En revenant sur le parcours de 100 ans de développement du journalisme révolutionnaire vietnamien, face à une concurrence féroce des nouvelles plateformes médiatiques, le journaliste Le Quoc Minh, membre du Comité central du Parti, rédacteur en chef du Journal Nhân Dân (Le Peuple), vice-président de la Commission centrale de la sensibilisation, de l'éducation et de la mobilisation de masse du Parti, et président de l’Association des journalistes du Vietnam, estime que ces défis représentent aussi des opportunités équitables pour les rédactions afin de s’adapter et d’affirmer leur position.

Monsieur Le Quoc Minh s’est déclaré convaincu que, grâce à une démarche collective de renouveau et de créativité, le journalisme vietnamien continuera de tenir un rôle essentiel dans le flot de l’information, en poursuivant sa mission au service de la nation et du peuple, contribuant ainsi de manière significative à l’œuvre de construction et de défense du pays. Les journalistes dans cette nouvelle ère doivent se doter de connaissances et de compétences novatrices pour prolonger le parcours des générations précédentes et porter le journalisme vietnamien à une échelle internationale.

La pression des plateformes médiatiques et de la technologie : les défis sont aussi des opportunités

Journaliste : Avec ses 100 ans d’existence, la presse révolutionnaire vietnamienne a réalisé de grands accomplissements, contribuant de manière importante à la lutte pour l’indépendance nationale, ainsi qu’à la construction et à la défense du pays. Selon vous, quelles sont les différences fondamentales entre la presse vietnamienne et celle d’autres pays dans la région ou dans le monde ?

M. Le Quoc Minh : L’histoire de la presse vietnamienne est intimement liée à celle de la révolution. Née dans le but de servir la révolution, la presse vietnamienne s’est développée pendant un siècle, jouant un rôle capital dans la lutte pour la libération nationale, ainsi que dans la construction et la défense du pays.

Tout au long de ce parcours centenaire, les mots « presse » et « révolution » ont toujours été associés. C’est là la principale différence entre la presse vietnamienne et celle de nombreux autres pays.

Portant cette noble mission et cette spécificité, la presse révolutionnaire vietnamienne, dès sa naissance, a eu pour tâche de mobiliser, d’encourager le peuple à se lever contre le colonialisme et l’impérialisme, pour obtenir l’indépendance nationale.

À travers les différentes périodes historiques, elle a continué à remplir sa mission de diffusion des orientations et politiques du Parti et de l’État, devenant une tribune du peuple, un pont entre le peuple et le Parti, entre le peuple et l’État. 

Cette caractéristique traverse toutes les époques. Depuis les débuts de la révolution jusqu’à l’édification du socialisme et le développement du pays, cette essence reste inchangée, fidèle à son origine.

Le journalisme vietnamien : une mission immuable face aux défis modernes

Le Vietnam possède un journalisme distinct de celui des autres pays de la région et du monde.

Bien que nous devions innover chaque jour pour répondre aux besoins des lecteurs, quelle que soit l'évolution des technologies journalistiques, le cœur de la mission du journalisme révolutionnaire vietnamien ne changera jamais.

Après 100 ans de développement, le journalisme vietnamien a toujours fidèlement rempli sa mission de servir le pays et le peuple. Sa tâche principale est de propager les lignes directrices du Parti et de l'État auprès de la population, contribuant ainsi à guider et à orienter la société dans le but ultime de construire, développer et protéger le pays.

Dans le contexte actuel d'explosion médiatique et de concurrence féroce avec les nouvelles plateformes, le journalisme vietnamien a maintenu ses objectifs, sa position et son rôle face au public.

Journaliste : Pour maintenir l'objectif d'orientation sociale et accomplir la mission du journalisme révolutionnaire vietnamien dans cette nouvelle phase, face à l'explosion technologique et informationnelle actuelle, à quelles difficultés et défis sommes-nous confrontés ? Alors que nous entrons dans le deuxième siècle de notre développement, comment le journalisme révolutionnaire vietnamien doit-il planifier ses actions pour surmonter ces défis ?

