
La célébration du centenaire de la presse révolutionnaire vietnamienne n’est pas seulement l’occasion de rendre hommage à un parcours exceptionnel, mais aussi le moment opportun pour poser une question essentielle : dans un monde submergé d’informations et d’intelligence artificielle, quelle est la flamme qui permet aux journalistes de garder leur intégrité, de rester fidèles à la vérité et de s’engager au service de la Patrie et du peuple.
Depuis les premières lignes que le président Ho Chi Minh écrivit pour Le Paria dans une petite chambre au cœur de Paris, jusqu’aux salles de rédaction numériques d’aujourd’hui ; depuis l’idéal de libération nationale jusqu’à l’aspiration à bâtir un Vietnam moderne, autonome et humaniste, l’histoire de la presse révolutionnaire est une continuité ininterrompue entre les générations, entre le pays et sa diaspora, entre tradition et technologie.
Le président Ho Chi Minh ne fut pas seulement le fondateur de la presse révolutionnaire vietnamienne, mais aussi un grand journaliste et un stratège en communication doté d’une pensée visionnaire. Dans ses écrits, l’idéal révolutionnaire s’allie toujours à une langue accessible, des images évocatrices et une vision globale, un modèle de journalisme humaniste, percutant et engagé.
Lors d’un déplacement au Vietnam en mai dernier, à l’occasion de la visite officielle du président français Emmanuel Macron, Mme Anna Richardson – conseillère auprès du secrétaire général de l’Association francophone du sport et Présidente de l’Association « Les Amis de Da Lat » (AD@LY), actuellement résidente à Montpellier (enFrance), a eu l’occasion de revenir au Vietnam, le pays où elle a passé son enfance à Da Lat (sur les Hauts plateaux du Centre).
Fille d’un père français et d’une mère vietnamienne, Anna Richardson a vécu à Da Lat jusqu’à l’âge de 18 ans, avant de poursuivre ses études et sa carrière en France. Malgré les années passées loin de sa terre natale, elle conserve un attachement profond pour le pays en forme de S. L’émotion était palpable lorsqu’elle a retrouvé dans les écoles vietnamiennes la célèbre devise « Tiên học lễ, hậu học văn » (« Apprendre la politesse avant les lettres »), affichée de manière solennelle.
Ce n’est pas qu’une philosophie éducative, c’est aussi une leçon que chaque organisation, chaque citoyen, notamment au sein de la Francophonie, pourrait méditer. Avant de transmettre le savoir, apprenons à respecter l’humain ; avant de devenir érudit, soyons d’abord des personnes intègres.
Évoquant un drame survenu en France début 2023, lorsqu’un élève de 16 ans a poignardé sa professeure en pleine classe, Anna Richardson partage son point de vue :
« Si, dans le système éducatif français, les élèves étaient sensibilisés à une base morale semblable à celle de “Tiên học lễ, hậu học văn”, une telle tragédie aurait peut-être pu être évitée. Plus que jamais, la presse doit jouer un rôle d’orientation de l’opinion publique, en ravivant les valeurs fondamentales de l’humanité ».
Pour elle, ce message fait écho avec force à la devise qu’elle chérit : Égalité, Diversité, Solidarité, qui sont des valeurs fondamentales de la Francophonie, qui résonnent profondément avec la mission du journalisme humaniste : bâtir un monde multiculturel, bienveillant, respectueux de la vérité et tourné vers la paix. Une vision que l’on retrouve aujourd’hui dans certains slogans contemporains, tels que : « Égaux, Différents, Unis – plus que jamais, valeurs de la paix », expression d’un idéal d’unité dans la diversité, face aux défis du monde moderne.
Elle souligne en particulier :
La relation spéciale entre Raymond Aubrac et le président Ho Chi Minh n’était pas seulement la rencontre de deux idéaux révolutionnaires, mais aussi une démonstration du rôle des médias dans la transmission de l’esprit de solidarité internationale. C’est une preuve de la puissance de la communication dans la construction d’une relation pacifique et équitable entre deux peuples.
