le succès des scientifiques consiste dans l’application de leurs recherches dans la vie quotidienne. Par conséquent, au cours des 25 dernières années, elle n’a cessé de rechercher et de perfectionner ses produits.

Grâce aux compétences scientifiques et au sens des affaires de Nguyên Thi Hoe, la peinture KOVA a réussi à se faire une place sur le marché de la construction vietnamienne. Elle est aussi expédiée à l’étranger, notamment aux États-Unis, en France, en Russie, en Chine, à Cuba, à Singapour, en Malaisie, en Indonésie, au Cambodge, et au Laos.

La peinture de KOVA a remporté une vingtaine de médaille d’or lors d’expositions internationales. Actuellement, le groupe KOVA possède 12 sociétés, 7 usines et plus de 1 000 distributeurs vietnamiens et étrangers. Le groupe a créé environ 3 000 emplois ces 25 dernières années.

Parallèlement à ses succès commerciaux, KOVA assume aussi sa responsabilité sociale. Le groupe a créé en 2012 et maintient jusqu’à maintenant un fonds de bourse d’études et décerne annuellement un prix aux étudiants qui ont surmonté leurs difficultés, aux personnes exemplaires et aux scientifiques dont les recherches ont eu une application concrète dans la société.

« La formule gagnante qui apporte la gloire à KOVA n’est que technologie », partage Nguyên Thi Hòe. Photo : DH/NDEL.

A l’occasion de la Journée des Femmes vietnamiennes (20 octobre), Nguyên Thi Hòe a transmis ses meilleurs vœux aux Vietnamiennes, soulignant que les Vietnamiennes, d’hier et d’aujourd’hui, sont stoïques et fortes. Après leurs réussites dans le travail, elles doivent retrouver leur statut et leur famille en tant que femme et mère, avec les bonheurs et les soucis quotidiens. Hòe souhaite que les femmes vietnamiennes puissent surmonter les difficultés, garder toujours leur passion et contribuer davantage à la communauté.