Lors du forum « Connecter la technologie et l’innovation dans les médias du Vietnam 2025 : la puissance de l’IA pour les jeunes journalistes », récemment tenu à Hanoi, Phan Van Kien, directeur de l’Institut de formation en journalisme et communication de l’Université des Sciences sociales et humaines relevant de l’Université nationale du Vietnam à Hanoi, a souligné que la presse vietnamienne est à l’aube d’un tournant historique : la célébration du centenaire de la presse révolutionnaire vietnamienne (21/6/1925 - 21/6/2025).
Cet événement majeur est non seulement l’occasion de revenir sur le glorieux parcours de développement du journalisme révolutionnaire, mais aussi de façonner une vision d’avenir à l’ère du numérique et de l’essor de l’IA.
L’IA, un partenaire puissant, mais non substitutif
Selon M. Kien, la technologie promet d’améliorer l’efficacité, d’élargir la portée du lectorat et de personnaliser l’expérience d’information. Cependant, l’IA soulève aussi de grands enjeux éthiques, de confiance et de maintien des valeurs fondamentales du journalisme.
Il a précisé que, face aux opportunités et défis posés par l’IA, l’innovation, l’intégration technologique et la construction d’une relation de coopération entre l’humain et l’IA sont devenues des sujets clés de discussion dans le secteur.
« La capacité des futures générations de journalistes à travailler efficacement avec des partenaires technologiques intelligents, tout en restant fidèles à l’éthique professionnelle, est un facteur décisif pour un développement durable du secteur », a-t-il affirmé.

Dans ce contexte, il est évident que les solutions technologiques s’imposent comme des outils indispensables au service du journalisme.
Bui Cong Duyen, directeur de OneCMS, une société fournissant des solutions à de nombreuses agences de presse, a expliqué comment l’IA est utilisée pour optimiser le processus de production journalistique.
« L’IA n’est pas seulement un outil, c’est un partenaire puissant qui aide les rédactions à fonctionner plus efficacement. Nous utilisons l’IA pour analyser les tendances, identifier les sujets “chauds” et cerner ce qui intéresse réellement les lecteurs, afin d’orienter les contenus de manière plus pertinente », a-t-il expliqué.
Il a ajouté que l’IA joue un rôle crucial dans la détection des fausses informations grâce à des algorithmes complexes, contribuant ainsi à protéger la crédibilité de la presse officielle.
En outre, sa capacité de personnalisation permet de recommander des articles selon les préférences de chaque lecteur, améliorant ainsi leur expérience.
L’IA permet aussi d’analyser les émotions et d’évaluer les réactions du public face à un événement ou un sujet, fournissant aux journalistes et rédacteurs une compréhension plus approfondie.
L’IA transforme la pratique du journalisme, sans remplacer le journaliste
Toutefois, M. Duyen a réaffirmé que, malgré ses apports, l’IA ne saurait remplacer le journaliste, en particulier dans les aspects demandant créativité et interaction humaine. « Pourquoi l’IA ne peut-elle pas remplacer les journalistes ? Parce que l’essence même du métier, c’est la créativité et l’art du récit. »
Il a souligné que, si l’IA peut synthétiser des informations, elle est incapable de générer des idées originales, des récits émouvants comme peut le faire un journaliste. Raconter une histoire est un art, et l’IA ne peut transmettre ni émotion, ni empathie, ni profondeur humaine.
« En particulier dans une interview, l’IA ne peut construire une relation, lire le langage corporel, ni poser des questions spontanées et pertinentes qui permettent de recueillir des informations profondes », a-t-il noté.

Selon le professeur Hoang Anh Tuan, recteur de l’Université des Sciences sociales et humaines de l’Université nationale du Vietnam à Hanoi, la puissance de l’IA est immense.
Mais elle ne peut remplacer les qualités fondamentales d’un vrai journaliste : intelligence, courage, responsabilité sociale et engagement pour la vérité.
Selon lui, l’IA peut aider à créer du contenu, analyser des données, personnaliser l’information, mais c’est l’homme qui en définit l’orientation.
Il a insisté : « Apprenez la technologie, mais ne perdez pas votre humanité. Maîtrisez les outils, mais ne laissez pas les outils guider votre pensée. Soyez créatifs, tout en gardant un cœur honnête envers la vérité, le peuple et la noble mission du journalisme révolutionnaire. »
Le Quoc Minh, membre du Comité central du Parti, président de l’Association des journalistes vietnamiens, rédacteur en chef du journal Nhân Dân et vice-président de la Commission centrale de la sensibilisation et de l'éducation et de mobilisation de masse, a souligné que la transformation numérique du journalisme ne se résume pas à l’achat de logiciels ou à la création de centres de données.
C’est une transformation de fond. C’est toute la formation des journalistes, la manière de publier et d’interagir avec le public qui doit évoluer.
De nombreuses rédactions utilisent désormais des salles de presse numériques intégrées, exploitent l’IA pour produire des vidéos et analyser les données des lecteurs afin d’adapter les contenus aux besoins individuels. Mais, sans ressources humaines de qualité, la technologie seule ne suffit pas.
Selon lui, bien utilisée, l’IA peut énormément aider les journalistes : lire des rapports, résumer des données, analyser les comportements des lecteurs, planifier les contenus, ou encore appuyer les rédactions dans des domaines comme l’éducation ou la santé.
Le journalisme dispose d'immenses opportunités s’il sait utiliser et exploiter les sciences et technologies de manière innovante. L’essentiel est de comprendre les outils et de les utiliser au service de la société.
Garder l’humain au cœur de la mission journalistique

Le journaliste Ho Quang Loi, ancien vice-président permanent de l’Association des journalistes vietnamiens, a déclaré : « Nous vivons à l’ère des médias numériques et des réseaux sociaux. Ces derniers diffusent des informations utiles, mais aussi de nombreuses données négatives et nocives. Le rôle du journaliste est de filtrer et de vérifier ces informations. La presse doit être la réponse officielle à tous les problèmes soulevés par les réseaux sociaux. »
Il a conclu : « À l’ère numérique, les méthodes de travail peuvent changer, mais l’éthique, l’idéalisme et la posture professionnelle doivent rester. Le journaliste doit défendre les principes d’objectivité, d’impartialité, de respect de la vérité et de la justice, au service de l’intérêt de la communauté, du pays et du peuple.
La presse ne peut pas surpasser les réseaux sociaux en termes de rapidité, mais elle peut les surpasser en termes de responsabilité, de professionnalisme et d'éthique professionnelle. C'est là tout l'avantage de la presse à l'ère numérique.
Le journalisme traditionnel ne perd pas ses valeurs fondamentales, mais il doit savoir appliquer la technologie. Les journalistes modernes doivent être à la fois résolus politiquement et être professionnellement compétents et, surtout, savoir utiliser des outils multimédias numériques ».