La journaliste Minh Hạnh et Mme Anna Richardson (à gauche) posent pour une photo souvenir à Hanoï. Mme Anna Richardson tient entre ses mains une reproduction d’une photo historique montrant le président Ho Chi Minh tenant dans ses bras sa filleule française, Elisabeth Aubrac enfant. À côté du Président se trouve Mme Lucie Aubrac, la mère d’Elisabeth. Photo : Minh Hanh.
La journaliste Minh Hạnh et Mme Anna Richardson (à gauche) posent pour une photo souvenir à Hanoï. Mme Anna Richardson tient entre ses mains une reproduction d’une photo historique montrant le président Ho Chi Minh tenant dans ses bras sa filleule française, Elisabeth Aubrac enfant. À côté du Président se trouve Mme Lucie Aubrac, la mère d’Elisabeth. Photo : Minh Hanh.
Le journaliste français Loïc Hervouet :
« De l’acier dans la plume – Du feu dans le cœur » et le courage du métier dans l’ère numérique
Lié au Vienam depuis le début des années 1990, Loïc Hervouet – ancien directeur de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille, France) et auteur de l’ouvrage « Une vie de journaliste, cent histoires d’éthique » – porte une attention toute particulière à la presse vietnamienne. Dans un entretien accordé au journal Nhân Dân en ligne, il partage un regard profond sur l’éthique journalistique, la force de l’engagement, ainsi que les défis posés par l’intelligence artificielle.
Loïc Hervouet, ancien directeur de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille), spécialiste de la déontologie journalistique et des relations France–Vietnam. Photo fournie par lui-même.
Loïc Hervouet, ancien directeur de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille), spécialiste de la déontologie journalistique et des relations France–Vietnam. Photo fournie par lui-même.
Il raconte : il y a environ un quart de siècle, dans le cadre d’un partenariat entre l’Association des journalistes vietnamiens et l’ESJ Lille, un centre de formation professionnelle en journalisme a vu le jour à Hanoï. Plusieurs journalistes vietnamiens formés à Lille y ont ensuite enseigné, dont des animateurs francophones comme Dao Thanh Huyen ou Laurent Passicousset. C’est dans ce contexte qu’un de ses manuels de journalisme intitulé « Écrire pour le lecteur » a été traduit en vietnamien et diffusé largement parmi les jeunes professionnels du secteur.
En tant que journaliste international, Loïc Hervouet estime que la presse révolutionnaire, c’est-à-dire une presse dotée d’une ligne éditoriale claire, au service du peuple, est parfaitement légitime, à condition que ceux qui tiennent la plume soient honnêtes envers la vérité et transparents dans leur engagement vis-à-vis du public.
S’engager ne signifie pas déformer la réalité.
Quel que soit le système, un véritable journaliste doit, avant tout, rester fidèle à la vérité, même lorsque cette vérité est difficile à dire ou à entendre.
Pour lui, les qualités essentielles du métier ne se limitent pas aux savoirs et compétences, mais incluent aussi la conscience professionnelle, l’humilité et l’amour de l’humain.
« On ne peut pas faire du bon journalisme si l’on n’aime pas les gens, si l’on n’est pas prêt à s’engager pleinement pour la communauté », affirme-t-il.
Approuvant le slogan « De l’acier dans la plume – Du feu dans le cœur », adopté comme symbole du centenaire de la presse révolutionnaire vietnamienne, il commente :
« C’est un très beau slogan. Il illustre clairement que le journalisme n’est pas un métier ordinaire. Il requiert responsabilité, intelligence, vigilance, compétence, discipline et parfois courage ».
Face à la vague technologique et à la montée de l’intelligence artificielle, Loïc Hervouet lance une mise en garde appuyée : « L’intelligence artificielle ne doit jamais avoir le dernier mot. Toute production journalistique, qu’il s’agisse de presse écrite ou audiovisuelle, doit toujours engager la responsabilité humaine ».
