À l’âge de plus de 70 ans, Phung Thi Hong (alias Phuong Hong), artiste émérite et ancienne combattante, s’efforce toujours de transmettre l’art du « ca trù » aux jeunes générations et d’assurer sa viabilité.
Hanoï est l’un des plus grands berceaux du « ca trù » (chant des courtisanes). De nombreux clubs en ont ouvert leurs portes pour jeter des bases solides à la préservation de cette forme complexe de poésie chantée.
Une grande passion pour la musique traditionnelle
L'artiste émérite Phung Thi Hong a exprimé son optimisme quant au développement des clubs de « ca trù » à l’heure actuelle ainsi qu’à la préservation de ce patrimoine culturel immatériel.
Née en 1952 dans la commune de Dan Phuong (en banlieue de Hanoï), Mme Hong montrait dès son enfance un talent musical naturel, avec une prédilection pour le chant « chèo » et la récitation poétique.
À 19 ans, alors qu’elle travaillait au département de la Culture et de l’Information du district de Phuc Tho, province de Ha Tay (Hanoï actuellement), elle s'est portée volontaire pour aller au front, en rejoignant le 2e groupe d'assaut de Ha Tay. Elle a participé à des spectacles de chants folkloriques pour encourager la combativité des soldats.
En 1972, elle est rentrée dans son village natal après avoir brillamment accompli sa mission au champ de bataille de Truong Son. Elle a repris son travail dans son ancien service, avant d’être transférée au Centre culturel et d’information de la province de Ha Tay.
C’est en 1990 que sa rencontre fortuite avec l’artiste Bach Van, lors d’un spectacle de « ca trù », a bouleversé sa vie. Séduite par les modulations subtiles et les rythmes scandés de cette forme d’art traditionnel, Mme Hong a commencé à rechercher des documents et des ouvrages sur le « ca trù ».
Le véritable tournant a eu lieu en 1994, lorsqu’elle a écouté l’artiste Nguyen Thi Chuc chanter et émis le souhait de devenir son élève. Depuis lors, elle s’est rendue chaque dimanche chez Mme Chuc pour apprendre le « ca trù ».
Durant quatre ans (de 1994 à 1998), elle a acquis les techniques de bases du « ca trù » et a pu se produire en public. Avec le désir d'améliorer ses compétences, Mme Hong a également appris de l'expérience des artistes du club de « ca trù » de Thai Ha (Hanoï). Elle a collectionné de nombreuses cassettes et CD des grands maîtres, comme l’Artiste du peuple Quach Thi Ho pour s'instruire par elle-même.
Portée par sa passion et son désir de préserver et de promouvoir cet art musical traditionnel, Mme Hong a proposé aux autorités du secteur culturel de la province de Ha Tay d’organiser régulièrement des cours de « ca trù », notamment à destination des jeunes. Ces cours ont attiré de plus en plus de participants.
Pour rapprocher le « ca trù » du grand public, Mme Hong a écrit plus de 100 nouvelles paroles sur les airs traditionnels, comme hat lieu, hat noi ou bac phan. Ces paroles reflètent la vie quotidienne, facilitant ainsi l'accès de cet art folklorique aux auditeurs, notamment des jeunes.
Depuis sa retraite en 2007, malgré des éclats de balle toujours logés dans son bras affaibli, son amour pour le « ca trù » ne faiblit pas. Mme Hong a continué à enseigner l’art du « ca trù » aux passionnés. En 2013, elle est devenue présidente du club de « ca trù » rattaché au Centre de développement de l’art musical du Vietnam (relevant de l’Association des musiciens vietnamiens).
Vu Duc Huy, directeur adjoint du Centre de développement de l’art musical du Vietnam, a fait savoir : « L’artiste émérite Phuong Hong est le pilier du centre. Elle a contribué activement à préserver l’art du ca trù. Une chanteuse talentueuse qui a remporté de nombreux prix prestigieux, Mme Hong a également réussi à faire découvrir cet art musical traditionnel des Vietnamiens aux amis internationaux à travers des représentations de la culture vietnamienne en Europe ».

Le « ca trù », patrimoine musical des Vietnamiens
Le « ca trù », ou chant des courtisanes, est une forme complexe de poésie chantée que l’on trouve dans le Nord du Vietnam et qui utilise des paroles écrites selon des formes poétiques vietnamiennes traditionnelles. Autrefois réservé aux lettrés, il a longtemps été relégué à la marge.
Il est transmis aujourd’hui par des musiciens et des passionnés qui s’attachent à exécuter, enseigner et développer la tradition, rendant à cet art ses lettres de noblesse.
Cette forme d’art est face actuellement à de nombreux défis : baisse considérable du nombre d’artistes et de gens intéressés, disparition des lieux de représentation. Par rapport aux autres types artistiques traditionnels, comme tuông (théâtre classique avec chants et gestes), chèo (opéra folklorique), cai luong (théâtre rénové), seul le « ca trù » n’a aucun théâtre spécifique.
Une situation déplorable, car pendant plusieurs siècles, le « ca trù » a été le premier genre artistique du pays, avec de nombreux lieux de représentation et des troupes professionnelles.
Selon les chercheurs en musique, afin de préserver et de promouvoir le « ca trù » de manière durable, il faut qu’il reçoive les contributions de la communauté ainsi que le soutien des organismes compétents et des autorités locales pour obtenir les fonds nécessaires à son fonctionnement et des politiques préférentielles en faveur des artistes. Ainsi, ces derniers auront toutes les clés pour transmettre cet art aux générations suivantes dans les meilleures conditions.