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La séance d'ouverture de la Conférence de Genève sur l'Indochine, tenue le 8 mai 1954. Photo d’archives.

La séance d'ouverture de la Conférence de Genève sur l'Indochine, tenue le 8 mai 1954. Photo d’archives.

De Diên Biên Phu à Genève

Une « exception » de l’histoire

Il y a 70 ans, au cours des premiers jours de 1954, au printemps, le pays tout entier entra à nouveau en guerre, concentrant toutes ses forces et ses biens, acceptant difficultés et sacrifices pour remporter la Victoire historique de Diên Biên Phu. Il s’agissait d’un coup de cloche signalant l'effondrement du vieux colonialisme », jetant les bases pour la conclusion des Accords de Genève pour rétablir la paix au Vietnam après neuf longues années de résistance.

Dans l'histoire militaire, il y a des cas d’exception où la fin d’une guerre est décidée par la défaite d'un belligérant et l'acceptation de la reddition, pour le reste, la fin d’une guerre est décidée en grande partie par des grands facteurs comme le rapport de la position et de la force sur le champ de bataille, les calculs stratégiques et des mouvements des belligérants, l’impact des facteurs internationaux. Bien que la fin de la guerre d’invasion du Vietnam par les colonialistes français ait également été influencée par ces facteurs, elle présentait des caractéristiques tout à fait particulières et très différentes de la façon dont se terminaient les autres guerres.

Le « Rendez-vous historique »

En mai 1953, le Gouvernement français a nommé le général Henri Navarre commandant général du corps expéditionnaire français en Indochine, pour une mission importante de remporter une victoire militaire décisive sur le champ de bataille pour « trouver une issue honorable » pour la France. Le 24 juillet 1953, un plan militaire appelé « Navarre » fut officiellement approuvé par le Conseil de défense français, lequel serait mis en œuvre dans un délai de 18 mois et serait divisé en deux étapes :

Étape 1 : En automne-hiver 1953 et au printemps 1954, la politique consistait à éviter les grandes batailles avec le Viêt Minh (Front pour l'indépendance du Vietnam) sur le champ de bataille du Nord ; à lancer une attaque pour pacifier la région du Sud et du Centre de l’Indochine, en éliminant la 5e zone libre (Inter-Région 5).

Étape 2 : Lancer une grande attaque militaire sur le principal champ de bataille du Nord pour démontrer au Viêt Minh que la France était plus que capable de résoudre les problèmes militaires pour les forcer à s'asseoir à la table des négociations. Ceci était considéré comme le dernier effort de la France et des États-Unis dans la guerre d’Indochine. La France pensait qu’avec le Plan Navarre, la victoire militaire française était à leur portée.

Tandis qu’à la base du Viêt Bac, dès la mi-janvier de 1953, la IVe Conférence du Comité central du Parti tenait une réunion pour discuter de l'orientation stratégique de l'automne-hiver 1953 - 1954 et en déterminant temporairement « d’éviter les zones fortes de l’ennemi, d’attaquer des directions où ce dernier est vulnérable et plus faible » pour disperser les forces ennemies et détruire la vitalité de l'ennemi, élargissant ainsi la zone libre" (1).

La Commission militaire examine et approuve le plan de bataille final pendant l'hiver-printemps 1953 - 1954 et décide d'ouvrir la campagne de Diên Biên Phu avec la détermination de détruire complètement ce complexe militaire. Photo d’archives.

La Commission militaire examine et approuve le plan de bataille final pendant l'hiver-printemps 1953 - 1954 et décide d'ouvrir la campagne de Diên Biên Phu avec la détermination de détruire complètement ce complexe militaire. Photo d’archives.

Ensuite, la Conférence du Bureau Politique en septembre 1953 approuva le plan opérationnel de la Commission militaire générale, qui déterminait que la direction stratégique de l'attaque à l'automne-hiver 1953 - 1954 serait le Nord-Ouest. Il est assez intéressant de noter que dans le Plan de Navarre comme dans le Plan opérationnel de la Commission militaire générale, l'expression « Diên Biên Phu » n'y apparaissait pas. Cependant, le sort du Plan Navarre fut décidé à partir d’une réunion de Tin Keo dans la zone de sécurité de Dinh Hoa, dans la province de Thai Nguyên (au Nord du Vietnam).

