Vietnam : les ressources humaines sont la clé pour développer l’industrie des semi-conducteurs

Le docteur Sadasivan Shankar (Université de Stanford, États-Unis) fait part des avantages du Vietnam et donne les recommandations pour que le pays saisisse les opportunités de participer à la chaîne d’approvisionnement mondiale en semi-conducteurs.
Le docteur Sadasivan Shankar. Photo : dautu
Le docteur Sadasivan Shankar. Photo : dautu

CANDIDAT PROMETTEUR POUR L’INDUSTRIE DES SEMI-CONDUCTEURS

En 2023, le Président américain Joe Biden a effectué une visite d’État au Vietnam et les deux pays ont élevé leur relation au niveau de partenariat stratégique intégral, avec un accent mis sur la coopération en matière de semi-conducteurs. Parallèlement, de nombreuses grandes entreprises de semi-conducteurs du monde entier sont venues au Vietnam pour rechercher des opportunités d’investissement, tandis que d’autres ont ouvert des usines de production de puces. Comment évaluez-vous les opportunités pour le Vietnam de participer à la chaîne d’approvisionnement mondiale en puces ?

Je pense que le Vietnam participera certainement à l’industrie mondiale des semi-conducteurs. De nombreux autres pays participent déjà à la chaîne d’approvisionnement et à la production de puces semi-conductrices. Il est à noter que l’industrie des semi-conducteurs est une chaîne d’approvisionnement très vaste dans laquelle les pays peuvent choisir de participer à différentes étapes.

L’industrie de la technologie des semi-conducteurs est divisée en deux segments, à savoir la conception et la fabrication de puces. Auparavant, ces deux étapes étaient réalisées par une seule entreprise, comme Intel ou Samsung, mais désormais, ces deux activités sont réalisées par des entreprises différentes. Ainsi, la conception des puces deviendra de plus en plus importante, à mesure que la fabrication de puces stagne. Se concentrer sur la conception de puces sera un avantage considérable pour le Vietnam.

En effet, de nombreuses universités du Vietnam disposent des relations de coopération internationale qui pourraient profiter à la recherche et au développement dans ce domaine. Il faut savoir qu’il en coûte environ 10 milliards de dollars pour mettre en place une usine typique de fabrication de semi-conducteurs. Ces usines doivent mettre à jour leur technologie tous les 2 ans, ce qui nécessite une mise à niveau fréquente des équipements ainsi qu’un grand nombre de techniciens qualifiés.

Actuellement, la majeure partie de la fabrication de semi-conducteurs se déroule à Taiwan (Chine), suivie par les États-Unis. Beaucoup pensent que la production ne devrait pas se limiter aux économies susmentionnées, mais devrait être répartie dans d’autres pays pouvant répondre aux critères.

Outre la conception, le Vietnam peut également participer aux étapes d’assemblage et de conditionnement. Certaines technologies d’emballage avancées d’Intel ont déjà été mises en œuvre au Vietnam par le passé. Abondant en termes d’approvisionnement énergétique et de main-d’œuvre qualifiée, le Vietnam, avec une forte attractivité, sera un candidat prometteur pour l’industrie des semi-conducteurs.

Mais dans la compétition dans les domaines de la conception et de l’emballage, le Vietnam est le retardataire. Que doit faire le Vietnam pour pouvoir rivaliser avec les pays qui sont en avance ?

À mon avis, le Vietnam peut commencer par la participation au processus de packaging d’applications.

Le Vietnam dispose actuellement d’une jeune et talentueuse équipe d’ingénieurs, développant de nombreux logiciels et de nombreuses applications. Ces ingénieurs ont un grand potentiel à contribuer à ce processus.

En même temps, il faut se concentrer sur la production de matériaux pour les grands modèles informatiques et les ordinateurs quantiques, car le développement futur des semi-conducteurs dépend des grands modèles informatiques et des nouveaux matériaux.

Ensuite vient la production de semi-conducteurs biologiques, ou organiques. Comme nous nous orientons tous vers la durabilité, donc pour pouvoir créer des produits liés aux semi-conducteurs garantissant un avenir durable, nous devrons certainement utiliser des matériaux et des modèles de fabrication basés sur des facteurs biologiques et organiques.

Dans cette compétition, quels sont les avantages du Vietnam par rapport aux autres pays de la région ?

D’après moi, le Vietnam a de nombreux avantages distinctifs. Le Vietnam est plus grand et possède une main-d’œuvre abondante qui lui permet de se lancer dans cette industrie.

Le Vietnam pourrait commencer à réfléchir au recyclage, notamment à la réutilisation de certains matériaux existants.

