La question linguistique dans le développement des relations russo-vietnamiennes

La question linguistique dans le développement des relations russo-vietnamiennes

Vladimir Kolotov, professeur, docteur en histoire et directeur de l’Institut Ho Chi Minh de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, a récemment rédigé un article portant sur la question linguistique dans le développement des relations entre la Russie et le Vietnam. Le Journal Nhân Dân vous présente cet article.

La question linguistique dans le développement des relations russo-vietnamiennes

L’Union soviétique fut l’un des premiers pays à établir des relations diplomatiques avec le Vietnam (le 30 janvier 1950). Cette décision du gouvernement soviétique constituait un message important adressé à la communauté internationale, affirmant que Moscou reconnaissait la République démocratique du Vietnam, dirigée par le président Ho Chi Minh, comme le gouvernement légitime du pays.

S’exprimant lors de l’exposition commémorant le 75ᵉ anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, le 11 février 2025 au ministère des Affaires étrangères à Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères Sergey V. Lavrov a souligné :

« Le 30 janvier 1950, le ministre soviétique des Affaires étrangères A. Y. Vyshinsky a adressé une note diplomatique à son homologue vietnamien Hoang Minh Giam, annonçant la décision du gouvernement soviétique d’établir des relations diplomatiques avec la République démocratique du Vietnam. »

La vision de président Ho Chi Minh

Dans l’histoire du développement des relations diplomatiques entre les deux pays, il existe un facteur clé pour une relation réussie, qui est l’information et la compréhension mutuelle.

Le président Ho Chi Minh a effectué une visite officielle en Union soviétique le 12 juillet 1955. Source : Association des journalistes russes.

Le président Ho Chi Minh a effectué une visite officielle en Union soviétique le 12 juillet 1955. Source : Association des journalistes russes.

Au début des années 1950, nos premiers ambassadeurs connaissaient à peine la langue du pays hôte. Afin d’élargir les relations et la coopération entre les deux nations, l’Union soviétique a progressivement restauré le département d’études vietnamiennes, un domaine qui remontait au professeur Yu.K. Shchutsky (1897-1938), spécialiste dans la recherche sur le pays et la langue du Vietnam dans les années 1930 à Leningrad.

En Vietnam, seuls quelques dirigeants révolutionnaires âgés, ayant étudié en Union soviétique, et à leur tête Ho Chi Minh, maîtrisaient le russe. L’école d’étude de la langue russe au Vietnam n’a commencé à se développer qu’après la libération de la capitale Hanoï en 1954.

Au Vietnam, seuls quelques vétérans révolutionnaires ayant étudié en Union soviétique, dirigés par Ho Chi Minh, connaissaient le russe. Les études russes n'ont véritablement commencé à se développer qu’après la libération de la capitale Hanoï en 1954.

Le président Ho Chi Minh a fait preuve d’une vision stratégique en soulignant la nécessité d’envoyer des étudiants soviétiques effectuer des stages au Vietnam. Cette proposition, formulée avec finesse par le dirigeant vietnamien, remonte déjà à l’époque du deuxième ambassadeur vietnamien en Union soviétique et du troisième ambassadeur soviétique au Vietnam.

Ces personnalités sont ensuite devenues des experts de premier plan sur le Vietnam en Union soviétique et ont participé directement aux travaux liés au Vietnam.

L’auteur de l’article a assuré la traduction en russe du discours du Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh lors du sommet des BRICS+ 2024, le 24 octobre 2024.

L’auteur de l’article a assuré la traduction en russe du discours du Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh lors du sommet des BRICS+ 2024, le 24 octobre 2024.

Dans ses mémoires, l’un des plus grands spécialistes sur le Vietnam, le professeur E.V. Kobelev, a écrit : « En 1958, le président Ho Chi Minh s’est rendu à Moscou et, lors d’un entretien avec l’un des dirigeants soviétiques de l’époque, il a fait remarquer que le Vietnam avait déjà envoyé 3 000 étudiants étudier en Union soviétique, tandis que l’Union soviétique n’en avait encore envoyé aucun au Vietnam. »

De toute évidence, le président Ho Chi Minh a compris que les relations diplomatiques et les relations entre les pays ne peuvent pas être stables et fructueuses sans information et compréhension mutuelle. L’un des aspects les plus importants est la maîtrise approfondie de la langue et de la culture du pays partenaire.

Ce n’est qu’après cette proposition que le processus d’envoi des premiers étudiants soviétiques au Vietnam pour une formation linguistique a véritablement commencé.