M. Le Quoc Minh : En général, non seulement au Vietnam, mais aussi dans le monde entier, le journalisme est confronté à de nombreuses pressions.

Au cours des dernières années, nous avons pu observer un rétrécissement du journalisme mondial. Cela ne concerne pas seulement la presse écrite, mais aussi la radio, la télévision et les médias électroniques.

La plus grande pression vient de la multitude de sources d'information.

Aujourd'hui, chaque organisation, chaque individu peut directement publier son contenu et ses nouvelles sur Internet.

Auparavant, les lecteurs ne pouvaient se tourner vers le journalisme que comme source unique d'information, mais ils ont maintenant un très grand nombre de choix.

Dans un tel contexte de surabondance d'informations, les lecteurs sont très facilement distraits.

La deuxième pression vient du fait que les utilisateurs évitent les nouvelles, surtout après la pandémie de Covid-19.

De la presse écrite aux chaînes de radio et de télévision, les lecteurs ont été exposés à trop d'informations négatives provenant des médias. Cela a eu un impact négatif sur les émotions personnelles des lecteurs.

Par conséquent, une proportion non négligeable de lecteurs tend à éviter les nouvelles et ne souhaite plus se rendre sur internet tous les jours.

Le troisième défi réside dans la concurrence technologique. Lorsque la technologie évolue de manière rapide, le cycle de vie des produits technologiques devient court. Cela complique la tâche des agences de presse qui doivent investir et anticiper les nouvelles tendances technologiques. Dans le processus de transformation numérique, à peine une technologie est-elle appréhendée qu’une autre apparaît déjà.

Il est difficile d’élaborer une stratégie d’investissement à long terme et dans la bonne direction.

Cependant, en plus des défis, les opportunités se présentent souvent.

Journaliste : Pourriez-vous nous indiquer les opportunités que le journalisme doit connaître dans le contexte actuel ?

M. Le Quoc Minh :  Autrefois, seules les grandes agences de presse disposant de ressources abondantes et d’une équipe puissante pouvaient se prévaloir de leurs atouts, de leur statut et de leur influence pour atteindre les lecteurs et le public.

Aujourd’hui, même les petites agences de presse dans les pays en développement peuvent attirer l’attention des lecteurs et rivaliser à armes égales avec les plus grandes. L’essentiel est de savoir exploiter la technologie.

Dans le contexte actuel, il est difficile de déterminer si une agence de presse est un géant ou un nain, car un nain peut soudainement devenir un géant s’il sait tirer parti de sa position et des technologies adaptées.

La deuxième opportunité, c’est la tendance à la numérisation des contenus. De nos jours, tous les contenus peuvent être diffusés sur des plateformes numériques. De ce fait, la concurrence géographique n’existe plus vraiment.

Comme je l’ai déjà dit, autrefois, seuls les grands médias pouvaient installer des systèmes de diffusion étendus ou acheminer leurs journaux imprimés dans de nombreux lieux différents. Aujourd’hui, une petite organisation, voire un individu, peut attirer davantage de lecteurs qu’une grande rédaction.

La troisième opportunité vient du développement des technologies.

Dans le passé, les journalistes rencontraient beaucoup de difficultés pour accéder à des informations précises ou réaliser leurs reportages. Ils ne disposaient que de leur stylo, de feuilles de papier ou d’un appareil photo. Aujourd’hui, ils ont à leur disposition de nombreux outils efficaces. Par exemple, des logiciels permettent de collecter, de vérifier et de valider les informations en un temps très court.

Si auparavant une interview de trente minutes nécessitait encore plusieurs heures de retranscription, la technologie actuelle nous permet de la retranscrire en quelques minutes, libérant ainsi du temps pour des tâches plus créatives. 

Autant d’opportunités que les agences de presse et les journalistes doivent savoir saisir.