« Viết cho độc giả » est la version vietnamienne de l’ouvrage « Écrire pour le lecteur » du journaliste français Loïc Hervouet. Cette publication a été présentée comme document de référence professionnelle dans les formations destinées aux journalistes, par le Centre de formation au journalisme, relevant de l’Association des Journalistes vietnamiens.
« Viết cho độc giả » est la version vietnamienne de l’ouvrage « Écrire pour le lecteur » du journaliste français Loïc Hervouet. Cette publication a été présentée comme document de référence professionnelle dans les formations destinées aux journalistes, par le Centre de formation au journalisme, relevant de l’Association des Journalistes vietnamiens.
Il soutient fermement l’idée que les rédactions indiquent systématiquement le nom de l’auteur et une adresse électronique pour renforcer le dialogue avec le public et la responsabilité. Il présente également le plus récent guide d’éthique élaboré par le Conseil de Déontologie journalistique et de Médiation (CDJM), organisation à laquelle il participe activement.
Au-delà de la théorie, il insiste sur la nécessité, pour la presse d’aujourd’hui, de sortir des schémas classiques de description de la réalité pour devenir une force de proposition et de transformation sociale.
« En France, de plus en plus de médias adoptent le modèle du journalisme de solutions, comme Reporters d’Espoirs, Sparknews, IMS… La presse ne se contente plus de refléter le réel, elle peut aussi éveiller l’espoir et tracer des chemins ».
À l’intention des jeunes journalistes vietnamiens, il adresse ce message :
« Soyez professionnels. Dynamiques. Ouverts. Lucides et courageux. Persévérez. Regardez le monde, apprenez, comparez. Et demandez toujours à quelqu’un de relire votre article avant publication ».
Il conclut par un proverbe malgache simple, mais profond :
Ho Chi Minh
un grand journaliste et stratège en communication
Si Loïc Hervouet insiste sur l’éthique et la responsabilité des journalistes à l’ère du numérique, Henri Dang, chercheur français d’origine vietnamienne, aborde la presse révolutionnaire de Ho Chi Minh sous l’angle de la pensée et de la vision globale.
Non seulement fondateur de la presse révolutionnaire vietnamienne, le président Ho Chi Minh fut aussi un journaliste de grand talent et un stratège de la communication doté d’une pensée en avance sur son temps. Ses écrits marient habilement l’idéal révolutionnaire à un langage accessible, des images parlantes et une vision internationale lucide, un modèle de journalisme humaniste, engagé et d’une portée universelle.
Henri Dang – expert français d’origine vietnamienne, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et secrétaire général adjoint de l’Association francophone pour le sport (AFS) – a partagé son point de vue avec la journaliste du journal Nhân Dân lors d’un entretien réalisé à l’occasion de sa mission au Vietnam, dans le cadre de la visite officielle du Président français Emmanuel Macron en mai dernier.
M. Henri Dang
M. Henri Dang
J’ai découvert Le Paria – le journal dont le président Ho Chi Minh était à la fois directeur et rédacteur en chef – à travers les travaux de chercheurs comme Pierre Brocheux, Alain Ruscio, Jean Lacouture… Cela m’a permis de comprendre que Ho Chi Minh n’était pas seulement un leader politique, mais aussi une plume combattante, un stratège de la communication d’une grande finesse dès les premières heures.
La presse - une arme pacifique pour la justice et l’éveil de l’humanité
Selon Henri Dang, Le Paria n’était pas simplement un journal, mais bien la continuité logique des « Huit Revendications » que Nguyen Ai Quoc avait présentées à la Conférence de Versailles en 1919.
« Dès cette époque, le président Ho Chí Minh avait déjà saisi la puissance de la presse comme une arme pacifique – pour lutter en faveur de la justice et éveiller les consciences », a-t-il affirmé.
