Construction d’un système judiciaire pour protéger les mineurs

Actuellement, dans le domaine judiciaire, la prise en charge et la protection des enfants ont été institutionnalisées par de nombreuses dispositions dans divers codes, lois et règlements. Cependant, le droit vietnamien relatif à la justice pour mineurs est dispersé dans plusieurs textes législatifs. Certaines dispositions ne distinguent pas clairement entre adultes et mineurs.
La représentante de l'UNICEF au Vietnam, Silvia Danailov. Photo : nhandan.vn
La représentante de l'UNICEF au Vietnam, Silvia Danailov. Photo : nhandan.vn

L’élaboration et la promulgation d'une Loi sur la justice pour les mineurs sont une nécessité objective et indispensable pour institutionnaliser les documents, résolutions et règlements du Parti et de l'État concernant les mineurs, construire un système judiciaire complet pour mineurs, tant sur le fond que sur la procédure et, en même temps, parfaire progressivement le système juridique conformément aux engagements internationaux dont le Vietnam est membre.

Un journaliste du Journal Nhân Dân (Le Peuple) a échangé avec Madame Silvia Danailov, Représentante de l'UNICEF au Vietnam, sur cette question.

Appliquer une approche centrée sur l'enfant

Journaliste : Ces dernières années, l'UNICEF Vietnam a mené de nombreuses activités pour soutenir le gouvernement vietnamien dans la protection des droits des enfants en général et dans l'élaboration du projet de loi sur la justice pour mineurs en particulier. Que pensez-vous de l'importance de cette loi pour protéger les enfants et soutenir la réforme judiciaire pour les mineurs au Vietnam ?

Madame Silvia Danailov : Tout d'abord, j'apprécie les réalisations remarquables du Vietnam dans le renforcement de la justice pour les mineurs ces dernières années. L'élaboration de la Loi sur la justice pour les mineurs démontre une fois de plus l'engagement fort du Vietnam à promouvoir les droits des enfants.

Bien qu'étant la fondation de tout système judiciaire favorable aux mineurs, cette loi établira une base juridique solide pour renforcer la protection des mineurs dans le système de justice pénale, y compris les mineurs délinquants ainsi que les victimes et les témoins.

En appliquant une approche centrée sur l'enfant, totalement différente de celle appliquée aux adultes délinquants, la Loi sur la justice pour les mineurs se concentre sur la réhabilitation, fournissant des solutions de soutien personnalisées pour traiter les causes profondes des décisions erronées.

Les mineurs, qu'ils soient garçons ou filles, grandissent et se développent en faisant des expériences, des erreurs et en tirant des leçons de ces erreurs. C'est un processus très normal, car le cerveau humain ne se développe pleinement que à l’âge de 20 ans.

En particulier, les adolescents, c'est-à-dire les jeunes en transition de l'enfance à l'âge adulte (environ de 12 à 18 ans), manquent souvent de capacité de prévoir les conséquences de leurs actes, de contrôler leurs émotions et leurs impulsions.

Les adolescents d'aujourd'hui ne sont pas différents, bien que l'exposition à Internet et aux réseaux sociaux les fasse mûrir rapidement et leur donne l'air d'être plus adultes. Comprendre le comportement des adolescents et la façon dont nous les traitons à ce stade peut influencer toute leur vie.

En adoptant une approche centrée sur l'enfant, totalement différente de celle appliquée aux adultes délinquants, la Loi sur la justice pour les mineurs se concentre sur la réhabilitation, fournissant des solutions de soutien personnalisées pour traiter les causes profondes des décisions erronées.

Étant encore en développement, les mineurs changent souvent de comportement plus facilement que les adultes. Les mesures éducatives visant à former des attitudes positives et des compétences sociales, ainsi que la conscience des responsabilités, peuvent aider les jeunes à choisir le bon chemin en grandissant. Dans le monde entier, cette approche a été reconnue comme étant moins coûteuse et plus efficace pour prévenir la récidive.

En privilégiant des mesures alternatives aux poursuites pénales et des solutions basées sur la communauté, la Loi sur la justice pour les mineurs permet aux jeunes de grandir et de renoncer à leurs comportements délinquants tout en vivant dans leur communauté et en maintenant leurs liens avec leur famille et leur école.

De cette manière, les adolescents seront protégés contre des mesures de traitement sévères, la stigmatisation et les punitions pouvant avoir des conséquences négatives durables sur leur santé physique et mentale, ainsi que sur leur développement.