LE VIETNAM DOIT PRÉPARER LES RESSOURCES HUMAINES

En ce qui concerne les ressources humaines, de nombreux avis estiment que le Vietnam est confronté à un manque de main-d’œuvre lorsqu’il participe à l’industrie des semi-conducteurs. Selon vous, comment ce problème sera-t-il résolu ?

Les ressources humaines actuelles du Vietnam ne répondent pas vraiment aux normes de cette industrie. Le Vietnam n’est pas le seul pays à manquer de main-d’œuvre dans le domaine des semi-conducteurs. Des puissances comme les États-Unis et le Royaume-Uni font également défaut.

Cependant, le défi actuel est que le Vietnam ne dispose pas de suffisamment de professeurs et de scientifiques dans le domaine des semi-conducteurs. Je pense donc que des événements comme le Prix VinFuture sont encourageants en rassemblant les meilleurs scientifiques du monde que l’on peut inviter à participer à la formation en ligne. De nombreux professeurs donnent des cours dans de nombreuses sous-disciplines. Les universités pourraient regrouper ces conférences et les organiser en un programme d’études.

Le Vietnam devrait commencer à avoir des programmes et des cours de formation universitaire, et investir dans des programmes d’échange d’étudiants avec des universités fortes dans ce domaine.

Outre les ressources humaines, quels autres facteurs aident le Vietnam à participer à la chaîne d’approvisionnement mondiale ?

Je pense que le premier facteur est l’investissement dans le domaine des semi-conducteurs et la promulgation de politiques visant à développer cette industrie.

Les conférences et les ateliers spécialisés dans ce domaine sont également une opportunité pour les experts étrangers de comprendre les problèmes internes du Vietnam et pour l’équipe de scientifiques et les gestionnaires vietnamiens de comprendre le développement de ce secteur dans le monde. Cela est très utile pour le Vietnam d’élaborer une feuille de route de développement.

En outre, il est nécessaire d’avoir des politiques fiscales et d’incitation pour encourager les investissements dans le développement de l’industrie des semi-conducteurs au Vietnam.

Cela attirera des entreprises au Vietnam pour produire des accessoires ou des équipements semi-conducteurs.

Et le facteur le plus important est la main-d’œuvre, car sans main-d’œuvre, tous les autres facteurs n’ont plus de sens.

GRANDE OPPORTUNITÉ POUR LES ENTREPRISES VIETNAMIENNES

Dans l’industrie des semi-conducteurs, quelles sont les opportunités pour les entreprises vietnamiennes ?

Le domaine des semi-conducteurs existe depuis 60 ans, alors les entreprises vietnamiennes ne peuvent donc pas prétendre immédiatement à une position comparable à celle des entreprises pionnières dans les pays développés.

Les entreprises devraient commencer par des programmes qui ne nécessitent pas beaucoup de capital d’investissement et une coopération stratégique avec des entreprises, des universités et des gouvernements de pays forts dans l’industrie des semi-conducteurs.

Je tiens à souligner la nécessité d’une feuille de route nationale globale qui permettra aux parties intéressées de savoir ce que le Vietnam envisage de faire. Et sur la base de ce plan national, les entreprises nationales pourraient participer au développement du secteur de semi-conducteurs conformément aux orientations du pays.

Dans la phase initiale de développement, Singapour a cherché à coopérer avec des pays comme les États-Unis et de nombreux autres pays. Le Vietnam, quant à lui, pourrait suivre une approche similaire. Singapour espère également avoir des opportunités de coopération avec le Vietnam.

Ou comme le Royaume-Uni veut également participer à l’industrie des semi-conducteurs, le Vietnam peut donc coopérer avec ce pays. Le Vietnam doit coopérer avec de nombreuses entreprises de nombreux pays du monde, et ne pas s’arrêter à une seule entreprise ou à un seul pays.

Le Vietnam est en train de construire une stratégie de développement de la technologie des semi-conducteurs. Quelles recommandations avez-vous pour le gouvernement vietnamien ?

Je pense que le gouvernement vietnamien doit intensifier sa coopération avec les principaux groupes, tels qu’Intel ou Samsung, afin d’augmenter sa valeur dans la chaîne d’approvisionnement.

Les entreprises étrangères doivent bénéficier d’incitations à l’investissement. Il convient pour le gouvernement vietnamien d’avoir des politiques pour encourager les universités à ouvrir des cours de formation afin de fournir des ressources humaines dans le domaine des semi-conducteurs.

Parallèlement, il faut envoyer des ressources humaines possédant de hautes qualifications scientifiques et techniques, se former dans ce domaine dans les pays développés.

Merci beaucoup !