Il insiste particulièrement sur le rôle de la langue dans la stratégie de communication du président Ho Chí Minh :
« Il a utilisé la langue même du colonisateur pour dénoncer les injustices du régime colonial. Pour lui, la presse n’était pas seulement un instrument de lutte, mais aussi un outil d’éducation pour les jeunes générations, un pont entre les peuples, un vecteur des idéaux de liberté et une affirmation de la dignité humaine ».
M. Henri Dang en réunion avec la direction générale des Sports, à l’occasion de la visite du Président Emmanuel Macron au Vietnam en mai 2025, afin de renforcer la coopération bilatérale dans le domaine du sport de haut niveau. Photo fournie par lui-même.
M. Henri Dang en réunion avec la direction générale des Sports, à l’occasion de la visite du Président Emmanuel Macron au Vietnam en mai 2025, afin de renforcer la coopération bilatérale dans le domaine du sport de haut niveau. Photo fournie par lui-même.
Une pensée de communication mondiale : écrire pour l’humanité, et non seulement pour sa propre nation
Henri Dang est particulièrement impressionné par le fait que Le Paria ait été publié en trois langues : français, arabe et chinois, un signe révélateur de la vision mondiale du président Ho Chi Minh dès les années 1920.
Il n’écrivait pas uniquement pour les Vietnamiens, mais aussi pour les milieux politiques français, pour les intellectuels progressistes, ainsi que pour les autres peuples colonisés en quête d’émancipation.
Selon lui, c’est précisément cette approche qui a fait de Le Paria un symbole international des peuples opprimés, une voix qui s’est élevée depuis le cœur même de la métropole coloniale, un fait sans précédent dans l’histoire du journalisme révolutionnaire.
« Le Paria est le prolongement direct de l’appel à l’indépendance que Nguyen Ai Quoc a formulé à Versailles. Ce fut un tournant qui a permis aux amis internationaux de comprendre que les Annamites ne se résigneraient pas. Il a créé le tout premier canal de communication internationale du Vietnam depuis la métropole coloniale, un fait inédit », affirme Henri Dang.
Il conclut :
La presse du président Ho Chi Minh est un modèle de communication révolutionnaire : multilingue, multidimensionnelle, moderne et profondément humaniste. "Le Paria" reste un emblème des peuples opprimés, émis depuis le centre même de l’Empire, ce qui n’a jamais eu d’équivalent .
Un réseau médiatique révolutionnaire : multiniveaux, multilingue, multipublics
Ho Chi Minh n’a pas seulement contribué à "Le Paria" ou "L’Humanité", mais il a également écrit pour plusieurs autres publications comme : "Le Travailleur indochinois" (1926–1927) : destiné aux ouvriers vietnamiens en France, imprégné d’un esprit de lutte de classe et anticolonialiste ; "La Cloche Fêlée" (1927–1929) : un journal satirique en langue française ; "Thanh Nien" (1925–1927) : premier organe théorique du mouvement révolutionnaire vietnamien, fondé par Ho Chi Minh lui-même.
Selon Henri Dang, tous ces journaux ont formé un véritable réseau de communication révolutionnaire à plusieurs niveaux, s’adressant à la fois aux ouvriers, aux intellectuels et à la jeunesse – touchant les communautés vietnamiennes de l’étranger tout en inspirant les forces révolutionnaires nationales et internationales.
M. Henri Dang en visite sur l’île de Lý Sơn. Photo fournie par lui-même.
M. Henri Dang en visite sur l’île de Lý Sơn. Photo fournie par lui-même.
La presse écrite : artère vitale de l’information à une époque sans télévision
La presse écrite – artère vitale de l’information à une époque sans télévision .
« Entre les années 1920 et 1950, la télévision n’était pratiquement pas accessible. En 1950, toute la France ne comptait que 3 000 postes de télévision pour plus de 42 millions d’habitants. À cette époque, la presse écrite constituait la principale voie de diffusion de la révolution vietnamienne à l’échelle mondiale », explique Henri Dang.
Même si la radio jouait un rôle essentiel dans la transmission rapide de l’information, ce sont les articles de fond et les analyses de la presse écrite qui ont permis de mettre en lumière la justesse de la cause vietnamienne aux yeux de l’opinion internationale.