Le professeur E.V. Kobelev se souvient : « En septembre 1958, trois étudiants soviétiques – deux de la Faculté des Études orientales de l’Université de Leningrad que sont V. Panfilova et V. Dvornikov, ainsi que moi-même, E.V. Kobelev, de l’Institut des langues orientales de l’Université d’État de Moscou – sont arrivés au Vietnam par le train international Moscou – Pékin – Hanoï. La professeure V.S. Panfilova fut d’ailleurs mon enseignante plus tard. »

À l’époque, l’apprentissage du vietnamien dans les universités soviétiques était extrêmement difficile, car il n’y avait ni dictionnaires ni manuels. Les étudiants doivent apprendre le vietnamien à l’aide des dictionnaires vietnamien-français/français-vietnamien et russe-français/français-russe.

Dans un cours du vietnamien à Ekaterinbourg, en Russie. Photo : baoquocte.

Dans un cours du vietnamien à Ekaterinbourg, en Russie. Photo : baoquocte.

La situation était similaire en République démocratique du Vietnam, où il était très difficile de trouver un enseignant qualifié. Là encore, c'est également le président Ho Chi Minh qui a résolu ce problème en envoyant Nguyen Tai Can - qui allait devenir plus tard un linguiste et professeur renommé – à l’Université d’État de Leningrad, où il a posé les bases de l'enseignement du vietnamien et développé des méthodes qui sont encore utilisées aujourd'hui.

Un pont du succès

La victoire du Vietnam dans la guerre de résistance a créé les conditions d’un développement multiforme entre les deux pays. Toutefois, pour soutenir efficacement ces liens dans des domaines aussi variés que la diplomatie, la coopération militaro-technique, l’énergie, les actions humanitaires, les sciences naturelles, la culture et les arts, il faut avoir des personnes ayant une bonne connaissance de la langue et de la culture du pays partenaire.

Les œuvres intellectuelles et les efforts de nombreuses générations de spécialistes en vietnamologie et en études soviétiques/russes ont largement contribué à promouvoir la compréhension mutuelle et le respect entre les peuples des deux pays.

Aujourd’hui, les ambassadeurs et de nombreux diplomates en poste dans nos deux pays possèdent une bonne connaissance de la langue et des caractéristiques culturelles du pays hôte, ce qui facilite grandement les échanges bilatéraux et renforce les relations bilatérales multiformes. Il s’agit là d’un progrès important, bien que rarement mentionné dans les discours officiels.

Lors des grands événements internationaux, la traduction fidèle et précise des discours des dirigeants de nos deux pays constitue un aspect crucial de la diplomatie. Fait remarquable : certains traducteurs professionnels actuels ont été formés par d’anciens étudiants soviétiques ayant participé au tout premier stage linguistique en République démocratique du Vietnam en 1958 à l’initiative du président Ho Chi Minh en 1958.

La cérémonie d’inauguration de la statue du président Ho Chi Minh a eu lieu à l’occasion du centenaire de sa première arrivée à Petrograd, aujourd’hui Saint-Pétersbourg (30 juin 1923 – 30 juin 2023). Photo : baoquocte.

La cérémonie d’inauguration de la statue du président Ho Chi Minh a eu lieu à l’occasion du centenaire de sa première arrivée à Petrograd, aujourd’hui Saint-Pétersbourg (30 juin 1923 – 30 juin 2023). Photo : baoquocte.

Les recherches sur le Vietnam en Russie ainsi que sur la langue, l’histoire et la culture des deux pays se développent en grande partie grâce à l’initiative du président Ho Chi Minh lui-même. Le premier et le seul Institut Ho Chi Minh au monde a été inauguré en 2010 à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg.

La première statue du président Ho Chi Minh à Saint-Pétersbourg se trouvait également sur le campus de cette université. Ici, la première traduction complète en russe de « L'Art de la guerre » de Sun Tzu, traduite par le président Ho Chi Minh, a été récemment publiée par la maison d'édition de l'Université d’État de Saint-Pétersbourg.

Soixante-quinze ans, c’est une longue période. Nos deux pays entretiennent toujours de bonnes relations d’amitié et de coopération.

Lors de la cérémonie d’inauguration de l’exposition célébrant le 75ᵉ anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, le ministre des Affaires étrangères, Sergey V. Lavrov, a déclaré que : « À l’heure actuelle, le partenariat stratégique global entre la Russie et le Vietnam repose sur des dialogues politiques fondés sur la confiance, notamment au plus haut niveau. »

Sergey V. Lavrov s’est dit convaincu que les deux parties peuvent être fières et optimistes quant à l'avenir, en continuant à cultiver cette relation au bénéfice des peuples des deux pays, conformément aux bases solides posées par le président Ho Chi Minh pour cette belle amitié et coopération.

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