Les nouvelles frontières de la diplomatie vietnamienne

La culture, en tant que puissance douce (soft power), n’est pas seulement une composante de la stratégie diplomatique, mais constitue également l’un des piliers importants pour promouvoir la position et la force du Vietnam dans la nouvelle ère de développement.

Des artistes vietnamiens lors du Festival de la culture et du tourisme du Vietnam au Yunnan, en Chine, en novembre 2024. Photo : icd.gov.vn
Des artistes vietnamiens lors du Festival de la culture et du tourisme du Vietnam au Yunnan, en Chine, en novembre 2024. Photo : icd.gov.vn

La Révolution d’Août et la Fête nationale du 2 septembre ont marqué un jalon important dans l’histoire du Vietnam. Ces événements historiques n’ont pas seulement ouvert l’ère de l’indépendance nationale, ils ont aussi donné naissance à la diplomatie vietnamienne moderne.

80 ans se sont écoulés, tandis que le monde connaît des bouleversements sans précédent, le Vietnam a su utiliser la culture et la puissance douce comme des « bras étendus » pour promouvoir son image et affirmer sa position sur la carte internationale.

La Révolution d’Août, origine d’une diplomatie pour l’indépendance et la paix

En août 1945, fort d’un patriotisme ardent et d’une aspiration brûlante à l’indépendance, le peuple vietnamien, sous la direction du Parti communiste du Vietnam, a mené avec succès une révolution qui a « choqué le monde ».

Grâce à la victoire de la Révolution d'Août, le peuple vietnamien a repris le pouvoir aux colonialistes et aux fascistes, et a fondé la République démocratique du Vietnam, premier État ouvrier et paysan d'Asie du Sud-Est. Cela a marqué le début d’une nouvelle ère : celle de l’indépendance, de la liberté et de l’intégration.

Le 2 septembre 1945, sur la place historique de Ba Dinh, le Président Ho Chi Minh lut la Déclaration d’indépendance, affirmant l'indépendance du peuple vietnamien devant le monde entier.

Mais au-delà de l’affirmation d’un État, ce texte portait en lui une pensée diplomatique profondément humaniste, héritée d’une tradition culturelle millénaire, fondée sur la paix et l’amitié.

Dès lors, la diplomatie vietnamienne n'est plus seulement un outil politique et sécuritaire, mais aussi une incarnation vivante de la culture, de l’éthique et de l'identité nationale.

La culture n’était pas reléguée à l’arrière-plan : elle constituait le fondement de la confiance et de la diffusion durable et émotionnelle du message vietnamien.

La culture est devenue un « second passeport » pour que chaque Vietnamien, chaque produit créatif, chaque fête, chaque chanson folklorique ou chaque plat traditionnel puisse traverser les frontières territoriales et toucher le cœur des amis du monde entier.

Dès les premiers jours de l’établissement d’un nouvel État, le Président Hô Chi Minh a clairement établi le rôle de la culture dans la stratégie diplomatique nationale : « Il faut faire ami avec tous les pays démocratiques et ne nourrir de haine envers personne ». Fort de cette tradition humaniste, le Vietnam s’est attaché à se construire l’image d’un pays pacifique, digne et responsable devant la communauté internationale.

La particularité du Vietnam réside dans le fait que la diplomatie n'est pas seulement l'œuvre des diplomates ; elle est aussi faite de poèmes, de chants folkloriques, d'ao dai, de bols de pho et de sourires vietnamiens. La culture est le premier pont qui touche le cœur des amis du monde et ouvre la porte à la compréhension mutuelle.

Après 80 ans depuis cet automne historique, en repensant au parcours de construction de l'image nationale, on peut affirmer : la culture, en tant que puissance douce (soft power), n’est pas seulement une composante de la stratégie diplomatique, mais constitue également l’un des piliers importants pour promouvoir la position et la force du Vietnam dans la nouvelle ère de développement.

Le pilier durable pour promouvoir l’image nationale

Dans un monde de plus en plus globalisé où les frontières physiques s’estompent sous l’effet de la mondialisation et de la transformation numérique, la culture, en tant que puissance douce, s’impose comme un facteur clé pour promouvoir l’image et la position de chaque pays. Cette puissance douce est considérée comme une nouvelle forme de pouvoir, qui ne nécessite ni armes ni destructions, mais qui est capable de conquérir les esprits, de bâtir la confiance et de susciter l’admiration de la communauté internationale.

Pour le Vietnam, un pays marqué par les guerres, la culture est la voie la plus durable et la plus émotive pour affirmer son identité, propager des valeurs positives et façonner l’image d’un pays humaniste, confiant, moderne et responsable.

