Fondée entre 1898 et 1901, à Saigon (Hô Chi Minh-Ville, au Sud du Vietnam) puis à Hanoi, l’École Française d’Extrême-Orient continue à faire figure de référence pour les scientifiques. Quelles qu’aient pu être les vicissitudes de l’Histoire, le fait est qu’un trésor iconographique a été accumulé et qu’il est temps aujourd’hui de le partager… C’est du reste ce qui ressort des propos d’Emmanuel Cerise, représentant de la région Île-de-France à Hanoi.
«Il ne faut pas oublier l'Histoire et même les aspects qui peuvent être un petit peu conflictuels ou compliqués entre la France et le Vietnam. La colonisation, la décolonisation, c'est des périodes qui sont maintenant terminées... Il faut tourner la page. Ce qui est intéressant, c'est que l’EFEO se positionne d'un point de vue scientifique et ne fait finalement que du partage d'informations et de connaissances», note-t-il.
L’EFEO possède un fond d’archive, qui est une véritable mine d’or d’un point de vue strictement vietnamologique. Elle développe d’ailleurs plusieurs projets de coopération au Vietnam, que n’a pas manqué de saluer Nicolas Warnery, l’ambassadeur de France au Vietnam.
«Tout cet ensemble de travaux est lié à l'Histoire, à la culture partagée, à la préservation du patrimoine dans laquelle l'École Française d’Extrême-Orient, avec ses partenaires, joue un rôle clé. Les travaux de l'École Française d’Extrême-Orient portent surtout sur l'histoire, l'anthropologie et l'épigraphie. Mais l’École Française d’Extrême-Orient a aussi publié un nombre considérable d'outils de recherches. Ces outils, ce sont par exemple des guides pour pouvoir trouver les archives que l'on cherche; c'est aussi un très vaste corpus épigraphique; ce sont des répertoires... C'est grâce à ces outils que les chercheurs, qu'ils soient français, vietnamiens ou autres, peuvent s'inscrire dans cette tradition scientifique de l'École Française d’Extrême-Orient de mise à disposition du public de tout ce qui a trait au patrimoine et à l'histoire du Vietnam», nous dit-il.
Plus récemment, l’EFEO, de concert avec l’Institut d’information en sciences sociales (ISSI), a inauguré un site internet conjoint, rassemblant près de 70 000 photographies d’archives, qui, d’après Nicolas Fiévé, le directeur de l’EFEO Paris, sont d’un intérêt capital pour la recherche.
« On y trouve des clichés touchant à tous les aspects de la recherche qu’ont menée les membres de l’EFEO et que poursuivent depuis 1954 les chercheurs vietnamiens dans les domaines des sciences sociales et humaines. Grâce à nos efforts communs, cette mémoire photographique demeure vivante et ces images abondent aujourd'hui dans les revues scientifiques. Mais surtout, rappelons que ces images anciennes constituent un matériau à la fois rare et précieux, précieux dans la mesure où il permet de nourrir et de compléter les recherches actuelles », relève-t-il.
Fruit d’un projet de longue haleine entamé en 2019 par les deux institutions, ce site, unique en son genre, retrace une période allant du tout début du 20e siècle jusqu’aux années 1980 au Vietnam et en Indochine. Pour Vu Hùng Cuong, le directeur de l’ISSI, ce projet est l’un de ceux qui comptent dans le parcours d’une institution…
« Ce fonds est extrêmement précieux dans la mesure où il se rapporte à de nombreux aspects de la vie culturelle, de l'histoire, de l'architecture et des paysages de l’Indochine, a fortiori du Vietnam. C’est le désir de faire vivre cette précieuse archive photographique et de servir le grand public qui a poussé l'ISSI et l'EFEO à collaborer étroitement dans ce projet commun. Malgré de nombreuses difficultés liées notamment aux outils technologiques, nous sommes heureux de lancer aujourd’hui ce site conjoint, à l’approche du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques Vietnam - France », nous explique-t-il.
L’un des principaux mérites de ce fameux site est de retracer les interactions culturelles, historiques et scientifiques entre les deux pays, a de son côté estimé Emmanuel Cerise.
« C'est un travail qui est intéressant à double titre à mon sens. Ça donne accès à ces fonds photographiques incroyables; mais ce n'est pas juste un accès à des images, c'est accès à des légendes et des informations scientifiques sur les photos. Et donc du coup, évidemment, il y a un côté un peu émotionnel parce que ça évoque un moment, un passé qui est l'histoire du pays, mais aussi l'histoire d'échanges entre la France et le Vietnam », nous confie-t-il.
Ce travail est incontestablement digne d’intérêt, non seulement d’un point de vue culturel et scientifique, mais aussi d’un point de vue patrimonial, a pour sa part déclaré Vu Thi Minh Huong, membre du Conseil du patrimoine culturel du Vietnam, également vice-présidente du Comité régional Mémoire du monde pour l'Asie-Pacifique.
« Il s'agit d'un patrimoine commun, non seulement aux deux instituts mais aussi aux deux pays. L'UNESCO soutient toujours les projets de patrimoine commun. C'est pour moi un très beau travail, digne d’être soumis à la reconnaissance de l'UNESCO: il y a déjà eu des travaux du même type qui ont été mis à l’honneur. Je pense en particulier aux documents sur la Compagnie française pour le commerce des Indes orientales rassemblés par les Pays-Bas et l’Indonésie », nous signale-t-elle.
Cette année, qui marque un double anniversaire pour la France et le Vietnam, est sans doute l’occasion pour les deux pays de revoir cette Histoire partagée sous un angle sans doute plus apaisé. Le lancement de cette photothèque virtuelle est sans doute une pierre de plus qui vient s’ajouter à l’édifice de la coopération bilatérale, une coopération particulièrement prometteuse en terme de culture et de patrimoine...