Dans la nuit du 20 novembre 1953, en découvrant que la division 316 de l’Armée vietnamienne marchait vers le Nord-Ouest, le commandement de l'Armée française décida en toute hâte d’envoyer six bataillons de parachutistes à Diên Biên Phu car, selon eux, « ce n'est qu'en occupant Diên Biên Phu qu'ils pourront protéger Lai Châu et la zone stratégique du Haut Laos ». En peu de temps, la France a transformé Diên Biên Phu en un complexe de bases puissant comprenant trois subdivisions, 49 bases réparties en huit groupes, avec environ 16 000 soldats (les sept dixièmes du nombre total des troupes aéroportées en Indochine). L'occupation parachutée de Diên Biên Phu par l'armée française a été pour nous une « grande opportunité » de réaliser nos objectifs stratégiques pendant la campagne de l’hiver-printemps 1953 - 1954.

Le Général Vo Nguyên Giap remet le drapeau « Déterminés à se battre, déterminés à gagner » du Président Hô Chi Minh aux unités qui ont obtenu des succès. La victoire de la campagne de Diên Biên Phu a confirmé la maturité exceptionnelle de l'Armée populaire vietnamienne. Photo d’archives : VNA

Le Général Vo Nguyên Giap remet le drapeau « Déterminés à se battre, déterminés à gagner » du Président Hô Chi Minh aux unités qui ont obtenu des succès. La victoire de la campagne de Diên Biên Phu a confirmé la maturité exceptionnelle de l'Armée populaire vietnamienne. Photo d’archives : VNA

Le 6 décembre 1953, le Bureau Polique approuva le plan opérationnel et décida d'ouvrir la campagne de Diên Biên Phu, créa le commandement de campagne sous la direction du commandant en chef Général Vo Nguyên Giap comme commandant et secrétaire du Comité du Parti du Front de Diên Biên Phu. Ainsi, Diên Biên Phu devient le « rendez-vous historique », le centre du combat d'esprit et de force entre les deux « Maréchaux » au printemps 1954.

Ce n'est pas un hasard que le Président Hô Chi Minh a confié des tâches au Commandant en chef Vo Nguyên Giap, en soulignant qu'il s'agissait d'une bataille très importante, avec de nombreuses implications politiques, militaires et diplomatiques, et qu'elle devait alors absolument être gagnée. « Si vous êtes sûr de gagner, alors combattez, si vous n'êtes pas sûr de gagner, vous ne combattez pas ! »

Avec le slogan « Tout pour le front, tout pour la victoire ! », l'arrière de la zone libre du Viêt Bac, de l'Inter-zone III, de l'Inter-zone IV, de l'Inter-zone V, des zones des guérilla et des bases de guérilla du Nord ont concentré toute la force et les biens sur le front de Diên Biên Phu : 260 000 travailleurs, 20 991 vélos mobilisés pour transporter à la bataille plus de 200 000 tonnes de vivres et de denrées de toutes sortes (2). Avec des mesures et des campagnes stratégiques créatives et efficaces, à travers trois batailles d'une durée de 56 jours et nuits, nos soldats ont isolé et détruit chaque bastion et groupe de forteresses un par un, avançant vers la destruction de chaque base et groupe de bases et parvenant à détruire complètement le quartier général du camp retranché de Diên Biên Phu.

... au Jalon du début d'une période de la nation

Un jour après la Victoire de Diên Biên Phu, la Conférence de Genève sur l'Indochine fut officiellement ouverte. Après « l'événement de Diên Biên Phu », l'opportunité d'un forum international sur la question de la fin de la guerre d'Indochine se présenta réellement. Pourtant, dès novembre 1953, en réponse à une interview accordée au journal suédois Expreesen sur la perspective de résoudre la question de la paix au Vietnam, le Président Hô Chi Minh avait exprimé la bonne volonté du Gouvernement de la République démocratique du Vietnam de négocier avec la France pour trouver une solution pacifique à la paix sur la base que la France devait véritablement respecter et reconnaître l'indépendance et la souveraineté du Vietnam. La déclaration du Président de la République démocratique du Vietnam attira l'attention internationale, notamment en France, où l'opinion publique fut en ébullition, exhortant le Gouvernement à négocier rapidement avec le Gouvernement de Hô Chi Minh pour trouver une solution pour mettre fin à la guerre.

Après 75 jours et nuits avec 31 séances plénières, la Conférence de Genève s'est terminée par un accord pour mettre fin à la guerre et rétablir la paix en Indochine.

Le Vietnam est arrivé à la conférence en position de vainqueur et bien que la solution de Genève inclue à la fois des questions politiques et militaires, elle ne reflète pas pleinement les victoires que le peuple vietnamien a remportées sur le champ de bataille, notamment celle de Diên Biên Phu. Cela est compréhensible car la Conférence de Genève est un forum international organisé par les grandes puissances, qui décidaient de la composition, du temps, des étapes et même des résultats. Lors de la Conférence, le compromis des grandes puissances a conduit à un lien de responsabilité quelque peu « lâche » entre les parties participantes et le fait que les États-Unis n’ont pas signé la Déclaration finale de la Conférence a créé « un prétexte » pour qu'ils mettent en œuvre leur plan visant à remplacer la France et à lancer leur guerre au Vietnam.

