Cette fête, inscrite au patrimoine culturel immatériel national, est une tradition locale qui remonte au 17e siècle. Elle est liée à l’histoire de l’île et participe de l’identité culturelle des autochtones, affirme Pham Van Mich qui, depuis 30 ans, garde le temple dédié aux 17 fondateurs du village, que les locaux appellent Tiên Công.
«En 1434, après avoir vaincu les 800.000 agresseurs Ming et accédé au trône, Lê Loi a décidé de faire migrer une partie de la population vers les zones isolées afin de les défricher. 17 personnes, 17 Tiên Công comme nous les appelons, ont ainsi quitté la capitale, Thang Long. Leur bateau a suivi la rivière Chanh à la recherche d’une nouvelle terre habitable. Ils se sont arrêtés ici lorsqu’ils ont entendu des grenouilles, dont la présence garantissait celle de l’eau douce. C’est ainsi que les 17 Tiên Công ont décidé de fonder un village ici», raconte-t-il.
Vous l’aurez compris, les 17 Tiên Công sont les ancêtres communs de la population insulaire de Hà Nam. Aussi la fête qui leur est dédiée est-elle organisée dans l’ensemble des sept communes de l’île. Les cérémonies ont lieu au temple des Tiên Công dans la commune de Câm La, mais aussi dans les maisons de culte familial classées en tant que «vestiges nationaux».
Outre les hommages aux Tiên Công, depuis 21 ans, une autre festivité est organisée à cette occasion. Les seniors de 80, 90 ou 100 ans de Hà Nam sont transportés en hamac lors d’une grande procession en direction du temple des Tiên Công. Le cortège peut faire plusieurs centaines de mètres, affirme Nguyên Quang Du, 85 ans, qui dirige le comité d’organisation de la fête du village de Yên Dông.
«Nous nous sommes concertés, entre villageois, et avons décidé d’organiser une cérémonie pour honorer tous les seniors ayant atteint 80 ans, et ce pour préserver la tradition et l’égalité entre les familles, qu’elles soient riches ou pauvres. C’est la 21e année que nous organisons cette fête et 398 seniors ont d’ores et déjà fait l’objet d’une procession vers le temple des Tiên Công. Nous y déposons des offrandes en nombre impair, qui comprennent une tête de porc, du riz gluant, des noix d’arec, des feuilles de bétel, des fruits, mais aussi de l’alcool», précise-t-il.
Cette année, 198 seniors de 80 et 90 ans, et quatre autres centenaires ont eu l’honneur de présenter leurs offrandes aux Tiên Công. Ils ont été chacun de leur côté transportés en hamac par leurs descendants, aux sons d’orchestres pentatoniques. Les petites processions forment un énorme cortège et créent une ambiance électrique mais solennelle.
Vu Thi Thùy, 80 ans, est toute émue. «Je suis tellement heureuse que mes enfants et petits-enfants aient organisé pour moi cette procession. Je me sens plus en forme que jamais. Avec la bénédiction des Tiên Công, je souhaiterais avoir la chance de bénéficier d’une ou deux processions supplémentaires…», partage-t-elle.
Les lignées familiales de l’île de Hà Nam ont fait de la fête des Tiên Công la leur, affirme Ngô Dinh Dung, responsable de la culture et de la communication du district de Quang Yên, auquel se rattache Hà Nam.
«C’est grâce à ces familles que la fête des Tiên Công survivra aux épreuves du temps. Où qu’elles se trouvent, dans le pays ou à l’étranger, les personnes originaires de Hà Nam n’oublient jamais les dates importantes de leur village d’origine, à savoir le 2e jour du 12e mois lunaire, qui est le jour du début des préparatifs de la fête en l’honneur des seniors, le 4e jour du même mois qui est le jour du festin familial, et enfin la fête des Tiên Công, qui a lieu du 5e au 7e jour du premier mois lunaire. La population s’est appropriée ces festivités et c’est elle qui est garante de leur éternité», déclare-t-il.
L’arrivée du printemps à Hà Nam est donc marquée par la musique pentatonique et les drapeaux aux cinq couleurs bouddhiques. C’est l’occasion pour les villageois de célébrer les 17 Tiên Công qui ont fondé leur village, mais aussi pour les enfants d’exprimer leur gratitude envers leurs parents, et pour les jeunes d’enrichir leur âme de valeurs traditionnelles…