Le patrimoine marin et le potentiel du tourisme durable

Le récif rocheux de Nam O est une destination au fort potentiel de développement pour le tourisme écologique et culturel, qui mérite d’être préservée et exploitée de manière durable.

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Nam O, à la croisée entre nature grandiose et vie de village de pêcheurs

Le récif rocheux de Nam O, situé dans l’arrondissement de Lien Chieu, à Da Nang (au Centre du Vietnam), ne se distingue pas seulement par son paysage naturel préservé, mais incarne également les valeurs culturelles typiques des communautés littorales. Il s’agit d’une destination au fort potentiel de développement pour le tourisme écologique et culturel, qui mérite d’être préservée et exploitée de manière durable.

Un espace culturel des habitants côtiers

Il est un peu plus de 5 heures du matin lorsque j’arrive au récif rocheux de Nam O, au rythme des vagues et du clapotis des pagaies de paniers ronds ramenant les pêcheurs à terre. M. Bui Bon, un homme ayant consacré sa vie à la mer, confie : « Quand la marée change et que les poissons s’approchent du récif, il faut partir tôt ». Il lui arrive de sortir en mer dès minuit, poussé par une intuition, fruit d’années d’expérience en mer.

Sur la plage, Mme Chu Thi Mui, une marchande chevronnée, sélectionne habilement les poissons tout en gardant un œil sur la mer : « Il faut acheter et revendre directement sur la plage ou les apporter au marché. La rapidité est la clé pour préserver la fraîcheur ». Ce rythme de vie simple a nourri des générations entières de pêcheurs à l’ombre du récif de Nam O.

Le chemin étroit serpente sous les frondaisons épaisses, puis s’ouvre soudainement sur une étendue rocheuse monumentale au cœur de l’océan. Quelques groupes de touristes et villageois se rassemblent pour faire griller leurs repas sur les dalles plates. Le bruit des vagues, le crépitement des braises et les éclats de rire créent une atmosphère paisible de village maritime.

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Mme Chu Thi Mui achète du poisson dans un bateau-panier et le vend directement sur la plage.

Depuis la pointe, on peut admirer au loin la chaîne de Hai Van, et à l’est, la presqu’île de Son Tra émergeant des flots. Au pied des vagues, l’écume entoure de petits organismes marins – moules, crabes – accrochés aux anfractuosités des rochers. Ces créatures constituent une ressource précieuse, notamment lors des saisons de mer agitée, quand la pêche au large devient impossible.

Derrière cette beauté naturelle se cache une riche culture communautaire. M. Dang Dung, 77 ans, qui a longtemps étudié le village de Nam O, se souvient qu’autrefois, les jeunes venaient au récif tendre leur hamac, lire ou contempler la mer.

Pour lui, ce lieu est non seulement un espace de subsistance, mais aussi un creuset de légendes, de croyances et de mémoire collective.

Le long du sentier menant au récif subsistent de petits sanctuaires comme le temple de Bà ou de Ong Goc, où les habitants viennent prier pour la paix et une pêche abondante. « Peut-être que les historiens n’ont pas encore tout expliqué, mais ces lieux sont ancrés profondément dans l’âme de plusieurs générations », dit-il.

Il ajoute que le récif n’a pas qu’une valeur paysagère : c’est également une barrière naturelle qui protège le village contre les tempêtes. Situé entre mer et rivière, à proximité de l’embouchure de la rivière Cu De, les habitants pratiquent à la fois la pêche hauturière et la cueillette côtière.

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Un récif, refuge de biodiversité et mémoire collective

En saison de mer agitée, ils se replient sur le récif pour récolter moules, coquillages, crabes ou algues. « Certains ne vivent que de la saison des algues et gagnent plusieurs dizaines de millions de dongs. Ce revenu leur permet de passer l’hiver et d’attendre le Tet(Nouvel An lunaire ».

Cependant, l’écosystème du site se dégrade visiblement. « Autrefois, le récif grouillait d’algues, de coraux, de poissons… Aujourd’hui, il ne reste souvent que les pierres nues », regrette M. Dang Dung.

Une orientation durable pour le tourisme local

Le récif de Nam O est particulièrement spectaculaire durant la saison des algues vertes, de la fin de l’hiver au début du printemps. À marée basse, les rochers émergent, recouverts d’un manteau de mousse verte éclatante, créant une scène à la fois vivante et féérique. Cette année, les algues subsistaient jusqu’à la mi-mai, attirant de nombreux jeunes à la recherche de clichés uniques.

L’air pur, le paysage paisible font de ce site une destination de week-end idéale. « J’adore la fraîcheur et la tranquillité d’ici, j’y reviendrai avec ma famille », confie Nguyen Hoai Nam, un touriste de Hung Yen. Le tapis d’algues, d’un vert émeraude, constitue un décor prisé pour les photographes.

En réalité, le récif de Nam O a souffert du développement : déclin de la biodiversité, pollution marine, réduction de l’espace communautaire. Il est donc essentiel de concilier conservation et développement, de sensibiliser la population et de leur donner les moyens d’être acteurs, bénéficiaires et gardiens des valeurs culturelles, historiques et écologiques.

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Le village de Nam O borde la mer, avec en arrière-plan le récif, où la nature se marie à la vie maritime.

Interrogée sur les orientations en matière de tourisme et de développement local, Mme Mai Thuy Thuy Trang, cheffe du service Culture-Information de l’arrondissement de Lien Chieu, précise : « Le récif de Nam O est l’un des huit produits clés du projet de développement du tourisme communautaire de Nam O, approuvé par le Comité populaire de la ville de Da Nang en 2020 ».

Les produits en cours de structuration incluent : l’observation du lever et du coucher du soleil en barque, la visite des vestiges, des villages artisanaux, d’un musée des coquillages, la prise de photos sur le récif, l’hébergement chez l’habitant ou encore la randonnée sur le récif à la découverte des algues.

À l’avenir, un parc écologique et une place au sud du récif seront aménagés, en conservant la forêt naturelle existante et en y ajoutant des équipements tels que sentiers, plateformes d’observation, kiosques… Un projet alliant espace communautaire et préservation du paysage.

Du point de vue de la gestion touristique, M. Tan Van Vuong, directeur adjoint du Service de la Culture, des Sports et du Tourisme de Da Nang, déclare : « L’orientation est de faire du récif de Nam O une destination durable, exploitant les valeurs locales sans altérer le paysage. Nous étudions aussi des politiques de soutien aux habitants pour qu’ils développent des produits artisanaux à forte identité Nam O, afin qu’ils puissent en tirer profit tout en préservant le patrimoine ».

D’un simple récif au bord d’un vieux village de pêcheurs, Nam O s’ouvre à de nouvelles opportunités de développement, à condition d’une orientation juste et d’une préservation adéquate.

Allier développement et préservation est un choix incontournable pour aller plus loin, plus durablement, sur la base des valeurs pérennes de la communauté locale. Ce n’est pas seulement une manière de conserver l’identité, mais aussi une voie d’avenir pour bâtir un modèle de tourisme communautaire harmonieux, humain et efficace, apportant des bénéfices durables à l’environnement, à la culture et à la vie des habitants de Nam O.

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