Le résultat de « l'après-Genève » a été que les élections générales n'ont pas eu lieu et que le peuple vietnamien a été contraint de poursuivre la longue période de résistance de 21 ans, avec de nombreuses pertes et sacrifices, pour gagner sa pleine indépendance et vaincre l'ennemi.

Item 1 of 2

Le 20 juillet 1954, le vice-ministre de la Défense Ta Quang Buu (2e rangée en partant de la gauche), au nom du Gouvernement et du Commandement général de l'Armée populaire vietnamienne, signa la convention d'armistice au Vietnam. Immédiatement après, les accords d'armistice au Laos et au Cambodge ont également été signés lors de la Conférence de Genève, en Suisse. Photo d’archives : VNA.

Le 20 juillet 1954, le vice-ministre de la Défense Ta Quang Buu (2e rangée en partant de la gauche), au nom du Gouvernement et du Commandement général de l'Armée populaire vietnamienne, signa la convention d'armistice au Vietnam. Immédiatement après, les accords d'armistice au Laos et au Cambodge ont également été signés lors de la Conférence de Genève, en Suisse. Photo d’archives : VNA.

Conférence de Genève sur l'Indochine en Suisse (en 1954). Photo d’archives : VNA.

Conférence de Genève sur l'Indochine en Suisse (en 1954). Photo d’archives : VNA.

Bien que les Accords de Genève n’aient pas pleinement reflété les victoires du peuple vietnamien sur le champ de bataille, ce qui est extrêmement important que l’on ne peut nier, c’est que les Accords de Genève ont forcé les colonialistes français à mettre fin à la guerre et à reconnaître les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes du peuple vietnamien. Bien que le pays soit encore divisé, nous avons réussi à libérer le Nord, qui sert de base pour construire un grand arrière-plan stratégique pour la guerre de résistance contre les États-Unis et pour sauver le pays.

« La Victoire de Diên Biên Phu a sonné le glas de l'effondrement du colonialisme d'alors, dit du vieux colonialisme ». Pour notre pays, « la Victoire de Diên Biên Phu a marqué une étape extrêmement importante dans l'histoire de la lutte contre les envahisseurs étrangers, achevant la cause de l’indépendance et de la liberté et unifiant le pays. La Victoire de Diên Biên Phu a conduit à la Conférence de Genève et à l'Accord de Genève, avec ses avantages et ses inconvénients pour notre peuple vietnamien. Elle a aidé à restaurer la paix, une paix instable car les impérialistes américains n'ont pas signé les accords de Genève et nourrissaient l'ambition de remplacer la France dans le Sud en préparant une nouvelle guerre » (3).

Dans l'après-midi du 7 mai 1954, le drapeau de l’Armée populaire vietnamienne flotte sur le toit du QG souterrain du général De Castries, commandant du camp retranché de Diên Biên Phu. Photo d’archives : VNA.

Dans l'après-midi du 7 mai 1954, le drapeau de l’Armée populaire vietnamienne flotte sur le toit du QG souterrain du général De Castries, commandant du camp retranché de Diên Biên Phu. Photo d’archives : VNA.

L'histoire ne connaît pas de mot « si », mais sans la victoire de Diên Biên Phu et d'autres victoires militaires sur le champ de bataille, il serait difficile d'obtenir des résultats positifs à la table des négociations. C’est tout comme notre Parti l'a affirmé : « La réalisation de ces accords est une grande victoire de notre peuple et de notre armée, unis, unanimes et combattant héroïquement sous la direction du Président Hô Chi Minh et du Parti » (4).

Avec cette Victoire, la Révolution vietnamienne et le développement du peuple vietnamien sont entrés dans une nouvelle période : une période d'efforts pour consolider la paix, réaliser l'unification et l'indépendance complète et la démocratie à l'échelle nationale.

[1] Documents complets du Parti. Maison d'édition nationale de politique. Page 130.
[2] Résumé de la Guerre de Résistance contre le colonialisme français – Victoire et leçons. Maison d'édition de politique nationale. H.1996. Page 202.
[3] Pham Van Dông : Diên Biên Phu - Une victoire qui transcende l'espace et le temps. T/C LSQS. N ° 1/1994.Page.1
[4] Documents complets du Parti. Maison d'édition de politique nationale. H.2001. T.15. Page 233.

Publication : janvier 2024
colonel, maître de recherches- docteur Trân Ngoc Long
Dessin : Duong Duong
Photos : Journal Nhân Dân & VNA