Si elles savent en tirer parti, une agence de presse locale, une petite rédaction ou même une agence issue d’un pays en développement peut accomplir des choses remarquables que les grandes agences des pays développés ne sont pas forcément capables de réaliser.

Quelle que soit l’évolution des technologies, la mission fondamentale de la presse révolutionnaire vietnamienne demeure inchangée.

La personnalisation de l’information s’impose comme un axe stratégique majeur

Journaliste : Parmi les défis transformés en opportunités figure le récent succès du Journal Nhân Dân dans l’application des technologies à la création de produits qui touchent et diffusent auprès des jeunes lecteurs. Fort de ce succès, pouvez-vous nous expliquer quelle stratégie le Journal Nhân Dân a adoptée, et adopte encore aujourd’hui, pour affirmer son rôle dans l’écosystème médiatique et gagner le cœur des lecteurs ?

M. Le Quoc Minh : En tant que plus grand journal du Parti communiste du Vietnam, Nhân Dân doit rester fidèle à ses missions et assumer pleinement son rôle dans le journalisme révolutionnaire.

Pour diffuser largement les politiques du Parti et de l’État auprès de tous les publics, il est essentiel de préserver notre position auprès des lecteurs, notamment en mettant en œuvre une stratégie adaptée à la jeunesse.

Le journal développe actuellement une stratégie de personnalisation des contenus. L’objectif n’est plus de produire un article unique pour des milliers de lecteurs, mais de créer plusieurs formats autour d’un même sujet, chacun ciblant un public spécifique.

Pour y parvenir, nous investissons dans les technologies modernes. La personnalisation est une orientation essentielle pour le journalisme dans le futur.

Par ailleurs, nous visons à établir une relation directe entre la rédaction et les lecteurs. Le journalisme doit investir dans cette reconquête. Depuis vingt ans, nous nous sommes trop appuyés sur les réseaux sociaux. Nous avons gagné en audience, mais perdu en lectorat fidèle.

L’absence de données sur les lecteurs fut une erreur du passé. Aujourd’hui, il est temps de la corriger : les rédactions doivent savoir à qui elles s’adressent, recueillir des données précises et adapter leurs contenus aux attentes réelles des lecteurs.

Placer le lecteur au centre constitue une stratégie clairement définie du Journal Nhân Dân pour les temps à venir.

L’absence de données sur les lecteurs a été une erreur du passé. Aujourd’hui, la presse doit remédier à cette lacune : elle doit savoir à qui elle s’adresse, ce que veut son public, et comment mieux y répondre.

Journaliste : Ainsi, saisir les tendances technologiques pour développer des contenus au service des lecteurs constitue-t-il un enjeu central ? Pourriez-vous partager votre expérience en matière d’utilisation des technologies au sein des rédactions ?

M. Le Quoc Minh : L’analyse et l’anticipation des évolutions technologiques dans le secteur de la presse sont essentielles, mais toutes les rédactions ne parviennent pas à les maîtriser avec succès. 

Nous devons avoir le courage d’expérimenter de nouvelles technologies, d’assumer les erreurs, voire les échecs. Mieux vaut tenter dix initiatives dont trois ou quatre aboutissent, que ne rien tenter du tout. En outre, sans expérimentation, il est difficile d’identifier nos forces et nos faiblesses, de déterminer la voie la plus pertinente ou encore de savoir comment une rédaction peut réellement réussir.

Il faut avoir l’audace de sortir de sa zone de confort pour expérimenter.

Les innovations récentes du Journal Nhân Dân résident dans la combinaison harmonieuse entre l’édition imprimée et les produits numériques. Plusieurs organisations internationales estiment que ce succès dépasse les frontières nationales. En réalité, peu de rédactions dans le monde parviennent à conjuguer une plateforme aussi traditionnelle que la presse écrite avec des technologies de pointe telles que la réalité augmentée. Ces projets ont suscité un intérêt particulier auprès du jeune public.

Toutefois, nous ne devons pas nous satisfaire des acquis, mais continuer à innover davantage.

