Dàm Liên, la Reine du tuông

Nhân Dân en ligne - Parler du "tuông" (théâtre classique) sans citer le nom de "l'Artiste du Peuple" Dàm Liên serait une perçu comme une offense, un sacrilège! Elle est l’auteur de 15 rires aux différentes nuances émotionnelles étudiés pour les personnages féminins.
L'artiste du Peuple Dàm Liên sur scène.
L'artiste du Peuple Dàm Liên sur scène.
Dàm Liên arpente la scène du tuông depuis ses 16 ans. Elle a reçue l’ovation dès sa première représentation, dans la peau d’une femme enceinte en proie à des pensées compliquées et mystérieuses. Une prestation déjà magnifique - avec sa voix reconnaissable entre mille - qui l’a révélé au grand public.
Son 2e personnage, l’héroïne Trung Trac - l’une des deux héroïnes nationales vietnamiennes (12-43 après J.-C.) ayant repoussé victorieusement les attaques chinoises à cette époque, permet à Dàm Liên de remporter la première médaille d’or de sa jeune carrière. "On m’avait donné l’honneur d’interpréter ce rôle pour le Président Hô Chi Minh. Après le baisser de rideau, il est venu me féliciter en personne. Le plus précieux des cadeaux", se rappelle, émue, l’artiste.
Une carrière internationale
Avec ses aptitudes, Dàm Liên s’est très rapidement fait un nom auprès des spectateurs, appréciée tant par ses maîtres que les critiques d’art, et choyée par la presse qui parle alors d’elle comme d’un "vrai jeune talent". Interrogée sur les rôles qu’elle a eu à jouer, l’artiste est incapable de se rappeler avec exactitude combien de personnages elle a pu interpréter. "Peu importe. Pour moi, chaque nouveau rôle est comme un sommet à conquérir, et reste comme un souvenir inoubliable dans ma carrière", confie-t-elle.
Le tuông est un art exigeant. Il demande un grand sérieux dans les études avant de le pratiquer. "S’il y a bien une chose que je sais, c’est que pour interpréter un rôle correctement, l’artiste doit savoir combiner ses gestes, ses actions et ses expressions avec sa voix et son rire. Cela doit se faire le plus naturellement possible", explique-t-elle.
En quoi Dàm Liên est unique?
Dàm Liên a interprété la pièce "Le vieillard portant sa femme sur dos va à la fête" environ 2000 fois.
En près de 50 ans consacrés à cette forme de théâtre classique, Dàm Liên s’est vu décerner six médailles d’or et trois d’argent lors des festivals artistiques nationaux. Sans oublier la médaille de la Résistance de 2e classe. Et en 1993, elle a reçu le titre d’Artiste du Peuple, une consécration.
Dàm Liên se produit régulièrement à l’étranger. Sa réputation l’a menée en Russie, Bulgarie, Pologne, Italie, Allemagne, France, Pays-Bas, Espagne, Égypte, Thaïlande, Inde... De plus, l’artiste a dirigé la rédaction de trois ouvrages d’études sur le théâtre. La pièce "Le vieillard portant sa femme sur dos va à la fête" a sans doute marqué le summum de sa carrière. Elle y a certes consacré un temps fou, mais le succès a été au rendez-vous, et ce dès la première. Dans cette pièce de 14 minutes, elle assume deux rôles en même temps: le vieillard de 70 ans et sa jeune épouse de 17 ans. De plus, elle a établi un record assez hallucinant, celui d’avoir joué 2.000 fois la même pièce!
"Depuis la première en juillet 1979, qui a eu un écho que je n’aurais ô jamais imaginé possible, j’ai joué cette pièce environ 2.000 fois, dans le pays mais aussi à l’étranger. Il y a des moments où je donnais jusqu’à quatre représentations par jour. Je ne me reposais que pour manger!", précise-t-elle. Si les spectateurs aiment cette pièce, c’est en bonne partie grâce aux rires des deux personnages, auxquels elle a su insuffler une émotion sans pareil.
Dàm Liên interprète quelques rires avec différentes nuances émotionnelles, lors de la Journée du théâtre à Huê, en septembre 2011.
De la réalité de ses rôles, Dàm Liên a étudié et interprété 15 rires portant différentes nuances émotionnelles dans l’art du tuông. "Le rire du personnage nous indique à qui l’on a à faire; s'il est honnête ou non, heureux ou non, ivre ou sobre, pessimiste ou optimiste... Bref, pour moi, le rire peut expliquer beaucoup de choses", analyse-t-elle.
Surnommée par les aficionados la "Reine du tuông", l’artiste aujourd’hui sexagénaire monte un peu moins sur les planches pour se préserver. Quoiqu’il en soit, le tuông demeure son amour éternel, une passion inaltérable. Chaque jour, son coeur bat au rythme des sentiments des personnages qu’elle interprète.
Cet art est comme un feu qui allume sa vie et réchauffe son coeur. Interrogée sur ses rêves, elle voudrait retrouver jeunesse et santé pour pouvoir donner davantage de représentations mais aussi de cours, et écrire des ouvrages pour présenter cet art au reste du monde. Elle a sorti il y a peu son autobiographie, intitulée Nghê sĩ nhân dân Đàm Liên phía sau ánh hào quang (L’artiste du Peuple Dàm Liên, derrière l’auréole).