Ho Chi Minh, un véritable stratège de la communication
« Le président Ho Chi Minh comprenait que la presse n’est pas seulement un outil de propagande, mais aussi un front préparatoire à la lutte armée, une étape fondamentale pour mobiliser, éduquer, convaincre et rassembler les forces révolutionnaires ». – Henri Dang.
Message à la presse de la diaspora et aux jeunes générations d’aujourd’hui
Forts de son expérience en France, Henri Dang partage : « Aujourd’hui, même si l’héritage de Ho Chi Minh n’est pas toujours évoqué explicitement, son esprit d’ouverture, d’humanisme et de dialogue continue de marquer les coopérations franco-vietnamiennes dans tous les domaines, du sport à la culture ».
Pour lui, la presse révolutionnaire n’est pas seulement un chapitre du passé, mais bien un flambeau humaniste qu’il faut continuer à faire vivre.
Depuis Soisy-sous-Montmorency :
une mémoire journalistique et humaine impérissable
Alors que Henri Dang aborde l’héritage journalistique de Ho Chi Minh sous l’angle académique, de la communication internationale et de la diplomatie populaire, Mme Élisabeth Aubrac, filleule du président Ho Chi Minh, en offre une perspective très différente : une mémoire intime, empreinte d’humanité et d’émotion.
Mme Elisabeth Aubrac conserve toujours les souvenirs précieux offerts par le président Ho Chi Minh. Photo : nhandan.vn
Mme Elisabeth Aubrac conserve toujours les souvenirs précieux offerts par le président Ho Chi Minh. Photo : nhandan.vn
À partir de la relation exceptionnelle entre le président Ho Chi Minh et Raymond Aubrac, grand ami de la Révolution vietnamienne, Mme Anna Richardson, actuellement résidente à Montpellier (France), a partagé son émotion lors d’une rencontre avec unejournaliste du JournalNhân Dân à Hanoï. Conseillère du président de l’Association francophone pour le sport (AFS) et présidente de l’association « Les Amis de Da Lat » (AD@LY), elle souligne :
Ce n’était pas seulement une amitié personnelle, mais le symbole d’un monde où les idéaux révolutionnaires et l’humanité dépassent les frontières nationales. Et la presse est le pont qui unit tout cela.
Grâce à ce lien profondément humain, une lettre manuscrite d’une journaliste du Nhân Dân en ligne a été transmise à Mme Élisabeth Aubrac à Paris, ouvrant une correspondance émouvante et riche de sens, qui esquisse l’héritage journalistique de Ho Chi Minh à travers les souvenirs d’un témoin unique.
Depuis Paris, Mme Élisabeth Aubrac écrit :
Elle raconte que le président Ho Chi Minh recevait chaque matin les grands quotidiens français. Il ne se contentait pas de lire, il étudiait également, et cela dans plusieurs langues. Pour elle, cela illustre parfaitement sa philosophie journalistique : rester fidèle à la vérité, servir le peuple, et connecter les peuples entre eux.
Mme Anna Richardson (à gauche) et Mme Elisabeth Aubrac (à droite), posent pour une photo souvenir au siège de l’Association des Amis de Da Lat (France), devant une photo historique accrochée au mur, montrant le président Ho Chi Minh tenant dans ses bras sa filleule française, Elisabeth enfant. À côté du Président figure Mme Lucie Aubrac, la mère d’Elisabeth. Photo : Anna Richardson.
Mme Anna Richardson (à gauche) et Mme Elisabeth Aubrac (à droite), posent pour une photo souvenir au siège de l’Association des Amis de Da Lat (France), devant une photo historique accrochée au mur, montrant le président Ho Chi Minh tenant dans ses bras sa filleule française, Elisabeth enfant. À côté du Président figure Mme Lucie Aubrac, la mère d’Elisabeth. Photo : Anna Richardson.
