Créer un tremplin pour le développement de l'IA « Made in Vietnam »

Créer un tremplin pour le développement de l'IA « Made in Vietnam »

Le Vietnam est aujourd’hui perçu comme disposant d’une opportunité en or pour développer une intelligence artificielle (IA) « Made in Vietnam ».

Fort d’une main-d’œuvre jeune, dotée d’une solide formation en mathématiques, d’une compétence technologique reconnue à l’échelle régionale et d’une forte culture de l’innovation, le Vietnam est aujourd’hui perçu comme disposant d’une opportunité en or pour développer une IA « Made in Vietnam ».

L’IA représente non seulement une tendance incontournable, mais également un levier de développement national à l’ère numérique.

En particulier, dans l’esprit des résolutions 57-NQ/TW et 68-NQ/TW, cette période représente une opportunité pour généraliser l’usage et le developpement de l’IA dans tous les aspects de la vie, notamment dans le monde des affaires et au sein des ménages.

Cependant, selon les experts et les entreprises, le Vietnam doit aborder l'IA de manière pragmatique, en s'appuyant sur ses atouts actuels : en définissant à la fois des objectifs stratégiques et des mesures réalisables, tout en investissant davantage dans l'éducation, l'innovation et en trouvant de nouvelles orientations.

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Photo : Vneconomy.

« Il faut une politique de sandbox pour l’IA »

Pour former une jeune main-d'œuvre talentueuse en IA, le Vietnam doit se concentrer sur trois axes principaux : améliorer la qualité de la formation en IA, développer un écosystème de startups en IA, et investir dans les infrastructures de données et de calcul.

La formation à l’IA au Vietnam doit être améliorée sur le plan pratique. Au lieu de se limiter à un enseignement théorique, les programmes de formation doivent être associés aux entreprises afin que les étudiants puissent participer à des projets concrets.

De plus, il est nécessaire de créer des laboratoires d'IA modernes dans les universités, où les étudiants puissent accéder aux technologies les plus récentes.

Les cours doivent être régulièrement mis à jour en fonction des tendances mondiales, notamment deep learning, computer vision et natural language processing – NLP.

Le gouvernement et les entreprises doivent collaborer pour créer un écosystème dynamique de l’IA. Actuellement, le Vietnam manque de capital-risque spécialisé dans l'IA. La création d’un Fonds vietnamien pour l’IA, destiné à soutenir les startups prometteuses, est donc essentielle.

Par ailleurs, des politiques devraient encourager les entreprises nationales à utiliser les produits d'IA développés par les entreprises vietnamiennes, au lieu de se concentrer uniquement sur les solutions étrangères.

Les infrastructures de calcul et de données massives sont des conditions cruciales pour le développement de l’IA. Cependant, l’un des plus grands obstacles pour les startups IA vietnamiennes est le coût élevé de l’entraînement des modèles, dû à l’absence de centres de calcul haute performance.

L’État devrait donc investir dans des infrastructures de cloud GPU pour soutenir les projets IA domestiques, ainsi que dans la création de plateformes de données ouvertes, afin de permettre aux chercheurs et aux startups d’accéder à des données de qualité.

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Selon Dr Tran Quy, directeur de l’Institut vietnamien pour le développement de l’économie numérique, un autre aspect important est la mise en place d’un mécanisme de sandbox pour l’IA, permettant aux entreprises et chercheurs de tester de nouveaux modèles sans être soumis à une réglementation trop contraignante.

Ce modèle a été adopté avec succès dans des pays comme la Chine ou Singapour, favorisant l’innovation en IA.

Une politique efficace de sandbox IA devrait se concentrer sur trois volets : autoriser l’expérimentation dans certains domaines spécifiques, fournir des infrastructures de calcul et de données, et offrir un cadre juridique favorable.

Si elle est bien mise en œuvre, cette politique pourrait devenir un moteur important aidant le Vietnam à réaliser une percée dans le domaine de l’IA.

« Il faut investir plus massivement dans l’éducation »

« À mon avis, le Vietnam ne devrait pas se précipiter pour suivre des tendances déjà établies. Par exemple, si nous décidons aujourd’hui de créer une entreprise pour concurrencer DeepSeek, au moment où elle sera opérationnelle, DeepSeek aura déjà pris beaucoup d’avance, et nous resterons toujours à la traîne. À la place, il faut miser sur l’innovation, chercher une nouvelle voie », a déclaré Dr Le Viet Quoc, expert senior en IA chez Google.

Une idée concrète serait d’utiliser l’IA pour concevoir des puces, un segment émergent à la croisée de l’IA et des semi-conducteurs.

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Il faut investir massivement dans les ressources humaines, et cela passe par l’amélioration de l’enseignement universitaire et post-universitaire. Photo : Vneconomy.