Au Vietnam, de nombreux mineurs sont traduits en justice pour des délits non violents, tels que le vol et le trouble à l'ordre public. Pour ces jeunes, les solutions basées sur la communauté seront le choix le plus approprié - et cela ne signifie pas « tolérer le crime ».

En réalité, les mesures éducatives communautaires exigent un réel effort de la part des mineurs, les encourageant à faire face à leurs problèmes, à assumer la responsabilité de leurs actes, à traiter les causes profondes de leur comportement et à choisir le bon chemin pour devenir des citoyens utiles et respectueux des lois. C'est le meilleur moyen d'assurer une cohésion communautaire et une sécurité sociale durable.

La Loi sur la justice pour les mineurs est également importante pour protéger les victimes et les témoins mineurs des traumatismes psychologiques lors des procédures pénales, ce qui améliore la qualité de leurs témoignages.

La loi prévoit des dispositions spécifiques pour traiter les affaires impliquant des victimes et des témoins mineurs de manière amicale et sensible au genre, garantissant que la justice est équitable et que les délinquants sont punis.

Des pays comme l'Indonésie, le Laos, le Népal, la Croatie, la Géorgie et la Serbie ont intégré des dispositions pour protéger les victimes et les témoins mineurs dans leur loi sur la justice pour les mineurs.

La Loi sur la justice pour les mineurs est également importante pour protéger les victimes et les témoins mineurs des traumatismes psychologiques lors des procédures pénales, ce qui améliore la qualité de leurs témoignages.

Journaliste : Selon le comité de rédaction, la nouvelle loi vise à réformer profondément les politiques et les lois concernant les mineurs impliqués dans la justice pénale afin de les aligner sur les engagements et les pratiques internationales. Selon vous, comment cette loi aidera-t-elle le Vietnam à atteindre cet objectif ?

Madame Silvia Danailov : Actuellement, le traitement des mineurs dans le système de justice pénale au Vietnam est réglementé par des chapitres et articles spécifiques du Code pénal, du Code de procédure pénale, de la Loi sur l'exécution des peines et d'autres textes réglementaires. Cela cause de la dispersion et de l'inefficacité pour les mineurs.

Ces dernières décennies, de nombreux pays dans le monde et dans la région Asie-Pacifique ont abandonné cette approche pour la remplacer par une loi complète sur la justice pour les mineurs. Cette loi définit les objectifs, les principes, les mesures et les sanctions, ainsi que les procédures et les services spécialement adaptés aux mineurs.

Dans ses observations finales récentes sur le 5e et 6e rapports nationaux du Vietnam sur la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (19 septembre 2022), le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a recommandé que le Vietnam valorise ses réalisations remarquables en matière de renforcement des droits de l'enfant, afin de rendre son système de justice pour les mineurs réellement conforme à la Convention, notamment par le biais d'une loi complète sur la justice pour les mineurs.

L'adoption de la Loi sur la justice pour les mineurs renforcera la conformité du Vietnam avec ses obligations en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, en créant un cadre juridique plus cohérent pour le système de justice pour les mineurs en fusionnant les dispositions actuellement régies par différents textes législatifs. Cela permettra d'appliquer une approche spécialisée pour les mineurs, fondamentalement différente de celle appliquée aux adultes, offrant des mesures adaptées aux besoins spécifiques des jeunes, basées sur leur capacité en développement et leur vulnérabilité inhérente, tout en promouvant le meilleur intérêt des mineurs en contact avec le système de justice pénale.

Construire un système judiciaire convivial pour les mineurs

Journaliste : Fort de l'expérience de l'UNICEF dans la protection des enfants, pouvez-vous donner quelques recommandations pour la rédaction de la loi sur la justice pour les mineurs au Vietnam ?

Madame Silvia Danailov : Je suis ravie de voir de nombreux éléments positifs dans le projet de loi soumis à l'Assemblée nationale (AN) en juin dernier. Cela améliorera le traitement des affaires pénales impliquant des mineurs en conformité avec les obligations du Vietnam en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Cependant, certains aspects du projet de loi peuvent encore être améliorés pour se conformer aux normes internationales et aux meilleures pratiques mondiales.

Tout d'abord, l'UNICEF se félicite de la disposition relative aux mesures alternatives aux poursuites pénales (appelées « traitement par orientation ») visant à éloigner les enfants du système de justice pénale pour leur réhabilitation dans la communauté.