Nous espérons que cette démarche pourra inspirer de nombreuses rédactions dans le pays. Le succès du journal Nhân Dân constituera un moteur pour encourager l’exploration et la créativité au sein des salles de rédaction.

Il est encourageant de constater que certaines rédactions ont déjà entrepris des démarches intéressantes.

Lorsque les rédactions s’engagent ensemble dans l’innovation et la créativité, le paysage médiatique vietnamien devient d’autant plus dynamique et attractif pour les lecteurs. C’est sur cette base que le public pourra accorder sa confiance à la presse officielle et accéder à une information authentique et rigoureuse.

Ainsi, la presse pourra contribuer à renforcer la confiance des citoyens dans l’avenir du pays.

Journaliste : Que pensez-vous du rythme de la transformation numérique au sein des organes de presse à travers le pays dans la période actuelle ? Quel rôle joue l’Association des journalistes dans cette mission ?

M. Le Quoc Minh : Nous avons commencé à parler de transformation numérique bien avant la pandémie de Covid-19. Pourtant, malgré près de trois années de promotion à travers conférences, colloques, séminaires et formations, la situation est restée quasiment au point mort à cause d’un état d’esprit répandu : ne pas savoir ce qu’est réellement la transformation numérique.

Or, certains attendaient simplement de voir comment un autre journal s’y prenait pour ensuite le copier.

La pandémie de Covid-19 a alors agi comme un véritable catalyseur. De nombreux organes de presse, n’ayant pas d’autre choix, ont dû s’engager dans la transformation numérique. Même si l’ampleur de la mise en œuvre varie, beaucoup ont compris à la fois l’importance de cette transformation et les risques encourus en cas d’inaction. Certains projets, qui n’avaient pu être réalisés depuis des années, ont été lancés en quelques mois.

Un fait particulièrement encourageant est la dynamique observée dans certaines rédactions locales ou de petite taille. Ces dernières ont mis en œuvre rapidement la transformation numérique, en récoltant des résultats concrets et en inspirant même des organes de presse plus importants.

Selon le rapport 2024 du ministère vietnamien de l’Information et de la Communication sur le niveau de maturité numérique, plusieurs organes de presse locaux figurent parmi les dix premiers dans diverses catégories.

Malgré ces signaux positifs, les efforts de transformation numérique restent inégaux. À ce jour, certains organes de presse dans le pays ne disposent toujours pas de canaux de diffusion sur les réseaux sociaux, ne comprennent pas les enjeux de l’intelligence artificielle (IA), ou n’ont pas encore investi dans la production de contenus multimédias.

Ce retard est une préoccupation majeure pour l’Association des journalistes du Vietnam, qui cherche activement à accélérer le mouvement. L’Association organise actuellement de nouveaux programmes de formation. Le 3 juin dernier, elle a lancé une formation simultanée sur l’IA à destination d’environ 2 200 journalistes à travers tout le pays. Son objectif d’ici la fin de l’année est de former au moins 5 000 journalistes vietnamiens aux connaissances de base sur l’intelligence artificielle.

Une fois que les journalistes maîtrisent ces outils, ils deviendront eux-mêmes les moteurs de la transformation numérique au sein de leurs rédactions.

Par ailleurs, l’Association organise également de nombreux séminaires et formations pour les dirigeants et responsables des organes de presse. Elle présente des modèles de réussite, tant au niveau national qu’international, et organise des visites d’étude pour susciter de nouvelles idées auprès des gestionnaires de médias.

Conformément à l’orientation fixée par le gouvernement, l’Association espère que la transformation numérique dans les organes de presse atteindra les indicateurs requis d’ici fin 2025, et obtiendra un score de 100 % d’ici 2030.

Le désir de transformation numérique doit avant tout émaner d'une nécessité intrinsèque aux agences de presse.

Il est difficile de prédire si une agence de presse, dans le contexte actuel, sera un géant ou un minuscule acteur. Un petit acteur d'aujourd'hui peut soudainement se muer en géant demain s'il sait exploiter sa position et adopter les technologies appropriées.

