Photo : danviet.
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Tirer parti de l’EVFTA pour renforcer l'accès du Vietnam au marché européen

Cinq ans après sa mise en œuvre, l’EVFTA s’impose comme un catalyseur du commerce entre le Vietnam et l’Union européenne. Mais pour renforcer durablement sa présence sur le marché européen, le Vietnam doit mieux tirer parti des avantages tarifaires et maîtriser les règles d’origine.

Cinq ans après l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange entre le Vietnam et l’Union européenne (EVFTA), les échanges commerciaux bilatéraux ont maintenu une croissance stable, passant de 55,4 milliards de dollars en 2020 à 68,3 milliards en 2024.

L’EVFTA s’est imposé comme un levier essentiel, permettant aux produits vietnamiens de mieux pénétrer le marché européen, notamment les produits agricoles, les produits aquatiques, le textile-habillement et les chaussures.

Cependant, l’exploitation des incitations tarifaires de l'accord reste en deçà des attentes, de nombreux produits ne satisfont pas pleinement aux règles d’origine.

Dans un contexte où les États-Unis multiplient les mesures tarifaires de rétorsion, un meilleur recours aux règles d’origine de l’EVFTA n’est pas seulement une exigence technique, c’est une stratégie pour atténuer les effets et consolider les parts de marché des entreprises vietnamiennes sur le marché européen.

Exportations vers l’UE : forte progression et meilleur recours aux préférences

Selon Mme Trinh Thi Thu Hien, directrice adjointe du Département des exportations et importations (ministère de l’Industrie et du Commerce), depuis l’entrée en vigueur de l’EVFTA en août 2020, la valeur des exportations vers l’UE a presque triplé, passant de 17,9 milliards à 51,72 milliards de dollars en 2024.

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Près de 100 % des exportations de chaussures sont assorties d’un certificat d’origine. Photo : VOV.

La valeur des marchandises accompagnées d’un certificat d’origine (C/O) est, elle, passée de 2,66 à 18,13 milliards de dollars, portant le taux de recours aux préférences tarifaires de 14,8 % à 35,1 %.

«Ces chiffres sont encourageants. Ils traduisent une évolution de la prise de conscience et de la capacité des entreprises vietnamiennes à se conformer aux règles d’origine», a souligné Mme Hien.

Cependant, ce taux varie selon les secteurs : près de 100 % des exportations de chaussures sont assorties d’un certificat d’origine, tandis que le secteur du textile-habillement n’atteint guère que 30 % environ.

De plus, les marchés dotés de ports maritimes comme l’Allemagne ou les Pays-Bas recourent plus fréquemment aux certificats d’origine que les pays enclavés de l’UE.

Selon Mme Phan Thi Thanh Xuan, vice-présidente et secrétaire générale de l'Association vietnamienne du cuir, de la chaussure et des sacs à main (LEFASO), l'EVFTA présente de grands avantages pour ce secteur, car de nombreux produits clés, comme les chaussures de sport, bénéficient d’une exonération de taxe douanière.

Les règles d’origine requièrent seulement 40 % de valeur ajoutée produite au Vietnam, un seuil relativement clément par rapport à d’autres accords.

Grâce à cela, les exportations de chaussures vers l'UE ont maintenu un taux de croissance de 14 % par an, contribuant ainsi à compenser le déclin enregistré sur d'autres marchés.

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Transformation de crevettes pour l'exportation. Photo : Nongnghiep.

Mme Xuan rappelle toutefois que l’UE demeure un marché « exigeant », avec des normes strictes en matière de produits chimiques, d’environnement et de reporting en matière de durabilité.

En particulier, sous l’impulsion du « Pacte vert pour l'Europe », les entreprises vietnamiennes doivent renforcer leurs investissements pour une production propre et une plus grande transparence des chaînes d’approvisionnement.

« Sans une préparation solide, de nombreuses entreprises, notamment les PME, auront du mal à survivre », avertit-elle.

Do Ngoc Hung, conseiller commercial du Vietnam aux États-Unis, indique que les mesures tarifaires de rétorsion sont devenues un instrument majeur pour les États-Unis : depuis avril 2025, des droits allant de 10 à 50 % ont été appliqués à plus de 180 partenaires ; les exportations vietnamiennes sont, elles, frappées d’un droit de 20 %.

Selon lui, il s’agit d’une politique à long terme, fondée sur le principe du déficit commercial, qui requiert une réaction rapide du Vietnam, à la fois par la voie diplomatique bilatérale et par une exploitation optimale des accords de libre-échange existants.

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L'UE est l'un des plus grands marchés d'importation de pangasius du Vietnam. Photo : VNA.

Il a souligné que les entreprises doivent accorder une attention particulière aux règles d’origine, aux documents et factures, car les autorités douanières et le Département du commerce des États-Unis renforcent leurs contrôles sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.

EVFTA : levier stratégique pour réduire les risques

Selon Mme Trinh Thi Thu Hien, en application de la directive n°29/CT-TTg du Premier ministre, le Département des exportations et importations met en œuvre plusieurs mesures coordonnées : consolidation du cadre juridique et transparence sur l’origine des produits ; renforcement des formations pratiques et de l’accompagnement « sur le terrain » pour les entreprises ; coopération avec les administrations douanières des pays importateurs pour la vérification de l’origine ; simplification administrative et consultation technique lors des négociations d’accords commerciaux.

« Nous attachons une importance particulière à aider les entreprises à comprendre et à appliquer correctement les règles d’origine, car c’est la clé pour profiter pleinement des avantages tarifaires », affirme Mme Hien.

Mme Phan Thi Thanh Xuan renchérit : « Si le Vietnam ne tire pas rapidement parti des atouts de l’EVFTA, il risque de perdre du terrain face à des concurrents comme l’Indonésie, qui s’apprête à conclure un FTA avec l’UE. Les entreprises doivent renforcer leur compétitivité, tandis que l’État doit faciliter les procédures, promouvoir le commerce et réduire les coûts de conformité. »

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Si les mesures tarifaires réciproques constituent un défi, les accords de libre-échange - et en particulier l’EVFTA - offrent une opportunité pour démontrer la compétitivité du Vietnam à l’échelle mondiale. Photo : baobaria.

De son côté, Do Ngoc Hung estime que, malgré la nouvelle politique fiscale, plusieurs groupes américains continuent d’affirmer leur intention de maintenir leurs achats des produits vietnamiens.

Toutefois, les entreprises vietnamiennes doivent diversifier leurs débouchés et exploiter au maximum les accords comme l’EVFTA, le CPTPP ou encore celui avec les Émirats arabes unis, afin de mieux répartir les risques.

« Les règles d’origine constituent le lien entre la politique commerciale et la capacité de production réelle. Si les mesures tarifaires réciproques constituent un défi, les accords de libre-échange - et en particulier l’EVFTA - offrent une opportunité pour démontrer la compétitivité du Vietnam à l’échelle mondiale », conclut-il.

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