Dans le cours tumultueux de l’histoire du Vietnam, Hong Kong (en chinois Xianggang), territoire de la Chine, se dresse comme une étape mémorable et lumineuse. C’est en effet sur cette terre, au début de l’année 1930, qu’un événement historique allait poser les jalons d’une lutte opiniâtre et glorieuse pour le peuple vietnamien : la naissance du Parti communiste vietnamien (PCV). Hong Kong, ce lieu de rencontre entre tradition et modernité, est devenu un repère important au cours des 95 années d’accompagnement de la nation par le PCV.

Conférence pour la création du Parti communiste du Vietnam, le 3 février 1930. Photo de l’œuvre de l’artiste Phi Hoanh au Musée national d’histoire.  Photo : VNA

Conférence pour la création du Parti communiste du Vietnam, le 3 février 1930. Photo de l’œuvre de l’artiste Phi Hoanh au Musée national d’histoire.  Photo : VNA

Sur les traces du lieu de naissance

du Parti communiste vietnamien

Nous avons eu l’honneur de rencontrer le Dr Chu Duc Tinh, ancien directeur du Musée Hô Chi Minh, qui a consacré une grande partie de sa vie à l’étude sur la vie du Président Hô Chi Minh et sur l’histoire du Parti communiste vietnamien.

Dans sa maison chaleureuse, où les documents historiques sont méticuleusement rangés, le Dr Chu Duc Tinh a partagé avec émotion son périple à Hong Kong pour retrouver les traces de l’événement historique de la fondation du Parti. C’était en 2007, lorsque lui et ses collaborateurs se sont lancés dans une enquête déterminée pour élucider les mystères entourant le lieu où s’est tenu le congrès d’unification des organisations communistes vietnamiennes.

Le Dr Chu Duc Tinh (au centre) et la délégation du Musée Hô Chi Minh devant la bibliothèque centrale de Hong Kong lors de l’enquête de 2007. Photo fournie aimablement par le Dr Chu Duc Tinh

Le Dr Chu Duc Tinh (au centre) et la délégation du Musée Hô Chi Minh devant la bibliothèque centrale de Hong Kong lors de l’enquête de 2007. Photo fournie aimablement par le Dr Chu Duc Tinh

Ce fut une quête pleine de sens, mais aussi de nombreux défis.
A confié le Dr Chu Duc Tinh

Bien que les archives historiques mentionnent clairement que le congrès s’était tenu du 6 janvier au 7 février 1930 à Hong Kong, l’emplacement précis restait une énigme. Cette incertitude a poussé l’équipe, composée des meilleurs chercheurs du Musée Hô Chi Minh, un guide local et, surtout, de Lady Borton – écrivain et journaliste américaine, qui a rassemblé des milliers de documents sur l’affaire Nguyên Ai Quôc (nom révolutionnaire de Hô Chi Minh) à Hong Kong en 1931 à partir des archives britanniques.

Grâce au soutien des institutions archivistiques hongkongaises, l’équipe a pu mettre la main sur des documents précieux : cartes, mémoires et notes détaillées sur la zone de Sung Wong Toi, identifiée comme le site du congrès.

Sung Wong Toi :

un témoin silencieux de l’histoire

Après plusieurs jours de recherches sur le terrain et d’analyses minutieuses des documents, l’équipe a confirmé que Sung Wong Toi, situé sur la péninsule de Kowloon, avait été le théâtre des activités clés de Nguyên Ai Quôc et de ses camarades.

À cette époque, Sung Wong Toi abritait une petite colline, surmontée d’un temple dédié au roi Sung (Sung Wong) et d’un autre à Hou Wong à proximité, entourée d’habitations ouvrières. Deux grandes artères, Tam Kung et Sung Wong Toi, s’y croisaient. Non loin, un petit stade accueillait régulièrement des matchs de football. 

D’après les témoignages des contemporains, le congrès d’unification s’est étalé sur un mois et s’est déroulé en divers lieux afin de préserver sa confidentialité. Les délégués se réunissaient tantôt dans la modeste maison d’un ouvrier, déguisés en joueurs de mah-jong pour détourner l’attention de la police ; tantôt dans un stade, feignant d’assister à un match ; ou encore sur une colline près de l’aéroport et du port. Ce choix stratégique permettait à la fois de garantir la sécurité des participants et de tirer parti de l’effervescence locale pour camoufler leurs activités révolutionnaires.

Le Dr Chu Duc Tinh a raconté que l’équipe a dû éplucher des cartes datant de 1926, 1930, 1945, 1970 jusqu’à nos jours pour reconstituer l’évolution du site à travers le temps. Les archives révèlent qu’en 1941, l’armée japonaise, après avoir occupé Hong Kong, a fait exploser la colline de Sung Wong Toi pour agrandir l’aéroport de Kai Tak. Cependant, une pierre gravée de trois caractères chinois « Sung Wong Toi », vestige de l’ancien site, a été préservée et déplacée dans un parc voisin par les autorités hongkongaises.