Évoquant les années tumultueuses du mouvement pacifiste en France, elle écrit :
« Nous, étudiants français des années 60–70, avons manifesté en faveur du Vietnam. Nous scandions « Ho Chi Minh ! Ho Chi Minh ! ». Non seulement pour dénoncer la guerre, mais par respect pour un homme qui utilisait la plume pour faire rayonner la vérité et l’humanité ».
Mme Élisabeth Aubrac ajoute :
À mes yeux, le journalisme n’a pas besoin d’être neutre au sens froid du terme. Il peut porter un engagement, à condition de ne jamais trahir la vérité. C’est ce qui fait la force et le rayonnement de la presse révolutionnaire vietnamienne, née sous la plume du président Ho Chi Minh .
L’image du président Ho Chi Minh lisant le journal dans le calme du jardin à Soisy-sous-Montmorency est restée gravée dans sa mémoire. Une précieuse photographie de ce moment, le Président assis sur une chaise en rotin, baigné par la lumière du printemps et le chant des oiseaux, est toujours conservée par sa famille comme un symbole vivant du grand journaliste.
Mme Elisabeth Aubrac conserve toujours les souvenirs précieux offerts par le président Ho Chi Minh. Photo : nhandan.vn
Mme Elisabeth Aubrac conserve toujours les souvenirs précieux offerts par le président Ho Chi Minh. Photo : nhandan.vn
Elle conclut :
« L’héritage journalistique du président Ho Chi Minh ne se limite pas aux journaux qu’il a fondés, mais constitue une véritable stratégie de communication – à la fois humaniste et combative – qui a relié le peuple vietnamien au monde par l’esprit de dialogue, de respect et de paix ».
Le président Ho Chi Minh tenant dans ses bras sa filleule Elisabeth Aubrac. À ses côtés, Mme Lucie Aubrac. Photo fournie par Anna Richardson.
Le président Ho Chi Minh tenant dans ses bras sa filleule Elisabeth Aubrac. À ses côtés, Mme Lucie Aubrac. Photo fournie par Anna Richardson.
Garder la flamme du journalisme à l’ère des défis
Transmettre la tradition, c’est ainsi que la jeune génération de journalistes vietnamiens poursuit le chemin tracé par leurs aînés : avec lucidité, courage et une soif inébranlable de vérité.
Pham Xuan Thu, jeune journaliste de la génération Z, effectue un stage dans un organe de presse central. Photo fournie par lui-même.
Pham Xuan Thu, jeune journaliste de la génération Z, effectue un stage dans un organe de presse central. Photo fournie par lui-même.
Un siècle a passé, mais la flamme de la presse révolutionnaire continue de brûler dans chaque plume, notamment chez les jeunes d’aujourd’hui. Pham Xuan Thu, un journaliste de la génération Z, en est l’un des représentants. Il incarne cet esprit dans un monde dominé par les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle.
La presse n’a plus le monopole de l’information. C’est justement pour cela qu’elle a besoin, plus que jamais, de courage, pour préserver la vérité et servir le peuple dans un flot d’informations chaotiques.
Veiller avec les pêcheurs après la tempête
Ayant travaillé sur le terrain dans les tempêtes maritimes de Nam Dinh, ou encore au cœur du village des déchets recyclés de Quang Phu Câu (district d’Ung Hoa, Hanoï), où « des vies se battent parmi les ordures », des expériences qui l’ont profondément bouleversé, Thu affirme que le journalisme n’est pas seulement un métier, mais un engagement envers la vie.
« Nous réalisons des reportages, mais l’impact réel sur la vie des personnes dont nous parlons reste minime. Ce sentiment d’impuissance me hante encore », partage-t-il.
Il raconte :
Après la tempête Yagi, j’ai accompagné les pêcheurs sur la côte de Nam Dinh (au nord du Vietnam). J’ai passé deux nuits avec eux, l’une à aider à sécuriser les bateaux, l’autre à veiller pour prévenir les imprévus. Pour eux, un bateau, c’est tout le patrimoine de la famille. En discutant avec eux, j’ai compris qu’ils ne sont pas de simples travailleurs de la mer. En effet, ils participent directement à la défense de la souveraineté maritime du pays.
