Un rite empreint de ferveur et de poésie, destiné à remercier les divinités pour leur protection et à invoquer la clémence du ciel, la fertilité des terres, ainsi que la prospérité des hommes et du bétail.
Issus d'une longue tradition de cultures vivrières et d’élevage, les Tay et Nung ont façonné, au fil du temps, un rituel à la fois spirituel et communautaire, miroir fidèle de leur mode de vie et de leur rapport intime à la nature.
«Chaque année, nous prions pour que les pluies soient douces, les vents favorables, que les moissons soient abondantes et les bêtes nombreuses», indique Luong Phuc Kiem, maître de cérémonie cette année.
Également connue sous le nom de Lồng tồng, ou « fête de la descente au champ », cette célébration se tient aux 5ᵉ, 6ᵉ, 8ᵉ et 9ᵉ mois lunaires.
Elle marque le lien entre l’homme et la terre, entre le visible et l’invisible.
Au-delà de son aspect spirituel, la cérémonie est un moment fort de cohésion communautaire.
"La fête de prière pour les récoltes est l’occasion pour toute la communauté de se retrouver autour de croyances partagées, de renforcer les liens entre les familles du village. C’est un temps fort pour transmettre notre culture, et souhaiter réussite et chance dans tous les domaines de la vie", témoigne Nguyen The Anh, habitant de la commune de Lam Vy.
Le cérémonial débute au son solennel des gongs et des chants then, ces mélopées traditionnelles entonnées au đàn tính, luth à long manche, qui appellent les esprits à se rassembler.
Les prières sont dirigées par un maître des rites, souvent un ancien du village, respecté pour sa sagesse et sa connaissance des coutumes. Il mène les invocations, présente les offrandes – poulet, riz gluant, tête de porc, encens, or votif – et récite les formules sacrées pour demander une saison prospère.

Photo : Manh Phuong/VOV.
Ma Van Tram, membre de l’équipe rituelle, décrit l’organisation:
« On prépare des plateaux d’offrandes avec une tête de porc, du poulet, du riz gluant, de l’encens, et des graines de riz, de maïs et de haricots. Ces symboles sont présentés aux divinités. Les familles choisies pour porter ces offrandes doivent être en harmonie: un couple uni, avec des garçons et des filles bien élevés. »
Une fois les prières achevées, la fête s’empare du village.
Les habitants et les visiteurs venus de loin se mêlent dans une atmosphère de liesse: concours de repiquage du riz, confection de gâteaux traditionnels, cuisson du riz gluant, jeux populaires (lancer de balle d’étoffe, colin-maillard, poussée de bâton, tir à la corde, football...).
À cela s’ajoutent des chants et des danses collectives au bambou... Tout invite à la communion, à la joie et à la transmission.
Les festivités se concluent par un festin partagé où les offrandes sont redistribuées. On y mange, on échange, on rit, on se confie.
Dans certains villages, les divinités sont même symboliquement conduites du temple vers les champs, signe de bénédiction des cultures à venir.
« Nous nous engageons activement à préserver et valoriser ce patrimoine. Le relier au tourisme communautaire et aux sites historiques est une manière durable de faire vivre notre culture », souligne Pham Quang Sang, secrétaire du comité du Parti de la commune de Trung Hoi.
Transmise de génération en génération, la fête de prière pour les récoltes des Tày et Nùng est bien plus qu’un rite agricole.
C’est une célébration vivante du lien sacré entre l’homme et la nature, entre les anciens et les jeunes, entre les vivants et les esprits.
Une fresque culturelle haute en couleurs, qui enrichit le tissu multiculturel du Vietnam contemporain tout en affirmant la singularité des peuples des montagnes.