Un potentiel encore inexploité
Le tourisme rural, associé à la découverte des villages de métiers et des artisanats traditionnels, constitue une orientation adoptée par de nombreuses localités. Cette approche contribue à la préservation des savoir-faire traditionnels, à la valorisation des patrimoines culturels régionaux et des atouts locaux, ainsi qu’à la construction de communautés rurales dynamiques.
Le village de Pham Phao, situé dans la commune de Hai Anh, province de Ninh Binh (au Nord du Vietnam), est depuis longtemps réputé pour la fabrication et la réparation d’instruments à vent en cuivre, un artisanat dont la plupart des étapes demeurent réalisées à la main.
Selon l’artisan Nguyen Van Cuong, autrefois, à l’occasion des fêtes traditionnelles ou des célébrations du Nouvel An, le son des trompettes en laiton résonnait, créant une atmosphère joyeuse et animée, stimulant l’enthousiasme et l’ardeur au travail des habitants.
« Le métier traditionnel de fabrication d’instruments en cuivre de ma famille s’est transmis sur quatre générations : de mon grand-père à mon père, puis à moi et aujourd’hui à mon fils. Les visiteurs vietnamiens comme étrangers sont toujours très intéressés lorsqu’ils viennent découvrir et expérimenter ce savoir-faire. Bien que les revenus soient modestes, nous tenons à préserver ce métier afin de rappeler à nos descendants les valeurs culturelles traditionnelles léguées par nos ancêtres », a-t-il confié.
Le développement du tourisme rural a généré de nombreuses valeurs ajoutées pour la vie des habitants.
L’artisanat traditionnel de fabrication des boules croustillantes en formes de longanes (appelés « bánh nhãn »), dans le district de Hai Hau (aujourd’hui rattaché à la province de Ninh Binh), est ancré dans la culture locale depuis des siècles. Autrefois, cette spécialité n’était produite qu’à l’occasion des fêtes traditionnelles et du Nouvel An, principalement comme cadeaux destinés aux proches vivant loin.
La famille de Luu Lien Phuong perpétue ce métier traditionnel depuis plusieurs générations. « Depuis que mon village développe le tourisme, de nombreux visiteurs viennent découvrir les différentes étapes de fabrication des gâteaux et les achètent souvent comme souvenirs. Les familles qui ont conservé ce métier parviennent ainsi à vendre davantage. Aujourd’hui, ces produits se vendent mieux qu’auparavant, car ils répondent aux normes du programme OCOP (À chaque commune son produit), ce qui garantit une qualité et une valeur supérieures », a expliqué Mme Phuong.
Au fil du temps, de nombreux métiers traditionnels ont progressivement disparu, mais le tourisme rural a contribué à préserver ces éléments culturels porteurs d’une forte valeur historique.
Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement, le Vietnam compte aujourd’hui plus de 600 modèles de tourisme agricole et rural en activité, soit une augmentation de plus de 230 modèles par rapport à 2022.
Toutefois, le développement du tourisme rural reste largement spontané, de petite échelle, porté par des entreprises, des ménages ou des coopératives, et son potentiel demeure encore insuffisamment exploité.
Nécessité d’une politique globale et cohérente pour le développement du tourisme rural
Ces dernières années, le tourisme rural s’est développé fortement et est devenu une tendance dans de nombreuses localités. Néanmoins, il demeure davantage un « lieu de visite » qu’un véritable « lieu de séjour » pour les voyageurs.
La majorité des visiteurs sont nationaux, tandis que les touristes internationaux représentent une part encore limitée, et les recettes touristiques restent modestes. Dans plusieurs régions, le tourisme rural n’est pas encore pleinement reconnu comme une solution efficace de développement socio-économique local.
La planification et la préservation des villages de métiers traditionnels ainsi que des patrimoines culturels et historiques ne sont pas suffisamment intégrées au développement du tourisme rural. Les acteurs du secteur, y compris les guides, manquent souvent de formations professionnelles en matière d’accueil des visiteurs et de valorisation des produits locaux.
Par ailleurs, les mécanismes et politiques existants manquent d’attractivité pour inciter les entreprises à investir dans le tourisme rural.
Selon la professeure associée Ngo Thi Thu Trang, doyenne de la faculté de géographie de l’Université des sciences sociales et humaines (Université nationale de Hô Chi Minh-Ville), le développement du tourisme agricole et rural doit s’appuyer sur plusieurs axes prioritaires : promouvoir une économie agricole à valeurs multiples, perfectionner les critères OCOP appliqués au tourisme agricole et rural, préserver l’architecture et l’identité locales, et placer la communauté au cœur du processus en tant qu’acteur créatif.
Il est également essentiel d’attirer une main-d’œuvre jeune, d’appliquer les sciences, les technologies et la transformation numérique pour promouvoir le tourisme rural, de renforcer la coopération interrégionale et les partenariats public-privé, et de connecter les modèles de tourisme rural aux réseaux d’agences de voyages afin de bâtir des chaînes de valeur touristiques durables.
Pour sa part, le professeur associé Pham Trung Luong, membre du groupe d’experts consultatifs pour la planification nationale, a estimé qu’il est nécessaire de renouveler la vision de l’aménagement rural, en particulier dans les régions disposant d’un fort potentiel touristique lié aux valeurs culturelles autochtones.
« Il est urgent de mettre en place un système de normes pour les produits et services touristiques visant à offrir une expérience authentique de la relation entre l’homme et la nature, tout en renforçant les capacités de gestion des destinations et en investissant davantage dans les infrastructures. Cela permettra d’améliorer l’apparence des zones rurales, de créer des emplois et d’augmenter les revenus issus des différentes formes de tourisme, tout en répondant aux exigences du développement durable et de l’adaptation au changement climatique », a-t-il souligné.
À l’heure actuelle, il n’existe pas encore de politique nationale globale spécifiquement dédiée au développement du tourisme rural. Celui-ci est principalement intégré aux programmes de développement existants et aux politiques propres à chaque localité.
De nombreux experts estiment qu’il est indispensable d’adopter une orientation et une politique cohérentes et unifiées, de l’échelon central au niveau local, couvrant notamment les politiques foncières, les infrastructures et les mécanismes de soutien au tourisme rural.
Il convient également de mobiliser des fonds de contrepartie issus du Programme national cible de construction de la nouvelle ruralité, tout en intégrant d’autres sources de financement afin de mettre en œuvre des modèles pilotes de tourisme rural.
La restauration des villages de métiers traditionnels et des éléments culturels distinctifs permettra de créer des produits touristiques attractifs.
Il est également important de renforcer la formation des ressources humaines pour les entreprises touristiques, d’intensifier la communication et la promotion des programmes de tourisme rural, et de mettre en place des politiques incitatives afin d’attirer les investissements privés dans le tourisme agricole, tout en soutenant la participation des populations locales aux activités liées au programme OCOP et à la construction de la nouvelle ruralité.
Lorsque l’État, les entreprises de voyage et les communautés locales avancent de concert, le potentiel du tourisme rural ne sera plus négligé, mais deviendra un nouveau moteur de croissance pour l’industrie touristique nationale.