Rencontre avec trois suisses arborant le drapeau du Viêt Công sur la flèche de Notre-Dame de Paris

L'ambassadeur du Vietnam en France, Dinh Toàn Thang, a eu, le 25 mars à Paris, une rencontre extraordinaire avec trois citoyens suisses, qui ont participé au hissage du drapeau du Front National de Libération du Sud-Vietnam (FNL) sur la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris les 18 et 19 janvier 1969.
L'ambassadeur du Vietnam en France reçoit trois citoyens suisses, Olivier Parriaux, Noé Graff et Bernard Bachelard (respectivement de gauche à droite), participant au hissage du drapeau du FNL du Sud-Vietnam sur la flèche du Cathédrale Notre-Dame les 18 et 19 janvier 1969, pour protester contre la guerre et soutenir la paix du peuple vietnamien. Photo : VNA.
L'ambassadeur du Vietnam en France reçoit trois citoyens suisses, Olivier Parriaux, Noé Graff et Bernard Bachelard (respectivement de gauche à droite), participant au hissage du drapeau du FNL du Sud-Vietnam sur la flèche du Cathédrale Notre-Dame les 18 et 19 janvier 1969, pour protester contre la guerre et soutenir la paix du peuple vietnamien. Photo : VNA.

Il s'agit de Bernard Bachelard, Olivier Parriaux et Noé Graff, trois anciens militants qui protestent contre la guerre et pour la paix du peuple vietnamien.

Dans une atmosphère chaleureuse et conviviale, les trois invités spéciaux venant de Lausanne (Suisse) ont ramené l'ambassadeur du Vietnam en France, Dinh Toàn Thang, et les auditeurs dans la vibrante atmosphère anti-guerre des années 1969 - 1970.

Leurs histoires intéressantes abordent les 30 heures courageuses et téméraires des jeunes hommes essayant de gravir la flèche de la cathédrale Notre-Dame dans la nuit du 18 au 19 janvier 1969 pour hisser le drapeau du FNL.

L'événement s'est produit il y a plus de 50 ans et sa vérité n'a été révélée qu'en 2019, après l'effondrement de cette célèbre flèche à cause d'un incendie catastrophique.

Leur histoire s’est produit au jour de l’ouverture des négociations de paix pour le Vietnam, le 18 janvier 1969.

À l'époque, Bernard Bachelard n'avait que 26 ans et était professeur d'EPS, Noé Graff, 24 ans et étudiant en droit, quant à Olivier Parriaux, 25 ans et étudiant en physique. Ils participaient tous dans les mouvements anti-guerre menés par les Américains au Vietnam.

Selon M. Olivier Parriaux, dès que le président américain Johnson avait annoncé un arrêt des bombardements sur le Nord-Vietnam et qu'il était disposé à ouvrir des négociations, les trois garçons suisses ont réalisé que l’ouverture de ces négociations probablement à Paris était un évènement à célébrer, parce qu’il allait aboutir à la reconnaissance internationale du FNL du Sud Vietnam, 9 ans après sa création en 1960.

Trois citoyens suisses et l'ambassadeur vietnamien brûlent de l'encens devant l'autel de l'Oncle Hô à l'Ambassade du Vietnam en France. Photo : VNA.

Trois citoyens suisses et l'ambassadeur vietnamien brûlent de l'encens devant l'autel de l'Oncle Hô à l'Ambassade du Vietnam en France. Photo : VNA.

Alors ils se sont demandés quel signe impressionnant pour célébrer cette reconnaissance à Paris.

"À l’évidence pour nous, c’était un lieu élevé en altitude mais pas la Tour Eiffel, mais un lieu chargé d’humanité et respecté dans le monde entier pas seulement en France, c’était Notre Dame. Et nous avons décidé alors de préparer l’ascension de notre dame, la bannière du FNL et d’étudier comment parvenir au sommet de la flèche du Viollet-le-Duc", a raconté Olivier Parriaux.

