Une nouvelle ère de connectivité hybride
Le 7 février 2025, Spacebit a signé un protocole d’accord avec la société vietnamienne ITS, seul acteur national habilité à déployer les communications optiques sans fil.
Cette collaboration marque le lancement d’un projet inédit d’infrastructure hybride associant réseaux terrestres et technologie de transmission spatiale, s’appuyant sur les protocoles développés pour les communications satellite-sol en République de Corée.
Le déploiement est prévu sur 24 sites stratégiques à travers le pays. L’objectif est ambitieux : établir un réseau de communication ultrarapide, capable de fonctionner de manière autonome ou en parallèle avec les fibres optiques existantes.
Il s’agit de la première mise en œuvre commerciale d’une telle technologie dans la région.
De la recherche fondamentale à l’innovation appliquée
Ce bond technologique repose sur les travaux de l’Institut sud-coréen de recherche en électronique et télécommunications (ETRI), l’un des centres de recherche publics les plus avancés d’Asie.
Dès 2016, l’ETRI a commencé à développer la technologie AOWC (Adaptive Optical Wireless Communication), qui permet une transmission stable de données à très haut débit dans des conditions géographiques ou climatiques défavorables.
Loin de se cantonner au laboratoire, l’institut a choisi de transférer cette innovation au secteur privé. Spacebit fait partie des premières start-up à bénéficier de cette stratégie de commercialisation accompagnée, reflet d’un modèle d’innovation ouverte en pleine expansion en République de Corée.
« Le Vietnam est un marché idéal pour entreprendre cette révolution, non seulement en raison de son potentiel de croissance, mais aussi grâce au fort engagement de l’État en faveur de la transformation numérique », explique Park Jung-tae, directeur général de Spacebit.
DTN : assurer la connectivité dans toutes les conditions
Au cœur du projet, deux technologies complémentaires : AOWC pour la transmission optique, et DTN (Delay/Disruption Tolerant Networking), une architecture réseau résiliente conçue pour maintenir la connectivité en dépit des interruptions.
Contrairement à l’Internet classique fondé sur la connexion permanente, le DTN fonctionne selon un principe de « store-and-forward » : les données sont temporairement stockées à des nœuds relais, puis transmises dès que la liaison est rétablie.
Cette technologie a notamment été utilisée dans la mission lunaire sud-coréenne Danuri, pour transmettre vidéos et images depuis plus de 1,2 million de kilomètres via le réseau des agences spatiales coréenne (KARI), américaine (NASA) et ETRI.
« Le DTN est la colonne vertébrale de l’Internet spatial de demain. Il permet d’envisager une connectivité fiable dans les milieux extrêmes, de l’espace lointain aux profondeurs marines », affirme Lee Byeong-seon, directeur du département des charges utiles satellitaires à l’ETRI.
Les applications s’étendent bien au-delà du secteur spatial : défense, surveillance environnementale, communications d’urgence, véhicules autonomes ou drones pourraient en bénéficier.
Le Vietnam, futur hub régional des télécommunications spatiales ?
Au-delà du réseau terrestre, Spacebit prévoit de développer à moyen terme un écosystème satellitaire complet, comprenant des satellites virtuels puis physiques, pour construire un réseau de télécommunications en couches. L’objectif : accélérer la transmission, réduire les coûts d’exploitation, et renforcer la stabilité du réseau.
Le choix du Vietnam s’explique par une conjonction de facteurs favorables : position géographique stratégique, cadre réglementaire en évolution rapide, et forte demande de connectivité numérique, tant en milieu urbain que rural.
Pour ITS, le projet est porteur d’enjeux sociaux importants : « Cette technologie permettra de désenclaver des zones isolées, montagnes et îles, en leur offrant un accès équitable à l’Internet de nouvelle génération », déclare son représentant.
L’alliance entre Spacebit, ITS et ETRI incarne une nouvelle forme de coopération entre secteur public, recherche et entreprise dans l’ère du deep tech.
Partie d’un laboratoire coréen, l’innovation trouve au Vietnam un terrain d’expérimentation grandeur nature pour l’établissement des futurs standards mondiaux de télécommunication.
À l’heure où l’Internet ne se limite plus à la surface terrestre, les pays précurseurs dans l’adoption des technologies spatiales se positionnent pour prendre une longueur d’avance, tant en matière d’infrastructures que de souveraineté numérique.