Cependant, il est très important de noter que le traitement par orientation étant appliqué avant la phase de jugement, il est nécessaire de respecter les protections procédurales essentielles.

En particulier, le traitement par orientation ne peut être imposé. Il ne peut être appliqué que lorsque le mineur y consent volontairement ainsi qu'à toutes les obligations ou mesures du plan de traitement par orientation.

Par conséquent, afin de se conformer pleinement aux normes internationales, le projet de loi doit renforcer cet aspect volontaire et consensuel en précisant clairement l'exigence du consentement du mineur au traitement par orientation ainsi qu'aux obligations du plan de traitement par orientation.

Deuxièmement, le traitement par orientation ne doit inclure aucune forme de privation de liberté. Ainsi, la mesure éducative dans une école de rééducation doit être considérée comme une sanction plutôt que comme une mesure d'orientation.

Enfin, les délits commis par des mineurs sont souvent liés à des problèmes sociaux complexes dans l'environnement de l'enfant. Les meilleures pratiques mondiales ont montré que pour traiter efficacement ces problèmes, il est nécessaire d'avoir des professionnels spécialisés avec des connaissances et des compétences approfondies en travail social.

L'UNICEF recommande vivement la formation d'un personnel de services sociaux plus professionnel, en particulier un réseau de travailleurs sociaux aux niveaux provincial et municipal, et de collaborateurs sociaux au niveau communal.

Journaliste : L'UNICEF a accompagné les organes compétents vietnamiens dans de nombreux projets de protection de l'enfance et de réforme de la justice pour les mineurs dans le pays. Pourriez-vous partager les projets marquants de ces dernières années et les résultats obtenus ?

Mme Silvia Danailov : L'UNICEF est présent au Vietnam depuis 1975 pour soutenir la promotion des droits de l'enfant. Nos efforts pour renforcer la justice pour les mineurs ont été intensifiés avec l'approbation du premier projet de coopération sur le Système de justice favorable aux mineurs entre le ministère de la Justice et l'UNICEF en 2006. Depuis lors, l'UNICEF a étroitement collaboré avec des partenaires très engagés tels que le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique, le ministère du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales, la Cour populaire suprême, le Parquet populaire suprême et l'Association des juristes du Vietnam pour promouvoir l'accès à la justice pour les mineurs.

Au cours des dernières années, l'UNICEF a soutenu les partenaires nationaux dans l'étude des normes internationales et l'apprentissage des précieuses leçons d'autres pays, en particulier ceux ayant des similitudes avec le Vietnam, afin donner des informations sur les efforts de réforme du système juridique et judiciaire pour protéger les mineurs, y compris les garçons et les filles impliqués dans la loi.

L'UNICEF a également aidé à équiper des milliers de futurs et actuels responsables juridiques, y compris des agents des forces de l'ordre et de la justice, des avocats/assistants juridiques et des travailleurs sociaux, avec des connaissances et des compétences spécialisées pour mener des procédures judiciaires adaptées aux mineurs et sensibles au genre, fournir des services d'aide juridique de qualité et d'autres services adaptés à l'âge des mineurs.

Grâce à ce partenariat de confiance et de longue date, les agences gouvernementales ont institutionnalisé des approches réussies pour obtenir des résultats durables pour les mineurs à travers le pays.

Les réalisations remarquables en matière de justice pour les mineurs ont été reconnues dans les dernières observations finales du Comité des droits de l'enfant sur le Vietnam.

Le Comité a particulièrement félicité le Vietnam pour la mise en place de mesures de traitement par orientation dans la Loi sur le traitement des infractions administratives, les procédures adaptées aux enfants dans le Code de procédure pénale, l'extension de la portée des bénéficiaires de l'aide juridique dans la Loi sur l'aide juridique, ainsi que la création de 40 tribunaux pour la famille et les mineurs en tant que tribunaux spécialisés pour les affaires impliquant des mineurs.

La Loi sur la justice des mineurs, si elle est adoptée, constituera une étape importante. Nous espérons continuer à travailler en étroite collaboration avec nos partenaires nationaux pour mettre en œuvre cette loi, et ainsi continuer à promouvoir l'accès à la justice pour les garçons et les filles de moins de 18 ans à travers le Vietnam.

Journaliste : Je vous remercie !