Avec Olivier Parriaux, le sherpa de l’opération, Noé Graff dans le rôle de chauffeur et guet de l’expédition, et Bernard Bachelard qui devrait gravir la flèche avec l’appui de son ami Olivier, ils décidèrent de préparer les matériels nécessaires pour réaliser leur projet ambitieux.

"Cela demandait une bonne préparation parce que nous ne sommes pas Parisiens, nous ne savons pas très bien comment accéder à ce sommet. Mais nous avons ainsi fait cette préparation et dès l’annonce de l’ouverture en janvier 1969, nous avons emprunter une voiture 2CV et demandé à notre ami Noé de la conduire, et à Bernard de se préparer mentalement à l’étape la plus difficile, c’est de gravir la flèche dans les dernières ascensions jusqu’à la croix de cette flèche", se souvient-il.

Après des heures de trajet sur l'A6, ils sont arrivés à Paris vers midi le samedi 18 janvier. Bernard et Olivier se réfugient dans le beffroi sud de Notre-Dame. À la tombée de la nuit, sous l'œil attentif de Noé Graff, ils ont procédé le long de la nef de la cathédrale jusqu’à la base de la flèche et ils sont monté lentement.

"Tout s’est bien passé en haut grâce à Bernard et en descendant nous avons commis à quelques choses qui garantissait que le drapeau reste au Sommet assez longtemps, parce que la journée suivant était le dimanche 19. Nous avons dû scier quelques tiges de fer centenaires pour empêcher momentanément les pompiers au sommet de la flèche et nous sommes descendu, en rappel c’est un terme d’alpiniste, le long de la paroi de Notre-Dame et nous sommes rentré à la maison", a confié Olivier Parriaux avec satisfaction de ses deux amis complices.

En rentrant chez eux à Lausanne, les trois activistes n’ont pas oublié de passer au siège du journal Le Monde pour envoyer un communiqué de presse sur leur action qui ne se produit que pendant 30 heures.

Le Dimanche 19 janvier, le drapeau mi-rouge mi-bleu avec l'étoile d’or du FNL flotte fièrement dans le ciel bleu de Paris, sous les yeux admiratifs des habitants et des touristes. Pour la première fois de l'histoire, les pompiers de Paris ont dû intervenir en hélicoptère pour retirer le drapeau du haut de la tour. Entretemps, les journalistes, photographes et cameramen eurent tout loisir de fixer la scène sous tous les angles.

Finalement, vers 15 h, le feu pompier cascadeur Raymond Belle, suspendu hélitreuille à un câble, a réussi à s’accrocher la croix dans des conditions extrêmement difficiles.

Après de nombreuses tentatives, ce brave pompier a réussi à sectionner la cordelette d’attache du drapeau.

Des images publiées dans la presse internationale montrant le processus des pompiers utilisant l’hélicoptère pour retirer le drapeau vietnamien de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photo : VNA.

Des images publiées dans la presse internationale montrant le processus des pompiers utilisant l’hélicoptère pour retirer le drapeau vietnamien de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photo : VNA.

L'événement est devenu un sujet brûlant pour la presse internationale pendant des jours. De grands journaux en France, aux États-Unis et dans d’autres pays ont publié des photos du drapeau flottant sur la flèches de Notre Dame avec des détails passionnants sur le démantèlement du drapeau et des hypothèses sur ceux qui l'a accroché.

"Nous avons très satisfait de l’écho que ce geste a reçu et que le message de ce geste parlait de lui-même sans que nous disions que c’est nous qui avons fait", a déclaré Olivier Parriaux, fièrement endossé par deux amis, Noé Graff et Bernard Bachelard.

Après des années de collaboration avec la Ligue marxiste révolutionnaire en Suisse, Bernard Bachelard a été coordinateur de soins à domicile après des études d'économie politique. Noé Graff a repris le domaine viticole familial, tout en s’engageant dans la défense des travailleurs agricoles en Espagne et en créant avec des confrères la Plateforme pour une agriculture socialement durable.

