Depuis près de 700 ans, le village de potiers de Phu Lang, niché au bord de la rivière Cau dans la province de Bac Ninh, perpétue en silence un savoir-faire unique. Aujourd’hui, ce village historique s’ouvre au monde, devenant un fournisseur privilégié pour des commandes internationales sur mesure. Les amateurs de céramique viennent y chercher l’authenticité du geste artisanal, la singularité de chaque pièce et ce qu’on appelle ici « le souffle de la terre ».

Dans l’atelier, le bois sec crépite dans le four tandis que les artisans préparent un nouveau lot de pièces.

À première vue, les petites figurines semblent faciles à modeler. Mais l’expérience démontre vite le contraire.
« C’est simple, il suffit d’en produire 1 000 par jour pour maîtriser le geste ! », plaisante l’artisan Thang en nous invitant à essayer. Modeler demande force, régularité et surtout une sensibilité particulière en ce qui concerne le matériau. Trop légère, l’argile n’adhère pas au moule ; trop appuyée, la forme se déforme.

Après le modelage, les pièces sont soigneusement ébarbées, séchées pendant plusieurs semaines, avant d’être émaillées puis cuites au feu de bois.

L’émail brun caractéristique de Phu Lang, dit « peau d’anguille », est obtenu grâce à un mélange de cendres de bois et d’oxydes naturels, conférant à chaque objet une patine unique.

Si le village perpétue la mémoire du métier, il répond aussi à des commandes internationales exigeantes, souvent personnalisées en fonction des goûts et traditions de chaque pays, Japon, République de Corée, Europe ou Moyen-Orient.
Ces créations « sur mesure » permettent de maintenir une activité stable pour de nombreux artisans. Les contrats comportent souvent des clauses d’exclusivité et des cahiers des charges très stricts : respect du modelage à la main, des émaux naturels et de la cuisson au bois, éléments essentiels du cachet des pièces.

Les visiteurs ne viennent pas seulement pour acheter des souvenirs, mais pour vivre une expérience sensorielle : sentir l’argile, écouter le crépitement du bois, respirer les effluves du four. Ici, certaines valeurs restent intemporelles.

Dans le village, les clients internationaux sont séduits par trois qualités essentielles : une terre d’exception, des artisans talentueux et une tradition vivace. Le feu de bois, loin d’être désuet, crée ces fameuses marques aléatoires, les « traces de flamme », que les collectionneurs recherchent, car impossibles à reproduire industriellement.

Une tradition fragile, mais tenace « Certains jeunes partent travailler ailleurs, mais chaque saison creuse, ils reviennent au village pour faire de la céramique », confient les artisans, expliquant la diminution du nombre de fours ces dernières années.

Ici, pas de thermostat ni de minuteur : seule l’expérience guide le processus. Pendant quatre jours et trois nuits, par équipes tournantes, on entretient le feu, atteignant parfois 1 000 °C. Le regard des artisans, le son du bois qui brûle, l’odeur de la fumée permettent de jauger l’avancée de la cuisson.
Chaque pièce qui sort du four est marquée de motifs aléatoires, véritable signature d’un savoir-faire ancestral. Bien plus qu’un simple site de production, Phu Lang est un musée vivant de l’artisanat vietnamien.

À l’heure où de nombreux villages voient leurs métiers traditionnels s’éteindre, ce village riverain a su préserver son héritage et s’imposer sur la scène mondiale.