Cette pierre est un témoin silencieux, un lien tangible qui nous ramène à cette période héroïque Nguyên Ai Quôc et ses camarades débattaient des grandes décisions pour la révolution vietnamienne.
Pour le Dr Chu Duc Tinh, la découverte de cette pierre a été un moment chargé d’émotion

Nguyên Ai Quôc

et sa vision stratégique

Avec une vision stratégique et une riche expérience révolutionnaire, Nguyên Ai Quôc choisit Hong Kong comme lieu de l’organisation du Congrès fondateur du Parti communiste vietnamien. Hong Kong, est non seulement un centre commercial international dynamique, mais également un point de connexion idéal avec l’Internationale communiste, offrant à Nguyên Ai Quôc un cadre propice à la planification. Sur place, il s’appuie sur le réseau révolutionnaire de Hô Tùng Mâu et de ses fidèles camarades, tout en exploitant habilement le système juridique colonial britannique pour organiser des réunions secrètes. 

Le Congrès se tient à une période cruciale, coïncidant avec les célébrations du Nouvel An lunaire, où la population afflue massivement autour du temple de Hou Wong pour les rituels.

Cette foule dense fournit une couverture idéale, permettant au Congrès d’unification et à la fondation officielle du Parti communiste vietnamien de se dérouler en toute sécurité.

D. Venir en Chine

« J’ai tenté pour la troisième fois de partir, lorsque l’un de mes camarades, arrivé de Hong Kong en direction du Siam, m’a informé de la désintégration de l’Association des jeunes révolutionnaires d’An Nam. Les communistes étaient alors divisés en plusieurs factions.

Je suis immédiatement parti pour la Chine, où j’arrivai le 23 décembre. Dès mon arrivée, j’ai convoqué les représentants des deux groupes principaux (Đông Dương Cộng sản Đảng et An Nam Cộng sản Đảng). Nous nous sommes réunis le 6 janvier.

En ma qualité d’émissaire de l’Internationale communiste, investi des pleins pouvoirs pour trancher toutes les questions liées au mouvement révolutionnaire en Indochine, j’ai exposé à ces délégués leurs erreurs et les orientations à suivre.

Ils ont accepté de fusionner dans un parti unique. Ensemble, nous avons défini un programme et une stratégie conformes aux principes de l’Internationale communiste.

Les délégués ont été chargés d’organiser un comité central provisoire, composé de sept membres titulaires et sept suppléants. Ils sont ensuite retournés en An Nam le 8 février. »

— Nguyên Ai Quôc (Hô Chi Minh, Œuvres complètes, vol. 3, Maison d’édition de Politique nationale, Hanoi, 2011, p. 13).

D. Venir en Chine

« J’ai tenté pour la troisième fois de partir, lorsque l’un de mes camarades, arrivé de Hong Kong en direction du Siam, m’a informé de la désintégration de l’Association des jeunes révolutionnaires d’An Nam. Les communistes étaient alors divisés en plusieurs factions.

Je suis immédiatement parti pour la Chine, où j’arrivai le 23 décembre. Dès mon arrivée, j’ai convoqué les représentants des deux groupes principaux (Đông Dương Cộng sản Đảng et An Nam Cộng sản Đảng). Nous nous sommes réunis le 6 janvier.

En ma qualité d’émissaire de l’Internationale communiste, investi des pleins pouvoirs pour trancher toutes les questions liées au mouvement révolutionnaire en Indochine, j’ai exposé à ces délégués leurs erreurs et les orientations à suivre.

Ils ont accepté de fusionner dans un parti unique. Ensemble, nous avons défini un programme et une stratégie conformes aux principes de l’Internationale communiste.

Les délégués ont été chargés d’organiser un comité central provisoire, composé de sept membres titulaires et sept suppléants. Ils sont ensuite retournés en An Nam le 8 février. »

— Nguyên Ai Quôc (Hô Chi Minh, Œuvres complètes, vol. 3, Maison d’édition de Politique nationale, Hanoi, 2011, p. 13).

Le Congrès d’unification des organisations communistes à Hong Kong marque une étape historique majeure, officialisant la naissance du Parti communiste vietnamien. Les délégués, issus du Parti communiste d’Indochine (Đông Dương Cộng sản Đảng), du Parti communiste d’An Nam (An Nam Cộng sản Đảng) et de l’Internationale communiste, parviennent à une union idéologique, organisationnelle et stratégique.

Cette création du Parti communiste met fin aux divisions au sein du mouvement révolutionnaire, ouvrant une nouvelle phase où les idéaux marxistes-léninistes se combinent avec le patriotisme et le mouvement ouvrier au Vietnam.