Olivier Parriaux fut enseignant et chercheur en optique électromagnétique, en étroite collaboration avec des physiciens soviétiques. Et tous les trois ont gardé leurs secrets pendant un demi-siècle.

Parution d’un livre

Pour célébrer le 50e anniversaire de la signature de l'Accord de Paris sur le Vietnam (27 janvier 1973 - 27 janvier 2023), les auteurs de l'événement ont décidé de raconter leur histoire d'aventure, qui a choqué les médias français et américains il y a 54 ans.

Couverture du livre "Le Viet Cong au sommet de Notre-Dame" de Bernard Bachelard, Noé Graff et Olivier Parriaux, publié par les éditions FAVRE, Lausanne (Suisse) ) et sorti en janvier 2023. Photo : VNA.

Couverture du livre "Le Viet Cong au sommet de Notre-Dame" de Bernard Bachelard, Noé Graff et Olivier Parriaux, publié par les éditions FAVRE, Lausanne (Suisse) ) et sorti en janvier 2023. Photo : VNA.

Intitulé Le Viet Cong au sommet de Notre-Dame, le livre de Bernard Bachelard, Noé Graff et Olivier Parriaux a été publié par les éditions FAVRE, Lausanne (Suisse) et sorti en janvier 2023.

Dans son préface, on a écrit : "Aujourd'hui, les héros, qui ne se sont jamais considérés comme tel, racontent, avec détails et images, leur intrusion de trente 30 heures dans la guerre qu’a menée, pendant trente ans, un peuple qui s’arracha des griffes du colonialisme, résista victorieusement au déluge du feu et de chimie mortelle des USA, et parvint à sortir du sous-développement."

"Nous avons décidé d’écrire ce livre et de le signer de nos trois noms, quelques jours après l’incendie de Notre-Dame, c’est-à-dire 50 ans après notre geste. D’abord, parce que nous avons été très émus par le catastrophe, mais aussi à cause d’une chose très importante pour nous. C’est que le journal Quân Dôi Nhân Dân du Vietnam a publié, une semaine après l’incendie, un article qui nous a beaucoup étonné et positivement impressionné. Il a déclaré que cet événement-là, 50 ans plus tôt, devait figurer comme l’un des évènements majeurs de tout l’histoire pluriséculaires de Notre-Dame. C’est qu’il voulait dire qu’il y a une reconnaissance de la part des autorités vietnamiennes que notre geste a eu de l’importance aussi pour l’histoire du Vietnam, ce qui nous satisfait beaucoup", a confié Olivier Parriaux.

Exprimant ses émotions lors de l’accueil des amis suisses qui ont accroché le drapeau vietnamien sur le sommet de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 1969, l'ambassadeur du Vietnam en France Dinh Toàn Thang a déclaré que leurs actions, bien qu'assez aventureuses et dangereuses, mais exprimant les sentiments de ceux qui aiment la paix, s'opposent à la guerre en général et soutiennent le peuple vietnamien en particulier.

L'ambassadeur a affirmé : "Au moment historique de la Résistance contre les Américains pour le salut national, le soutien du mouvement populaire mondial a joué un rôle très important pour le Vietnam, contribuant à motiver et à créer les bases pour que le peuple vietnamien gagne l'Accord de Paris en 1973 et réunifie le pays en 1975".

L'ambassadeur a également souligné que l'accueil de trois anciens militants suisses "rappelle non seulement cette période historique de la nation, mais c'est aussi l'occasion pour exprimer notre gratitude à eux, ainsi qu'à l'ensemble du mouvement de soutien au peuple vietnamien pendant les années de la lutte pour l'indépendance nationale et la réunification nationale du peuple vietnamien".

VNA/NDEL