La presse doit bâtir la confiance avec ses lecteurs

Journaliste : Comment envisagez-vous la presse vietnamienne dans 10, 20 et 50 ans ? Quelles sont vos attentes pour la presse révolutionnaire du Viet Nam au cours de son second siècle ?

M. Le Quoc Minh : La presse vietnamienne s'inscrit dans le courant global de la presse mondiale. Par conséquent, les rédactions doivent saisir et anticiper la trajectoire future de la presse internationale.

Parler de presse, c'est aborder les spectateurs, les lecteurs, les auditeurs. Il est essentiel de comprendre comment leurs habitudes de consommation d'informations évoluent afin d'adapter nos approches.

Lorsque nous constatons que la demande de contenu des lecteurs se déplace vers les plateformes numériques, nous entamons la transformation digitale. Cependant, les plateformes numériques continueront d'évoluer à l'avenir. Au lieu d'utiliser des appareils familiers, comme les ordinateurs ou les téléphones, les utilisateurs pourraient se tourner vers des dispositifs en cours de recherche ou sur le point de l'être. Serons-nous capables de nous adapter à cela ?

Par exemple, le secteur technologique a développé des lunettes intelligentes permettant aux utilisateurs de lire les actualités directement sur les verres ou dans l'espace réel. Devant eux apparaissent des écrans virtuels allant jusqu'à 200 pouces, contrôlables par la voix. Les utilisateurs n'auront plus besoin de sortir leur téléphone.

Face à une telle tendance, pourrons-nous nous y adapter ?

Comprendre les lecteurs, savoir où ils vont ou ce qu'ils aiment afin de leur fournir du contenu garantit 50 % du succès pour les rédactions.

Les 50 % restants résident dans les efforts des agences de presse, qui doivent modifier leur approche. Si l'ancienne méthode de propagation des directives et politiques du Parti et de l'État n'atteint plus les lecteurs, comment devons-nous changer nos pratiques ?

C'est la question qui déterminera l'orientation future des rédactions.

En réalité, de nombreuses rédactions investissent dans des systèmes technologiques et des équipements modernes, mais l'aspect de l'application pratique est une tout autre histoire.

Acquérir quelques logiciels modernes ne signifie pas nécessairement que l'on surpasse les autres entités.

L’essentiel, c’est que nous sachions utiliser et intégrer ces logiciels, ces technologies dans notre processus de production de contenu, afin de créer des produits de valeur et de qualité.

Cependant, pour déterminer comment combiner la technologie, dans quelle mesure l’utiliser, avec quelle prudence et quelle ouverture l’utiliser, les responsables doivent disposer d’une stratégie claire. Ensuite, il est nécessaire de former les ressources humaines afin de mettre en œuvre cette stratégie.

Ce n’est qu’en résolvant ces problématiques que la presse pourra conserver sa place. Sinon, elle sera concurrencée par de nombreuses autres plateformes. Pire encore, si les lecteurs ne se tournent plus vers la presse traditionnelle pour s’informer, ils risquent de consommer des fausses nouvelles, ce qui aurait des conséquences négatives sur leur vie personnelle et professionnelle. Dans ce cas, la presse elle-même ne remplirait plus sa mission.

Journaliste : Comme vous l’avez mentionné, bien que nous soyons en train de renouveler nos méthodes et d’appliquer un journalisme moderne, l’essence même du journalisme révolutionnaire vietnamien ne changera jamais. Selon vous, que devra faire le journalisme révolutionnaire vietnamien à l’avenir pour préserver cette valeur fondamentale ?

M. Le Quoc Minh : La mission commune des organes de presse du Parti est de rester fidèles à l’orientation et aux directives, et de mettre en avant leur caractère politique. Mais si nous ne parvenons pas à transmettre ces informations aux lecteurs, cela signifie que nous avons échoué dans notre mission.