Lors du Congrès, des textes fondamentaux tels que le « Chánh cương vắn tắt » (Programme politique abrégé), le « Sách lược vắn tắt » (Stratégie abrégée) et les « Điều lệ vắn tắt » (Statuts abrégés) sont adoptés.

Ces documents fondateurs établissent les bases idéologiques et organisationnelles du Parti, traçant une voie claire pour la révolution vietnamienne : libérer le pays du joug colonial et conduire le peuple vers l’indépendance et la liberté.

Reconnaissant l’importance historique de cet événement, le IIIe Congrès national du Parti communiste vietnamien, tenu en 1960, décide de faire du 3 février la date de fondation officielle de la fondation du Parti, une journée qui demeure une référence éclatante dans l’histoire du Vietnam.

« Nguyên Ai Quôc n’était pas seulement un révolutionnaire exceptionnel, mais aussi un stratège hors pair », a souligné le Dr Chu Duc Tinh. « Il a su voir au-delà des défis immédiats et poser des bases solides pour un mouvement révolutionnaire durable, guidant le Vietnam sur le chemin de l’indépendance et de la liberté depuis 95 ans. »

(Extrait) du «Rapport de synthèse de la conférence

I. Participants

  1. Un délégué de l’Internationale communiste.
  2. Deux représentants du Parti communiste d’Indochine.
  3. Deux représentants du Parti communiste d’Annam.

II. Ordre du jour

  1. Exposé du délégué de l’Internationale communiste sur l’objectif de la conférence.
  2. Discussion des opinions du délégué de l’Internationale communiste sur :

a) Unification de tous les groupes communistes en une organisation commune, qui sera un véritable parti communiste.
b) Plan de création de cette organisation.

III. Résolution

  1. Les délégués du Parti communiste d’Indochine et du Parti communiste d’Annam sont tous d’accord avec l’opinion du délégué international.
  2. Plan de création d’un véritable Parti communiste.

a) Élection du Comité central provisoire.
b) Déclaration du délégué international.
c) Rédaction du programme du nouveau Parti et de sa stratégie sommaire.
d) Organisation interne du nouveau Parti.
e) Le nouveau Parti prend le nom de Parti communiste du Vietnam.
f) Rapports des délégués.
g) Critiques réciproques des erreurs et des défauts des délégués … »

Nguyên Ai Quôc (Hô Chi Minh, Œuvres complètes, vol. 3, Maison d’édition Politique nationale, Hanoi, 2011, p. 8).

Le Programme abrégé du Parti communiste vietnamien, rédigé par Nguyên Ai Quôc et adopté lors de la conférence de la fondation du Parti en février 1930. Photo : Département des archives du Bureau du Comité central du Parti.

Le Programme abrégé du Parti communiste vietnamien, rédigé par Nguyên Ai Quôc et adopté lors de la conférence de la fondation du Parti en février 1930. Photo : Département des archives du Bureau du Comité central du Parti.

Le parcours

imprégné d’émotion

La recherche de traces à Hong Kong n’était pas seulement une enquête scientifique, mais aussi un parcours émotionnel. Le processus de recherche semblait avoir atteint une impasse à certains moments, comme quand l’équipe n’a pas pu trouver la maison numérotée 186 de la rue Tam Kung où Nguyên Ai Quôc avait vécu avant d’être arrêté à Hong Kong le 6 juin 1931.

 Mais avec l’appui de Lady Borton, l’équipe a découvert des détails importants sur l’emplacement de la maison sur la rue Tam Kung.

Le Dr Chu Duc Tinh a raconté que le moment où l’équipe a découvert des preuves confirmant l’existence de la maison numéro 186 de la rue Tam Kung était l’un des moments les plus émouvants de son parcours de recherche de traces historiques à Hong Kong.

« Quand j’ai réalisé que notre équipe avait trouvé ce que tant d’autres Vietnamiens recherchaient, je n’ai pas pu retenir mes larmes. Il ne s’agit pas seulement d’une découverte, mais d’une preuve claire que ce que Nguyên Ai Quôc a écrit dans le document à propos de cet endroit était véridique.

« La maison numéro 186 Tam Kung, où il a vécu et organisé des activités révolutionnaires, a réellement existé », a-t-il indiqué.

La rue Tam Kung, Kowloon, Hong Kong aujourd’hui. Auparavant, cette rue abritait la maison numéro 186, où Nguyên Ai Quôc - Hô Chi Minh fut arrêté le 6 juin 1931. Photo : Musée Hô Chi Minh.

La rue Tam Kung, Kowloon, Hong Kong aujourd’hui. Auparavant, cette rue abritait la maison numéro 186, où Nguyên Ai Quôc - Hô Chi Minh fut arrêté le 6 juin 1931. Photo : Musée Hô Chi Minh.

