Application de l'IA à l'étude des séismes induits au Vietnam

Pour la première fois au Vietnam, des scientifiques recourent à l'intelligence artificielle (IA) ainsi qu'à des techniques statistiques avancées dans l'étude des séismes provoqués.
Application de l'IA à l'étude des séismes induits au Vietnam

Selon le Centre de données et d'informations scientifiques (Académie vietnamienne des sciences et technologies), des chercheurs de l'Institut des sciences de la Terre (Académie vietnamienne des sciences et technologies) ont, pour la première fois au Vietnam, innové en employant l'intelligence artificielle et des méthodes statistiques modernes afin d'analyser la zone, les sources d'origine et les schémas d'activité des séismes induits dans la région du réservoir hydroélectrique de Lai Chau, au Nord du Vietnam.

Ce résultat contribue non seulement à améliorer les capacités d'alerte et de réponse aux séismes, mais ouvre également une nouvelle perspective dans la recherche sismologique, orientée vers la gestion sécuritaire des ouvrages et la minimisation proactive et scientifique des risques naturels.

Dans la zone de l'hydroélectricité de Lai Châu, le remplissage du réservoir a eu lieu en mai 2015, et des séismes ont commencé à se manifester peu après à proximité du lac. Depuis lors, les tremblements de terre se sont produits continuellement. Jusqu'en 2021, environ 1 500 séismes ont été recensés, dont 13 d'une magnitude ≥ 4,2. Ces chiffres soulignent clairement l'urgence de cette recherche.

Le projet intitulé « Étude de l'influence des séismes induits et évaluation de l'aléa sismique dans la région de Lai Chau, Vietnam » (numéro de code QTIT01.02/23-24) est mis en œuvre afin d'identifier rapidement les risques et de proposer des solutions de réponse appropriées. Il est le fruit d'une collaboration internationale entre le groupe de recherche de l'Institut des sciences de la Terre et le Centre national de la recherche italien (CNR).

Le Dr Cao Đình Trọng, responsable du projet, explique: « Le phénomène des séismes induits à Lai Châu n'est plus une hypothèse, mais une réalité observée avec des milliers de séismes, dont plusieurs d'une magnitude significative. L'analyse du lien entre l'activité sismique et les fluctuations du niveau d'eau du réservoir aidera les exploitants à être plus proactifs dans la prévention des risques. »

Dans le cadre de cette étude, les scientifiques ont analysé la dynamique temporelle des séquences sismiques dans un rayon de 10 km autour du lac, jusqu'à une profondeur de 9 km. L'application de la méthode de décomposition modale empirique (EMD) a permis de séparer les séries de signaux en composantes distinctes, révélant ainsi des cycles d'oscillation sismique coïncidant avec les cycles de variation du niveau d'eau du lac. C'est la première fois que cette corrélation cyclique entre ces deux grandeurs est confirmée dans des conditions réelles au Vietnam.

Sur la base des données recueillies, l'équipe a déterminé que le niveau d'aléa sismique dans la région de Lai Châu se situe entre 0,08 et 0,1 g, ce qui correspond au degré 7 de l'échelle MSK-64 – un niveau susceptible d'affecter sensiblement les constructions. Afin d'évaluer la sensibilité de la région à l'activité sismique, l'équipe a également conçu et entraîné avec succès un modèle de réseau neuronal multicouche (MLP) avec une structure 8-14-1.

Structure du modèle de réseau neuronal MLP 8-14-1 pour l'évaluation de la sensibilité des données. Photo : VAST.

Structure du modèle de réseau neuronal MLP 8-14-1 pour l'évaluation de la sensibilité des données. Photo : VAST.

Grâce à des méthodes d'analyse spectrale, à la vérification des corrélations entre les séries de données et à l'application de statistiques modernes, le modèle a mis en évidence le lien entre les petits séismes de la région et le processus de remplissage du réservoir. Ces recherches apportent des preuves supplémentaires et des recommandations pour améliorer la sécurité des ouvrages et minimiser les risques de catastrophes naturelles.

Les résultats de la réalisation du projet sont transmis aux entités concernées, telles que la centrale hydroélectrique de Lai Chau, les organismes de gestion de la sécurité des réservoirs, les agences de prévention des catastrophes naturelles…, jetant les bases d'alertes précoces, d'une exploitation proactive et d'une élaboration de politiques plus scientifiques.

De plus, le groupe de recherche a également publié les résultats de ses analyses et évaluations dans des revues scientifiques nationales et internationales reconnues, clarifiant les caractéristiques des séismes induits dans la région de Lai Chau.

L'une des publications notables, parue dans la revue Fractal and Fractional en 2023, utilisait des méthodes d'analyse fractale et spectrale pour élucider la nature non linéaire et la structure auto-organisée des séquences sismiques à Lai Chau. L'étude a mis en évidence des signes du processus d'accumulation d'énergie avant la survenue de séismes.

Une deuxième publication, parue dans la revue Entropy en 2024, appliquait la méthode du graphe de visibilité (visibility graph) pour analyser les séismes superficiels à Lai Chau. Les résultats de la recherche aident à identifier les schémas latents dans les séquences d'événements sismiques et fournissent des données scientifiques supplémentaires importantes pour l'évaluation de l'aléa sismique dans la région.

Les résultats de la recherche ont également clarifié le lien entre le niveau d'eau du réservoir et l'activité sismique dans la région de Lai Chau, ouvrant ainsi une nouvelle approche dans l'évaluation des risques géologiques grâce à l'intégration de données en temps réel avec des modèles d'intelligence artificielle.

Il s'agit d'une étape cruciale pour passer de l'analyse descriptive à la prévision, soutenant l'élaboration de critères de sécurité sismique et la mise à jour de la carte nationale des risques sismiques selon les normes internationales.

Dans la phase suivante, le groupe de recherche combinera des données satellitaires (InSAR) afin de surveiller les déformations du sol, améliorant ainsi la capacité de simulation et d'alerte précoce des séquences sismiques. L'intégration de sources de données multiples permettra d'accroître la précision et d'étendre le champ d'application du modèle.

Grâce à la coopération internationale, le groupe a eu accès à des méthodes modernes et a renforcé sa capacité de publication scientifique.

Forts de ces résultats, les scientifiques espèrent continuer à étendre leurs travaux à d'autres grandes zones de réservoirs, dans le but de construire un système d'alerte précoce et de compléter la carte des risques de séismes induits à l'échelle nationale.

NDEL