C’est un domaine encore jeune, et si le Vietnam s’y engage tôt, il pourrait y acquérir un avantage compétitif. Je tiens à souligner ici que le Vietnam doit privilégier l'innovation plutôt que de suivre le mouvement.

De plus, il faut investir massivement dans les ressources humaines, et cela passe par l’amélioration de l’enseignement universitaire et post-universitaire. C’est durant cette phase que les jeunes diplômés développent des modèles IA innovants ou rejoignent les grandes entreprises tech.

Cependant, l'écart de qualité entre l’enseignement supérieur vietnamien et celui du monde reste encore important. Cela conduit les meilleurs à partir étudier à l’étranger, et une fois installés, ils reviennent rarement. Ceux qui restent au pays, quant à eux, ont peu d’accès aux formations avancées, ce qui les empêche de suivre les nouvelles tendances technologiques.

C'est pourquoi je pense que nous devons investir davantage dans l'éducation. Par exemple, nous pouvons inviter les meilleurs professeurs et experts mondiaux à travailler au Vietnam ou coopérer avec les universités pour promouvoir la recherche de pointe.

Mais améliorer l'éducation ne suffit pas. Nous devons également inciter de grandes entreprises technologiques comme Google ou Facebook à ouvrir des bureaux au Vietnam.

Leur présence créerait des opportunités pour les talents locaux d’apprendre, de progresser, puis de fonder leurs propres startups. C’est une démarche à long terme, mais tout à fait réalisable.

Le point de départ, cependant, reste la formation de talents d’exception, et cela commence par une réforme éducative.

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« Les Vietnamiens ont la capacité de travailler à un niveau international »

Rich Mcclellan, directeur national du Tony Blair Institute for Global Change (TBI) au Vietnam a déclaré que les Vietnamiens ont la capacité de travailler à un niveau international.

Selon lui, le Vietnam dispose d’une main-d’œuvre qualifiée en technologies de l’information, notamment en IA, avec une population jeune, férue de technologie et compétente dans les disciplines STEM.

Les ingénieurs et programmeurs vietnamiens sont réputés pour leur adaptabilité, leur rigueur et leur capacité à résoudre les problèmes.

La culture des startups est également très dynamique, avec de nombreux jeunes entrepreneurs qui créent avec succès des entreprises technologiques dans les domaines des jeux vidéo, de l'e-commerce et de la fintech.

Bien que le pays n’ait pas encore vu émerger de géants tels que DeepSeek ou Manus, le potentiel est là. Le Vietnam est encore au début de la construction d’un écosystème IA de niveau mondial. Sa jeunesse, son grand esprit d’apprentissage et sa solide base technique sont de véritables atouts. Avec les bons investissements, le pays peut tout à fait s’imposer dans la course technologique mondiale.

Il faut aussi parler de la fuite des cerveaux : de nombreux talents vietnamiens en IA travaillent à l’étranger, comme le Dr Quoc Le chez Google Brain, une figure clé du deep learning. Cela prouve que les Vietnamiens sont capables de travailler à un niveau international.

Actuellement, le gouvernement vietnamien s’efforce d’attirer activement des investissements dans l’IA, de soutenir les startups et de développer les infrastructures numériques, faisant ainsi preuve d’un fort esprit d’autonomie.

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Les ingénieurs et programmeurs vietnamiens sont réputés pour leur adaptabilité, leur rigueur et leur capacité à résoudre les problèmes. Photo : Vneconomy.

Pour former les jeunes talents en IA, le Vietnam doit développer ses opportunités de recherche et de financement, notamment en investissant dans des laboratoires universitaires, en créant des incubateurs de startups en IA et en collaborant avec des entreprises technologiques mondiales.

En parallèle, la rétention des talents est essentielle. Le Vietnam devrait aussi promouvoir les startups technologiques de pointe ; bien qu’il ait connu du succès dans la fintech et l’e-commerce, les entreprises IA ont encore besoin d’un accompagnement renforcé à leurs débuts.

En réalité, le Vietnam possède des conditions fondamentales remarquables pour prendre une longueur d’avance dans l’IA : une population proche de 100 millions d’habitants, une couverture Internet étendue, une large communauté de jeunes ingénieurs et un écosystème de startups technologiques en plein essor.

Ce sont des facteurs clés pour l’adoption comme pour le développement d’une IA “Made in Vietnam.

À l’échelle régionale, le Vietnam figure déjà dans plusieurs classements mondiaux en matière de recherche en IA, tels que le Top 30 du classement Thundermark Capital, ou la 9e place en Asie et 5e en Asie du Sud-Est pour l’indice de préparation de l’administration publique à l’IA.

Cela montre une approche proactive et agile des nouvelles technologies par le pays, tant au niveau institutionnel qu’entrepreneurial.

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