Les sauniers de Bac Liêu en pleine récolte du sel. Photo : Thanh Cuong |
Un ancien bastion du sel
En cette saison de récolte, nous retournons sur les terres salicoles des communes de Vinh Thinh (district de Hoa Binh) et Long Diên Dông (district de Dông Hai), considérées comme le berceau de la saliculture à Bac Liêu.
En 2013, le sel de Bac Liêu a obtenu l’indication géographique protégée (IGP) du Département de la propriété intellectuelle, relevant du ministère des Sciences et des Technologies. En 2020, la fabrication artisanale de ce sel a été inscrite au patrimoine culturel immatériel national par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme.
Remontant au début du XXᵉ siècle, la production de sel à Bac Liêu s’étendait autrefois sur 56 kilomètres de côtes, de la commune de Vinh Trach Dông (ville de Bac Liêu) au chef-lieu de Gành Hào (district de Dông Hai), employant des dizaines de milliers de travailleurs. Cette industrie représentait non seulement un pilier économique, mais aussi un héritage culturel, transmis de génération en génération.
Réputé pour sa pureté, le sel de Bac Liêu offre une salinité sans amertume. La province demeure l’un des principaux producteurs du pays. En 2024, près de 800 familles et 1 500 travailleurs vivent encore de cette activité, avec une production annuelle estimée entre 15 000 et 20 000 tonnes. Mais les défis sont nombreux : dépendance aux conditions météorologiques, labeur ardu et prix instables. Un modèle économique fragilisé qui pousse de nombreux producteurs à abandonner ce métier.
Un combat pour la survie du métier
« Faire du sel est épuisant, mais c’est une tradition profondément ancrée dans notre famille depuis près d’un siècle. Malgré les difficultés, nous nous accrochons », confie Hô Van Niên, saliculteur émérite de Long Diên Dông.
Phan Chi Tâm, surnommé « le roi du sel », partage cette inquiétude. « Les prix sont en chute libre. Certaines années, la production ne trouve même pas preneur. Beaucoup de familles ont dû renoncer à cette activité. Nous espérons que les autorités trouveront des solutions pour stabiliser les prix et permettre à ce métier de survivre », dit-il.
La récolte du sel se fait durant la saison sèche, de novembre à avril selon le calendrier lunaire. Le processus de production repose sur des techniques artisanales transmises de génération en génération : captage et évaporation de l’eau, cristallisation et récolte. Un savoir-faire exigeant, qui se perpétue malgré les difficultés.
La fabrication du sel est un travail très dur. Photo : Thanh Cuong |
Trân Van Thua, président de la coopérative Doanh Diên (district de Dông Hai), explique que son groupement compte 76 membres exploitant près de 70 hectares de marais salants. Cette année, des pluies inattendues ont perturbé la production. La coopérative combine deux méthodes : la saliculture traditionnelle, où le sel cristallise directement sur le sol, et la technique moderne du sel sur bâche, plus pure et plus rentable, permettant une meilleure exportation.
Outre le sel, la coopérative développe la production d’artémias, un crustacé prisé pour l’élevage de poissons et crevettes. En 2024, cette diversification a généré des revenus atteignant 100 millions de dongs par hectare. Cependant, le principal défi demeure la volatilité des prix.
Luu Hoàng Ly, directeur du service provincial de l’Agriculture et du Développement rural, souligne que la saliculture moderne ne représente encore que 10 % de la production locale. La province a ainsi lancé un plan stratégique 2021-2030 visant à améliorer la productivité, la qualité et la diversification des produits, notamment pour l’exportation. Actuellement, seules deux usines de transformation sont en activité, avec une capacité annuelle de 36 000 tonnes.
Grâce à l’investissement dans des technologies comme le séchage mécanique, les sels de Bac Liêu ont conquis des marchés exigeants, tels que le Japon et la République de Corée.
Pour promouvoir ce patrimoine, Bac Liêu accueillera, du 6 au 8 mars 2025, le premier Festival national du sel, en partenariat avec le ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Sous le thème « Cent ans de saliculture – Une vie d’héritage », l’événement rassemblera une centaine de stands mettant en avant les produits locaux, les innovations technologiques et les opportunités d’investissement.
Ce festival ambitionne de relancer le secteur, d’attirer les jeunes vers ce métier ancestral et de stimuler le développement durable de la filière. « L’histoire du sel à Bac Liêu est celle d’un combat acharné, d’un savoir-faire inestimable. Ces cristaux, façonnés par le soleil et la sueur, incarnent l’identité de toute une région », déclare Pham Van Thiêu, président du comité populaire provincial.
Le défi est de taille : préserver une tradition tout en la modernisant pour assurer sa pérennité. Mais à Bac Liêu, le sel reste bien plus qu’un produit : il est le témoignage vivant d’un siècle de résilience et de passion.