Notre tâche est de trouver des moyens d’atteindre les lecteurs, d’être présents partout et de répondre aux besoins des lecteurs. La presse ne doit plus attendre que les lecteurs viennent à elle, elle doit aller à la rencontre de ses lecteurs. Pour cela, elle doit se concentrer activement sur la production de contenus de haute qualité, professionnels, attractifs et hautement crédibles. Ce n’est qu’ainsi que les lecteurs viendront à la presse avec la conviction d’y trouver des contenus fiables.

C’est la meilleure manière d’éviter que les lecteurs ne soient emportés par le "flux d’informations" non vérifiées sur les réseaux sociaux et Internet.
Je pense que, pour l’avenir, afin de maintenir son rôle de guide et la confiance du public, le journalisme révolutionnaire doit s’appuyer sur deux piliers : le contenu et la technologie. Le contenu reste l’âme, l’élément central qui exprime l’identité et la valeur sociale de la presse. Mais pour que ce contenu parvienne rapidement, efficacement et de manière attractive au public, la technologie est un levier indispensable.

L’alliance harmonieuse entre une plume intègre et des outils numériques intelligents permet au journalisme moderne non seulement de transmettre des informations, mais aussi d’offrir une expérience interactive, personnalisée, avec une portée plus large et plus puissante.

Dans le mouvement de développement actuel, le journalisme se doit de s’appuyer sur ces deux piliers : préserver la profondeur de la pensée tout en s’adaptant aux nouvelles tendances médiatiques, pour avancer solidement sur la voie du renouveau et de l’intégration.

L’alliance harmonieuse entre une plume intègre et les outils numériques intelligents permet au journalisme moderne de créer des expériences interactives, personnalisées, et d’amplifier la diffusion des contenus.

Journaliste : Pour remplir ses missions à l’ère nouvelle, la fusion des organes de presse se heurte d’abord à des difficultés liées à la réduction des effectifs et aux contraintes économiques du secteur. Comment l’Association des Journalistes du Vietnam accompagne-t-elle les rédactions pour fidéliser les professionnels et entretenir la passion du métier chez les jeunes générations ?

Le Quoc Minh : Nous devons accepter l’idée selon laquelle le marché du travail traite tout le monde de façon équitable.
Lorsqu’une société évolue, certaines professions doivent inévitablement se transformer ou se réduire, entraînant le départ de nombreux salariés. Ces derniers sont alors contraints de se former à nouveau et de se réorienter vers d’autres domaines.

Avec la mise en œuvre de la résolution 18, nous avons assisté à la fusion de nombreux titres de presse et stations locales à travers le pays, provoquant inévitablement un excédent de main-d’œuvre. Parmi eux, de nombreux journalistes expérimentés et talentueux. Ne pas pouvoir les employer constituerait une perte regrettable.

Cela dit, cette période représente aussi une opportunité pour les rédactions : elles peuvent sélectionner les meilleurs éléments, ainsi qu'attirer et recruter de nouveaux talents, notamment parmi les jeunes journalistes. Dans l’avenir, il nous faudra continuer à former davantage de jeunes professionnels, en particulier ceux qui sont dynamiques et maîtrisent les outils technologiques.

Les défis demeurent toutefois importants. Avec la réduction des effectifs, nous avons besoin de personnes opérationnelles immédiatement. Or, les jeunes diplômés nécessitent souvent trois à cinq années de formation. Les jeunes aux compétences moyennes risquent donc de rencontrer de grandes difficultés.

Par ailleurs, l’intelligence artificielle est en passe de remplacer certains postes intermédiaires. Aujourd’hui, elle peut déjà accomplir les tâches d’un employé ayant un à deux ans d’expérience. Bientôt, elle pourra remplacer des postes nécessitant cinq à sept ans d’expérience.

Si les jeunes souhaitent vraiment embrasser le journalisme, ils doivent se doter de compétences distinctives pour faire la différence dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

Merci Monsieur !

Publication : le 18 juin 2025
Organisation : Hong Minh - Thien Lam - Thi Uyen
Photo: Thanh Dat