M. Yoshioka Tatsuya, cofondateur et directeur exécutif de l’organisation Peace Boat, a accordé un entretien au magazine Thời Đại, en marge du programme d’échange intitulé « Écrire la suite de l’histoire de la paix », organisé à Ha Long (province de Quang Ninh) par l’Union des organisations d’amitié du Vietnam (VUFO), en collaboration avec Peace Boat ainsi que deux organisations lauréates du prix Nobel de la paix : la Fédération Nihon Hidankyo et la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN).
Journaliste : Quelle est, selon vous, la signification de ce programme « Écrire la suite de l’histoire de la paix » ?
Cet événement est extrêmement spécial, car il se tient le jour même du 50e anniversaire de la fin de la guerre au Vietnam. La victoire du peuple vietnamien nous enseigne qu’avec l’unité et la foi en la justice, la victoire est possible.
Ce programme porte un message puissant. C’est une occasion pour les peuples vietnamien et japonais de réfléchir ensemble au chemin parcouru depuis la réunification du Vietnam.
Dans un monde encore marqué par de nombreux conflits, le peuple vietnamien adresse au monde un message fondamental : la paix est plus précieuse que tout. C’est pourquoi cette rencontre résonne profondément auprès de tous ceux qui aspirent à la paix.
Journaliste : Voyez-vous un potentiel de coopération entre Peace Boat et l’Union des organisations d’amitié du Vietnam (VUFO) ?
Je perçois un immense potentiel de coopération, notamment dans des domaines tels que la recherche pour la paix, le développement durable, la lutte contre la crise climatique et les questions liées aux océans.
Cette collaboration ne devrait pas se limiter à la paix, mais s’étendre à des programmes dédiés à la jeunesse et à l’apprentissage tout au long de la vie. Les jeunes, curieux et avides de découvertes, sont les mieux placés pour profiter des expériences offertes par le Peace Boat : voyages culturels, échanges multiculturels, dialogues transfrontaliers… Ces initiatives permettent aux jeunes de se rencontrer, d’apprendre ensemble, et de construire une conscience commune en faveur de la paix et du développement durable.
Journaliste : Quel message de paix souhaitez-vous adresser à la jeunesse vietnamienne ?
Je suis convaincu que l’histoire du Vietnam est une histoire exceptionnelle. Votre pays possède un patrimoine inestimable. Après avoir surmonté l’une des guerres les plus dévastatrices de l’histoire de l’humanité, le Vietnam a accompli des progrès remarquables.
Les jeunes Vietnamiens ont toutes les raisons d’avoir confiance en eux et de puiser leur force dans cette histoire pour contribuer à un monde plus pacifique. Cette expérience du Vietnam est universelle : elle peut inspirer d’autres nations et enrichir l’effort mondial en faveur de la paix.
Apprenons ensemble ce qu’est la paix et comment la construire. Nous cheminons côte à côte. Unissons-nous pour la paix dans le monde.
Journaliste : Pourquoi le Vietnam est-il une destination régulière pour Peace Boat ?
Notre première visite remonte à 1985. À cette époque, le pays portait encore les blessures profondes de la guerre. Nous avons vu de nos propres yeux ces souffrances, et nous avons été témoins de l’incroyable détermination du peuple vietnamien à reconquérir son indépendance. Nous avons aussi perçu les douleurs prolongées causées par la guerre.
L’histoire du Vietnam, en particulier la période de guerre, a une portée immense. Dans l’histoire mondiale, cette guerre figure parmi les plus atroces. Il est impératif d’en tirer cette leçon : de telles horreurs ne doivent jamais se reproduire. L’expérience du peuple vietnamien incarne un puissant enseignement sur l’importance de la paix, de l’éducation à la paix et des actions en faveur de celle-ci.
Le Japon aussi a connu de grandes pertes, notamment à Hiroshima et Nagasaki. Cela nous rend particulièrement sensibles à la douleur du peuple vietnamien. Depuis cette première visite, nous revenons presque chaque année. Pour ma part, j’ai visité le Vietnam plus de 50 fois. Peace Boat, quant à elle, y est venue environ 39 fois.
Journaliste : Pour conclure, pourriez-vous partager l’un de vos souvenirs les plus marquants au Vietnam ?
Deux souvenirs m’ont profondément marqué.
Le premier est douloureux. Lors d’une visite à l’hôpital Tu Du à Hô Chi Minh-Ville, j’ai vu de nombreux enfants atteints de malformations congénitales causées par l’agent orange. Certains n’avaient même pas survécu. Ce fut une expérience déchirante, une prise de conscience brutale des ravages de la guerre.
Le second souvenir est rempli de chaleur humaine. À Da Nang, nous avons participé à une rencontre avec de jeunes Vietnamiens. Leur accueil fut exceptionnel. Chaque année, nous organisons des échanges entre jeunes Vietnamiens et Japonais : visites de la ville, repas partagés, discussions. À chaque départ du bateau, les larmes coulent. Malgré la brièveté de ces moments, je comprends que la solidarité humaine est une force puissante, capable d’apporter du bonheur.
Journaliste : Merci infiniment pour ce partage.