50 ans de réunification nationale : l'unité d'un pays est la source principale de sa puissance et de sa durabilité

À l’occasion du 50e anniversaire de la réunification du Vietnam, l’Agence vietnamienne d’information s’est entretenu avec M. Eric Coudray, professeur d’histoire-géographie à Annecy, spécialiste de la guerre d’Indochine et docteur en histoire contemporaine de l’Université Paul-Valéry Montpellier, sur la signification de cet événement historique majeur.
Eric Coudray, professeur d’histoire-géographie à Annecy, spécialiste de la guerre d’Indochine et docteur en histoire contemporaine de l’Université Paul-Valéry Montpellier. Photo : VNA.
Eric Coudray, professeur d’histoire-géographie à Annecy, spécialiste de la guerre d’Indochine et docteur en histoire contemporaine de l’Université Paul-Valéry Montpellier. Photo : VNA.

M. Eric Coudray n’est pas seulement professeur d’histoire-géographie à Annecy, il est également un spécialiste de la guerre d’Indochine et docteur en histoire contemporaine de l’Université Paul-Valéry Montpellier (France). Avec sa thèse de doctorat intitulée “ Une guerre oubliée ? Histoire et mémoires combattantes françaises de la guerre d’Indochine", il apporte un regard unique sur une période tumultueuse de l’histoire du Vietnam et sur les relations franco-vietnamiennes.

À l’occasion du 50e anniversaire de la réunification du Vietnam (30 avril 1975 - 30 avril 2025), l’Agence vietnamienne d’information (VNA) s’est entretenu avec M. Eric Coudray sur la signification de cet événement historique majeur.

Selon M. Eric Coudray, le 30 avril 1975 marque la fin de près de 30 ans de guerre "presque ininterrompue" depuis septembre 1945. "Cette longue période est terrible dans l’histoire du Vietnam, car ce n’est pas seulement le dénouement d’une guerre contre une puissance coloniale, la France, puis contre une puissance étrangère, les États-Unis. Le 30 avril 1975 marque surtout la fin de trente ans d’une guerre civile sanglante entre Vietnamiens", souligne-t-il.

Selon son point de vue, le 30 avril 1975, est l’aboutissement de la volonté d’unité nationale du Nord-Vietnam et d’une partie de la population du Sud-Vietnam, mais leur victoire démontrait surtout la faiblesse du régime du Sud-Vietnam. C’est l'esprit d'unité nationale qui a été l'élément essentiel de la victoire historique du 30 avril 1975. Cependant, cette réunification forcée par la guerre a dû être longue à accepter dans cette partie du pays. Le 30 avril 1975 est un soulagement, car cela signifie la fin de combats fratricides. Mais la joie des uns est l’inquiétude des autres. "Un pays ne peut se développer qu’en apaisant, sans toujours les résoudre, ses conflits internes", a-t-il remarqué en insistant que "c’est facile à dire, cela n’a pas dû être facile à réaliser, surtout les premières années".

De la dévastation au renouveau

Parlant du développement du Vietnam après 50 ans de réunification, M. Eric Coudray estime que la fin de cette longue guerre a "permis au nouveau régime de porter tous ses efforts dans la construction d’un pays uni, dans la reconstruction matérielle et économique de territoires ravagés par les conflits".

Malgré de nombreuses difficultés initiales, la politique du Đổi Mới (Renouveau) lancée en 1986 a marqué un tournant important. "Le Đổi mới, renouveau économique décidé à partir de 1986, a permis l’ouverture du pays au commerce et à l’économie de marché, lançant véritablement le Vietnam dans cette modernisation qui a définitivement laissé de côté l’image d’un pays surtout connu pour son passé colonial et son exotisme", observe-t-il.

Le drapeau de l'Armée de libération flotte à l'aéroport de Tan Son Nhat, le 30 avril 1975. Photo : VNA.

Le drapeau de l'Armée de libération flotte à l'aéroport de Tan Son Nhat, le 30 avril 1975. Photo : VNA.

Le chercheur apprécie hautement la manière dont le Vietnam a habilement élargi ses partenariats et s'est réconcilié avec ses anciens "ennemis" comme la France et les États-Unis, pour devenir "un pays moderne, un nouveau pays industrialisé, puis un pays émergent, lié aux pays de l’Indo-Pacifique". Tirant des leçons de la victoire du 30 avril 1975, M. Eric Coudray estime que l'une des plus importantes est qu'il est nécessaire de prendre le temps de réunifier un pays sans bousculer la population pour entrer dans un nouveau système. "La victoire du Nord-Vietnam en 1975 a surtout démontré que le plus résolu a gagné, le mieux organisé et le plus combattif pour réaliser son idéal face à un régime en déliquescence dont les Etats-Unis ont prolongé l’existence jusqu’à leur départ".

Il souligne également que "l’unité d’un pays, si elle est acceptée sans heurt, est la source principale de sa puissance et de sa durabilité". Parlant du soutien et des contributions du peuple français dans l’œuvre de défense et d’édification du Vietnam d’antan et d’aujourd’hui, le chercheur a insisté notamment que la France, de 1954 à 1973, n’avait pas voulu entrer dans un nouveau conflit aux côtés des États-Unis et le discours du Général De Gaulle à Phnom Penh en 1967, s’il n’a pas eu d’incidence sur la guerre du Vietnam en dehors de rompre les relations diplomatiques entre Paris et Saigon, avait permis de laisser entrevoir une réconciliation qui a commencé en 1973. "Depuis 1973 et la reprise précoce des relations diplomatiques, l’attrait pour le Vietnam, pour notre histoire commune et pour sa culture a permis de garder un lien qui s’est retrouvé dans un nouveau partenariat commercial puis stratégique mais également dans le tourisme qui a mené beaucoup de Français à visiter ce pays magnifique. Il donne une coopération fructueuse dans les domaines économiques, militaires, scientifiques, universitaires entre autres, et une participation discrète à la Francophonie", indique-t-il.

Pour conclusion, M. Eric Coudray a exprimé son admiration pour la résilience du peuple vietnamien et sa confiance dans les relations franco-vietnamiennes : "L’amitié entre nos deux pays est une chance et un réconfort car il montre qu’une histoire partagée parfois heurtée par les dissensions politiques et les guerres n’empêchent pas une réconciliation sincère et cela donne de la confiance en un avenir commun grâce à un soutien réciproque et stable, nécessaire dans un monde aussi troublé que celui d’aujourd’hui, notamment pour ce qui concerne les intérêts et l’indépendance de nos deux pays en Indo-Pacifique et le maintien de nos liens pluriséculaires.".