Le Président Hô Chi Minh a affirmé que la culture est non seulement le fondement spirituel de la société, mais aussi l’un des trois piliers de la puissance nationale, aux côtés de la politique et de l’économie. Selon lui, « la culture doit éclairer le chemin de la nation ». Ce chemin est à la fois celui du développement interne et celui de l’intégration internationale, parcouru avec assurance et égalité.

La culture est ainsi devenue un « second passeport » pour que chaque Vietnamien, chaque produit créatif, chaque fête, chaque chanson folklorique ou chaque plat traditionnel puisse traverser les frontières territoriales et toucher le cœur des amis du monde entier.

Plus d'un million de personnes participent à la marche nationale « Marche en avant avec le Vietnam » dans l'ensemble du pays. Photo : Thanh Dat
Plus d'un million de personnes participent à la marche nationale « Marche en avant avec le Vietnam » dans l'ensemble du pays. Photo : Thanh Dat

La culture vietnamienne, une ressource de puissance douce inestimable

La culture vietnamienne est un trésor millénaire, incarné dans les coutumes, la langue, les croyances, la religion, l’art, le mode de vie, ainsi que dans l’esprit de solidarité, d’humanité et d’amour de la paix.

C’est peut-être la beauté de l’áo dài sur les scènes internationales, le son du « đàn bầu » (monocorde) résonnant aux Nations Unies, le « phở », le « bánh mì » ou le café aux œufs classés parmi les meilleures cuisines du monde, l’art des chants populaires de « quan họ », « vi giặm » ou « ca trù » inscrits au patrimoine immatériel de l’UNESCO, ou encore des milliers de temples, pagodes, villages anciens et vestiges historiques.

Autant de ressources culturelles prêtes à se transformer en puissance réelle si elles sont reconnues et valorisées correctement.

Consciente de cet atout, la diplomatie vietnamienne a progressivement fait de la culture un élément important de sa politique extérieure. La diplomatie culturelle s’est affirmée comme une stratégie autonome, qui a été mise en œuvre de manière synchrone et de plus en plus professionnelle.

Ces dernières années, le Vietnam a organisé avec succès de nombreuses semaines culturelles à l’étranger, étendu son réseau de centres culturels dans divers pays, envoyé des troupes artistiques, chefs cuisiniers, musiciens ou sportifs aux événements internationaux.

Des événements majeurs, tels que le Sommet de l’APEC 2017, Vesak 2019 et 2025 ou les SEA Games 31, constituaient non seulement des jalons diplomatiques, mais aussi des occasions de faire rayonner la culture vietnamienne.

De nombreux produits culturels, allant du cinéma à la musique, en passant par le tourisme, la mode et les beaux-arts, ont conquis les marchés régionaux et internationaux, contribuant à améliorer l'indice d'influence douce du Vietnam dans les classements mondiaux.

Plus important encore, la puissance douce du Vietnam ne repose pas uniquement sur des campagnes officielles, mais aussi sur des millions de citoyens, appelés des « ambassadeurs sans frontières », qui ont contribué à diffuser la culture vietnamienne à travers chaque vidéo TikTok, projet touristique, plat de rue, cours de vietnamien en Europe ou collection de photos d’áo dài dans le vieux quartier de Paris ou de Kyoto.

Un spectacle de cai luong. Photo: VOV
Un spectacle de cai luong. Photo: VOV

Vers une diplomatie d’inspiration

Ce sont les jeunes créateurs de la génération Z qui ont introduit les marionnettes sur l’eau sur YouTube, les artistes indépendants qui ont conquis les scènes asiatiques avec leurs arrangements de musique folklorique moderne, les intellectuels vietnamiens d'outre-mer qui ont ouvert des espaces d'échanges culturels à l'étranger.

La culture a quitté les vitrines des musées pour entrer dans la vie numérique et le rythme de la mondialisation, devenant vivante, accessible et attractive.

Ainsi, le Vietnam affirme peu à peu que la culture n’est pas seulement un « fondement », mais bien le « nom » qui le fait aimer et reconnaître dans le monde. Exploitée au bon moment et de la bonne manière, la puissance douce deviendra un « pouvoir sans armes », aidant le Vietnam non seulement à s’intégrer profondément à l’international, mais aussi à forger les valeurs communes, à être présent et à rayonner, à être un apprenant et une source d'inspiration au sein de la communauté internationale.

La culture est la source profonde de la vitalité et de l’attractivité du Vietnam dans l’ère actuelle d’intégration mondiale.

Bùi Hoài Son, membre permanent de la Commission de la Culture et de l’Éducation de l’Assemblée nationale du Vietnam.

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