Grande fête de l’année de l'ethnie Chăm pratiquant le Brahmanisme à Binh Thuan, la fête Katé a lieu chaque année en octobre (début du 7e mois du calendrier Cham). Photo : baodantoc.
Grande fête de l’année de l'ethnie Chăm pratiquant le Brahmanisme à Binh Thuan, la fête Katé a lieu chaque année en octobre (début du 7e mois du calendrier Cham). Photo : baodantoc.

Les artisans, « trésors vivants » de la culture cham

Anciennement rattachée à la province de Binh Thuan, l’actuelle province de Lam Dong (dans les Hauts Plateaux du Centre du Vietnam) est une terre riche en patrimoines culturels. Les artisans, aux côtés des chefs de village, sont de véritables trésors vivants, dépositaires des précieuses valeurs culturelles héritées des ancêtres.

Ils jouent un rôle essentiel dans la préservation et la valorisation du patrimoine culturel immatériel.

Des patrimoines vivants

Né et grandi dans une région ensoleillée et balayée par le vent, le grand dignitaire Thuong Xuan Huu, reconnu par l’État vietnamien comme artiste émérite et artiste du peuple, réside dans la commune de Phu Lac, province de Lam Dong (autrefois rattachée au district de Tuy Phong, province de Binh Thuan).

Il a eu la chance d’hériter, dès son plus jeune âge, de la précieuse écriture des Chăm transmise par ses maîtres.

Porté par un profond amour et un sens aigu des responsabilités pour le patrimoine culturel de ses ancêtres, il s’est consacré pendant de nombreuses années à la collecte du patrimoine immatériel des Cham : coutumes, rituels du mariage, cérémonies officielles, fêtes traditionnelles telles que Ka Tê ou Pô Dam.

Malgré les aléas de la vie, il a persévéré dans son travail de collecte et de conservation de nombreux manuscrits rédigés sur du papier dó ou des feuilles de Corypha lecomtei.

L’artiste du peuple Thuong Xuan Huu affirme qu’il conserve aujourd’hui des centaines de manuscrits anciens, témoignant de la vitalité de la culture des Chăm d’autrefois.

« Il s’agit d’une œuvre qui consigne l’ensemble des rituels, coutumes et particularités architecturales des Chams d’antan. Elle retrace également les contributions des ancêtres dans la construction des tours-temples, ainsi que leur quotidien, permettant aux générations futures de mieux comprendre et préserver leur identité culturelle », explique-t-il.

Infatigable, il continue à transmettre cet héritage aux jeunes générations et à sa communauté. Il œuvre aussi à l’adaptation des pratiques rituelles en réduisant ainsi les coutumes et rituels coûteux et chronophages.

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L’artiste du peuple Thuong Xuan Huu (deuxième à gauche) et ses collaborateurs lors d’une recherche sur les anciens manuscrits cham. Photo : VOV.

Grâce à ses efforts, de nombreux rituels sont aujourd’hui célébrés dans un esprit simple et empreint de joie, fidèle à la tradition, tout en conservant les valeurs traditionnelles des Chăm.

Autre figure emblématique : l’artiste émérite Tho Dong, vivant dans la commune de Hong Thai, province de Lam Dong (anciennement district de Bac Binh, province de Binh Thuan), est affectueusement surnommé « Dong tambour » ou « Dong Saranai » par ses proches — des surnoms liés à sa passion et à sa vocation.

« Je suis heureux d’être soutenu par la communauté et reconnu par les autorités. C’est une véritable source de motivation qui m’encourage à poursuivre ma passion pour préserver la culture de mon ethnie », confie-t-il.

Porté par cette passion, Tho Dong a parcouru les villages à la recherche de savoirs anciens. Il a appris à jouer du tambour Paranung (ou baraneng en langue cham), du tambour Ginang (ginang en cham) et de la flûte saranai. Plus encore, il a réussi à fabriquer lui-même ces instruments traditionnels.

« Il m’a fallu beaucoup de temps pour apprendre, puis pour parvenir à fabriquer les tambours Ginang et la flûte saranai, ce que peu de gens savent faire », explique-t-il.

« En 1976, j’ai commencé à apprendre à jouer du Ginang et du saranai. Après avoir acquis une bonne maîtrise de ces instruments, je me suis lancé dans la fabrication. Fabriquer un tambour de qualité demande du temps et beaucoup d’efforts. Seule la passion et la patience permettent de mener ce travail à bien », a exprimé M. Dong.

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L’artiste émérite Tho Dong fabrique un tambour Ginang. Photo : VOV.

Dans sa petite maison, les instruments traditionnels occupent tout l’espace. Chaque pièce est soigneusement rangée. Sa maison donne l’impression d’un petit musée vivant dédié à la musique populaire cham.

Le flambeau de la transmission

La province de Lam Dong est non seulement une terre riche en patrimoines culturels matériels et immatériels, mais elle abrite également de nombreuses communautés ethniques vivant ensemble depuis des générations.

Selon Vo Thanh Huy, directeur adjoint du Service provincial de la Culture, des Sports et du Tourisme, les artisans et les chefs de village sont considérés comme de véritables patrimoines vivants.

« Ils détiennent des savoirs précieux transmis par les ancêtres. Leur rôle est crucial dans la préservation et la transmission du patrimoine culturel immatériel. Ils sont les porteurs de flambeau qui allument la passion chez les jeunes générations et garantissent que le patrimoine continue à vivre avec le temps », souligne-t-il.

À ce jour, la province compte un artiste du peuple et six artistes émérites issus de minorités ethniques.

La mise en œuvre cohérente des politiques sur la préservation et la valorisation de la culture traditionnelle a renforcé la conscience et la responsabilité des communautés locales dans la sauvegarde de leurs patrimoines matériels et immatériels, en collaboration avec les autorités publiques.

« En tant que détenteurs et acteurs centraux des activités culturelles traditionnelles, les artisans sont appréciés et reconnus par la communauté comme des trésors vivants dans les zones peuplées des minorités ethniques. Par conséquent, la mise en œuvre rigoureuse des politiques en faveur des artisans contribue pour une part importante à la protection et à la préservation du patrimoine culturel unique des communautés de minorités ethniques », conclut M. Huy.

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