L’inquiétude pour ceux qu’on raconte
« J’ai longtemps cru que raconter une histoire suffisait. Mais un jour, après avoir questionné une vieille dame vivant de la collecte de déchets, j’ai éclaté en sanglots. J’ai écrit son histoire, mais est-ce que cela changera sa vie ? Nous ne faisons peut-être pas de miracles, mais au moins, la presse doit semer une graine d’espoir », confie Xuan Thu.
Rester soi-même face aux vagues technologiques
En tant que jeune issu de la génération numérique, Xuan Thu est pleinement conscient de la pression exercée par la technologie et les réseaux sociaux. Mais pour lui, la technologie est un outil, non une finalité :
« Ce sont notre conscience politique, notre éthique professionnelle et notre esprit critique qui nous empêchent d’être absorbés par les machines ».
Il ajoute :
« Chaque jour, un journaliste ne fait pas que transmettre des informations : il entretient la confiance sociale. Nous avons besoin de la technologie, mais elle ne remplacera jamais la conscience, l’expérience et le sens civique ».
Les strates culturelles du métier
Ses rencontres de terrain ont peu à peu enrichi sa profondeur humaine : « Couvrir la culture m’aide à approfondir ma connaissance de l’identité nationale. Échanger avec les anciens révolutionnaires m’a permis d’aimer encore plus mon pays et de renforcer ma foi dans la ligne politique du Parti et de l’État, des convictions qui n’ont cessé de grandir au fil de mon parcours ».
L’âme qu’aucun algorithme ne peut reproduire
Dans un contexte où l’IA imite même le style d’écriture, Xuan Thu croit que seule la qualité humaine du journaliste, engagement, esprit critique, compassion, peut résister à la déshumanisation :
« L’âme du journaliste révolutionnaire, et cela, aucun algorithme ne pourra jamais le copier ».
Il conclut :
Le journalisme, ce n’est pas qu’une affaire de mots. C’est une affaire de responsabilité, de bienveillance et de compréhension de l’humain. Quand la machine pourra imiter notre style, seul notre cœur et notre vécu donneront une profondeur inimitable à nos récits .
Le jeune journaliste Pham Xuan Thu en mission de couverture médiatique au stade Thien Truong, dans le cadre d’un reportage sportif. Photo fournie par lui-même.
Le jeune journaliste Pham Xuan Thu en mission de couverture médiatique au stade Thien Truong, dans le cadre d’un reportage sportif. Photo fournie par lui-même.
Un siècle s’est écoulé depuis que le président Ho Chi Minh a posé les premières pierres du journalisme révolutionnaire vietnamien avec Le Paria, un journal en français dédié aux opprimés du monde entier. Sa plume, portée par l’engagement et le désir de libération, a tracé la voie d’une presse au service du peuple et des idéaux révolutionnaires.
Aujourd’hui, face à des défis mondiaux, IA, réseaux sociaux, crise de la vérité, le journalisme vietnamien est appelé à redéfinir son rôle au cœur de la société moderne.
Comme l’a souligné Loïc Hervouet, ancien directeur de l’ESJ Lille et formateur de journalistes vietnamiens dans les années 1990 :
« Même un journalisme engagé n’a pas le droit de déformer la réalité. Faire du journalisme, c’est accomplir une mission utile, qui exige compétence, éthique et courage ».
De "Le Paria" à l’ère numérique, la plume révolutionnaire doit conserver à la fois l’acier de l’idéal et le feu de l’humanité. C’est une mission qui ne se limite pas à perpétuer une tradition, mais qui exige aussi une capacité de renouvellement, avec lucidité, foi en la vérité, et une écoute humble et responsable de la société.
Publication : le 25 juin 2025
Contenu : Minh Hanh/Journal Nhân Dân
Dessin : NDEL