Pour le Dr Chu Duc Tinh, la recherche de la carte n’était pas simplement un travail, mais une affirmation d’exactitude historique et une profonde gratitude envers l’Oncle Hô.

 « À ce moment-là, j’ai su que tous nos efforts tout au long de la recherche avaient porté leurs fruits. C’était un sentiment de bonheur, de fierté et d’émotion », a-t-il confié, les yeux encore brillants en se remémorant ce souvenir.

La position actuelle de la rue Tam Kung et du parc Sung Wong Toi (Parc Tống Vương Đài), une zone ayant été un lieu clé des activités révolutionnaires de Nguyễn Ái Quốc et de la conférence fondatrice du Parti communiste vietnamien en 1930. La pierre gravée « Sung Wong Toi », vestige historique de la colline Tống Vương, est aujourd'hui préservée dans ce parc. Photo : Données cartographiques de Google Maps.

La position actuelle de la rue Tam Kung et du parc Sung Wong Toi (Parc Tống Vương Đài), une zone ayant été un lieu clé des activités révolutionnaires de Nguyễn Ái Quốc et de la conférence fondatrice du Parti communiste vietnamien en 1930. La pierre gravée « Sung Wong Toi », vestige historique de la colline Tống Vương, est aujourd'hui préservée dans ce parc. Photo : Données cartographiques de Google Maps.

Au cours de ce voyage d’enquête, le Dr Chu Duc Tinh a également visité la prison de Victoria, où Nguyên Ai Quôc avait été détenu en 1931. Cette cellule exiguë et froide m’a fait suffoquer. « J’ai vu l’image de l’Oncle Hô - maigre et malade - mais gardant toujours un esprit résilient, surmontant tout pour conduire la nation à l’indépendance », a-t-il raconté.

La prison de Victoria, où Song Wenchu ​​​​a été détenu, en 1931. Photo : Musée national d’histoire.

La prison de Victoria, où Song Wenchu ​​​​a été détenu, en 1931. Photo : Musée national d’histoire.

Aujourd’hui, les sites historiques de la zone de Sung Wong Toi ont complètement changé au fil du temps. La colline de Sung Wong, autrefois centre des activités révolutionnaires, n’existe plus et est remplacée par des structures modernes. La rue Tam Kung s’arrête désormais au numéro 148, tandis que la section portant le numéro 186 – où Nguyên Ai Quôc avait mené ses activités révolutionnaires – a été démolie en 1970 pour faire place au boulevard Olympique. Malgré ces changements, grâce à des cartes anciennes et à l’aide des archives locales, l’équipe de recherche a réussi à reconstituer une fresque historique vivante, reliant le passé au présent.

Relier le passé

et le présent

Depuis Hong Kong, la lumière de la révolution s’est allumée, éclairant le chemin de la lutte pour l’indépendance nationale et la construction du socialisme. Le Parti communiste du Vietnam, à partir d’une petite organisation, a connu une croissance constante, accompagnant la nation pour surmonter tous les défis au cours des 95 dernières années.

Les vestiges restants à Hong Kong, de la pierre « Sung Wong Toi », à l’histoire de la prison Victoria, sont non seulement des preuves historiques, mais aussi des symboles de la volonté révolutionnaire et de la solidarité internationale.

Dans le contexte d’une intégration internationale de plus en plus profonde, la préservation des sites historiques tels que celui de Sung Wong Toi, n’est pas seulement une responsabilité, mais aussi une opportunité pour la jeune génération de mieux comprendre la valeur de l’indépendance et de la liberté. 

Le Dr Chu Duc Tinh a exprimé son espoir de voir, un jour, la zone de Sung Wong Toi restaurée et reconnue comme une « adresse rouge », un lieu emblématique où des visiteurs vietnamiens et internationaux pourront venir s’imprégner de l’histoire. Une telle initiative, s’il elle se concrétise, augmentera la valeur historique du site et renforcera en même temps davantage les relations entre les peuples vietnamiens et chinois, dont le président Hô Chi Minh a posé les bases et les a consolidées.

Certains scientifiques et amis du Vietnam et de Chi Minh à Hong Kong ont pris l’initiative de proposer l’installation de stèles commémoratives sur les lieux historiques liés à Chi Minh à Hong Kong, notamment à Sung Wong Toi. Une telle initiative, s’il elle se concrétise, augmentera la valeur historique du site et renforcera en même temps davantage les relations entre les peuples vietnamiens et chinois, dont le président Chi Minh a posé les bases et les a consolidées.
Le Dr Chu Duc Tinh

« Hong Kong – l’origine de la lumière » sera toujours mentionné comme une partie indispensable du parcours de 95 ans du Parti communiste du Vietnam accompagnant la nation.

Publication : le 20 janvier 2025
Organisation & réalisation : Van Anh, Ha Phuong & Tung Chi
Dessin : Phan Anh