Nghê Tinh, « montagnes vertes, eaux bleues, quelle peinture! »

Nhân Dân en ligne - Comme dans tout pays, le Vietnam présente des régions fortement marquées par des particularismes qui font que leurs habitants se font remarquer partout où ils vont. À cet égard, nous ne pouvons citer de meilleur exemple que celui du Nghê Tinh.

Le mont Hông Linh dans la province de Hà Tinh (Centre). Photo: CVN.
Le mont Hông Linh dans la province de Hà Tinh (Centre). Photo: CVN.

Nghê est l’abréviation du mot Nghê An tandis que Tinh est celle de Hà Tinh. Les deux provinces centrales de Nghê An et Hà Tinh fusionnaient parfois sous le nom de Nghê Tinh.

Le Nghê Tinh, baptisé aussi Xu Nghê (pays Nghê), a une superficie de plus de 22 000 km² et une population de trois millions d’habitants. Pour les anciens Vietnamiens, c’était la province lointaine à la beauté sauvage et mystérieuse. Comme dit la chanson populaire :

« La route menant au pays Nghê fait des tours et des détours,
Montagnes vertes, eaux bleues, quelle peinture! »
(Ðuong vô xu Nghê quanh quanh
Non xanh nuoc biêc nhu tranh hoa đô)

Le mont Hông Linh et le fleuve Lam (523 km) font figure d’emblème. Les forêts occupent une grande partie du territoire tandis que les terres rizicoles sont loin d’être fertiles. L’agriculture est soumise aux aléas d’un climat rude, le vent du Laos (gió Lào) venant de l’ouest brûlant tout sur son passage.

Terre de héros

Le pays Nghê abonde en lieux de mémoire. Le roi fondateur du deuxième État Viêt (Âu Lac) au IIIe siècle av. J.-C., An Duong Vuong, a son temple à Diên Châu. Mai Hac Dê (VIIIe siècle), chef prestigieux d’une rébellion contre l’occupant chinois, est adoré à Nam Ðàn où il avait établi sa base de résistance. En 1788, le brillant guerrier Nguyên Huê, devenu roi Quang Trung, venait du Sud, commandant une armée de paysans révoltés. Quelque 50 000 hommes du Nghê Tinh le rejoignirent dans son offensive contre Hanoï pour déloger et mettre en pièces les troupes d’occupation chinoise Qing. Le roi voulait construire une nouvelle capitale sur le mont Quyêt, près de Vinh, mais le projet ne fut qu’amorcé.

La beauté paisible du fleuve Lam à Hà Tinh (Centre). Photo: CVN.

Au cours de l’histoire contemporaine, le pays Nghê a été témoin de nombreux épisodes de la lutte patriotique: le mouvement des lettrés dirigé par Phan Ðình Phùng pour « Sauver le roi » (Cân Vuong), les Soviets du Nghê Tinh (1930), la mutinerie de Ðô Luong (1941), tous sauvagement réprimés par le pouvoir colonial français. Les avions américains ont bombardé la région, rasant complètement la ville industrielle de Vinh.

Homme du Nghê Tinh

Les premiers habitants du pays Nghê furent des soldats, des exilés, des aventuriers. Les incessants remous démographiques et la lutte continuelle contre une nature marâtre et les forces hostiles voisines ont doté la population de traits particuliers.

L’homme du Nghê Tinh est réputé coriace, courageux, travailleur, intelligent, mais d’une avarice légendaire. On raconte à son propos l’histoire du poisson de bois (cá gô): il mangerait du riz sans autres mets, se contentant de regarder un poisson de bois pendant le repas.

Par contre, il s’est taillé une solide réputation d’étudiant bûcheur et d’amoureux des études. Au temps des concours triennaux, rien que le village de Quynh Ðôi a totalisé 94 docteurs et 152 licenciés ès humanités. Record inégalé puisque le choix était si serré que nombre de villages ne comptaient aucun docteur, pas même un licencié ou un bachelier.

Le pays Nghê a son côté sentimental. Les chants d’amour de ses corporations de tisserands sont exquis.

Par ailleurs, il est la pépinière des hommes les plus illustres de la nation: des poètes comme Nguyên Du - auteur de l’immortel roman poétique Kiêu, Nguyên Công Tru, Hô Xuân Huong; l’historien Su Hy Nhan; le médecin Lê Huu Trác (dit Hai Thuong Lan Ông), le penseur Nguyên Thiêp (La Son Phu Tu), le lettré patriote Phan Ðình Phùng, les révolutionnaires comme Phan Bôi Châu et Hô Chi Minh.