La Résolution 68-NQ/TW du Bureau politique sur le développement de l’économie privée marque un tournant majeur dans la pensée économique du Vietnam.
Elle érige ce secteur en moteur essentiel de la croissance nationale et trace une feuille de route ambitieuse pour renforcer sa contribution au développement du pays.
Dans un entretien accordé à l’Agence vietnamienne d’information (VNA), le Professeur Dang Viêt Anh, de l’Université de Manchester (Royaume-Uni), souligne que ce texte de référence ne se limite pas à une vision de long terme.
Il fixe également des objectifs concrets et propose un ensemble de mesures cohérentes destinées à consolider le rôle et la compétitivité de l’économie privée.
Selon la Résolution 68, le Vietnam comptera d’ici 2030 un million d’entreprises privées supplémentaires, puis encore un million à l’horizon 2045, portant le total à environ trois millions.
La part de ce secteur dans le produit intérieur brut devrait ainsi passer de 50 % actuellement à environ 60 %, confirmant son rôle de pilier de l’économie nationale.
L’un des axes essentiels de la Résolution concerne la création d’un environnement d’affaires équitable, transparent et favorable.
Les réformes institutionnelles, la réduction des coûts et délais administratifs, la simplification des procédures de création, de fusion ou de dissolution d’entreprises sont mises en avant.
Ces efforts visent à libérer le potentiel d’innovation et de compétitivité du secteur privé et à renforcer son intégration aux chaînes de valeur mondiales.
La Résolution s’attaque également à des défis structurels auxquels font face les entreprises privées vietnamiennes, notamment l’accès limité au crédit, la qualité inégale des ressources humaines et l’insuffisance des investissements en recherche-développement (R&D).
Des mécanismes de soutien spécifiques sont prévus : facilitation de l’accès aux financements bancaires et aux investisseurs, partenariats entre entreprises et universités pour la formation des compétences, ainsi que promotion des nouvelles technologies pour accroître la productivité.
L’innovation et la R&D constituent par ailleurs une priorité centrale.
Le Professeur Dang Viêt Anh recommande d’investir dans les filières où le Vietnam possède des atouts – électronique, mécanique, textile-habillement, agriculture – tout en se positionnant dans des domaines émergents tels que l’intelligence artificielle, la blockchain, les actifs numériques et les technologies vertes.
Le renforcement de l’intégration internationale est également souligné.
La coopération avec de grands groupes multinationaux, à l’instar de Samsung Vietnam, est considérée comme une voie stratégique pour permettre aux entreprises privées locales de mieux s’insérer dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, d’accéder aux technologies de pointe et d’élargir leurs marchés.
À ce jour, le secteur privé vietnamien compte environ un million d’entreprises et cinq millions d’unités individuelles, représentant près de 50 % du PIB, 60 % de l’investissement total et près de 30 % des recettes budgétaires.
Il génère par ailleurs quelque 40 millions d’emplois, soit 80 % de la main-d’œuvre du pays.
Au-delà de son rôle économique, il contribue à la réduction des inégalités régionales, au rapprochement entre zones urbaines et rurales et à la promotion de l’égalité des genres.
Cette dynamique s’inscrit dans une tendance mondiale : dans de nombreux pays en développement, le secteur privé représente 70 à 80 % du PIB et 80 à 90 % de l’emploi, tout en assumant jusqu’à 90 % des investissements en innovation. Des exemples tels qu’Apple (États-Unis), Samsung (République de Corée) ou BYD (Chine) illustrent le rôle central des entreprises privées dans le progrès technologique et la R&D.
Le Professeur Dang Viêt Anh insiste enfin sur la nécessité de traduire rapidement les solutions proposées par la Résolution 68 dans le cadre législatif et réglementaire, afin de bâtir un environnement d’affaires stable, transparent et compétitif.
Selon lui, aux côtés du secteur public, l’économie privée doit pleinement s’impliquer dans des domaines stratégiques comme les infrastructures, la santé, l’éducation ou les technologies vertes, contribuant ainsi à un développement durable et équilibré.
Avec sa vision ambitieuse et ses mesures concrètes, la Résolution 68-NQ/TW est appelée à devenir un levier majeur, propulsant l’économie privée vietnamienne vers une nouvelle étape de croissance, plus innovante, plus compétitive et davantage intégrée à l’économie mondiale.