Trente ans à préserver le "quan ho" de Bac Ninh

Depuis trois décennies, Duong Duc Thang, vice-président du Club de quan ho (chant alterné) du village de Hoài Trung, province de Bac Ninh (au Nord-Est du Vietnam), se consacre à la préservation des airs authentiques et à la collecte d’objets. Il souhaite protéger et promouvoir cette musique traditionnelle.
Duong Duc Thang (1er à gauche) présente un document sur les airs authentiques de "quan ho". Photo : BBN/CVN.
Duong Duc Thang (1er à gauche) présente un document sur les airs authentiques de "quan ho". Photo : BBN/CVN.

Né en 1976, Duong Duc Thang est la 6e génération de la lignée familiale qui perpétue le quan ho dans le village de Hoài Trung, commune de Liên Bao, district de Tiên Du, province de Bac Ninh.

Le quan ho est une forme d’art qui combine divers éléments, notamment musique, paroles et costumes, et présente la culture des habitants de la région autrefois appelée “Kinh Bac”, située au Nord, englobant la totalité des provinces de Bac Giang, Bac Ninh et une petite partie des localités voisines. Il s’agit d’une contrée riche en valeurs historiques et traditionnelles dont Bac Ninh constitue le noyau.

Plongé dès son plus jeune âge dans les airs envoûtants du quan ho, à l’âge de 4 ans, le jeune Duong Duc Thang pouvait déjà chanter une petite chanson.

À 10 ans, il avait appris par cœur 50 morceaux typiques et maîtrisé plusieurs techniques vocales difficiles.

À 16 ans, il était capable de chanter tout le répertoire de ses grands-parents et de six autres artisans du village... Cependant, cela ne lui suffisait pas.

Le jeune homme s’est ensuite rendu dans tous les villages de quan ho pour rencontrer d’autres chanteurs en vue d’apprendre des airs anciens que son village ne connaissait pas.

M. Thang et l’”Artisane du Peuple” Trân Thi Phung, 102 ans, une chanteuse de "quan ho" très célèbre à Bac Ninh. Photo : DĐT/CVN,
M. Thang et l’”Artisane du Peuple” Trân Thi Phung, 102 ans, une chanteuse de "quan ho" très célèbre à Bac Ninh. Photo : DĐT/CVN,

À l’écoute des aînés

Autrefois, à la période où le +quan ho+ était en plein développement et retentissait partout à Bac Ninh, les chanteurs chevronnés étaient assez prudents dans la transmission des airs et des techniques de chant. Pour pouvoir devenir leur élève, je devais leur rendre visite régulièrement pour établir des liens étroits afin qu’ils me considèrent comme un de leurs enfants ou petits-enfants. La collecte des chansons était également difficile car il n’y avait pas d’enregistrements audio. Je recourais uniquement à la transmission orale tout en prenant des notes. En rentrant chez moi, je devais les pratiquer immédiatement. Pour les morceaux que j’oubliais, je retournais tout de suite chez eux pour des corrections”, raconte-t-il.

M. Thang se souvient d’une fois, il a soudainement oublié une phrase dans une chanson que l’artisane Ngô Thi Nhi lui avait apprise. Il s’est rapidement rendu chez elle, mais elle était absente (elle rendait visite à sa fille dans la province de Lang Son). Impatient, l’élève a parcouru 60 km en bus pour la voir. Lors de ses voyages dans tous les villages de quan ho et au fil de ses rencontres, Duong Duc Thang a recueilli des centaines d’anciens airs.

De nombreux chanteurs qui appréciaient son amour pour cette musique étaient même prêts à lui faire don de cahiers manuscrits. Au total, M. Thang possède 18 cahiers de notes contenant près de 1 500 chansons, ainsi que des centaines d’enregistrements.

Non seulement a-t-il appris auprès d’artistes de la région, mais M. Thang a également collecté des documents à l’Institut national de musique et dans les bibliothèques de la province et d’ailleurs. Il possède des photocopies de nombreux livres précieux sur la culture quan ho publiés par des chercheurs, de 1928 à aujourd’hui.

En échange, M. Thang a remis de nombreux documents de grande valeur à l’Institut national de musique ainsi qu’aux agences de recherche sur le quan ho. Il a également participé à la restauration de nombreux spectacles de quan ho dans le but de préserver et de promouvoir la beauté de cet art traditionnel auprès du public national et international.

M. Thang a collecté de nombreux objets emblématiques utilisés comme accessoires et ustensiles lors des spectacles de chant. Photo : VTC/CVN.
M. Thang a collecté de nombreux objets emblématiques utilisés comme accessoires et ustensiles lors des spectacles de chant. Photo : VTC/CVN.

Gardien du trésor

En tant que vice-président du Club de quan ho du village de Hoài Trung, M. Thang encourage toujours les membres à étudier et à élargir leurs connaissances dans ce domaine, ainsi qu’à organiser des interprétations lors des fêtes printanières. Il cherche constamment à établir des liens et à favoriser les rencontres et les échanges entre les clubs de la province et d’ailleurs.

À la fin de l’année 2022, Duong Duc Thang et son club ont créé une galerie dédiée au quan ho d’antan et d’aujourd’hui, qui accueille les visiteurs désireux de découvrir cet art. Avec les membres du club, M. Thang a collecté de nombreux objets emblématiques utilisés comme accessoires et ustensiles lors des spectacles de chant. Des nón quai thao (chapeau plat et rond, muni d’une jugulaire en rotin), des parapluies en soie noire, des couvre-sein, des ceintures, des vêtements, des paniers à bétel, des théières et tous les accessoires utilisés par les chanteurs et chanteuses sont préservés dans cette galerie.

Ces objets anciens, marqués par le temps, reflètent parfaitement l’atmosphère culturelle typique du quan ho, avec toutes les étapes concrètes d’un spectacle : l’habillement, les conversations, les offrandes de bétel, les chants alternés entre les chanteurs, et la dégustation culinaire...

Vieux de 70 à 80 ans, voire centenaires pour certains, ils portent le nom et même l’adresse des anciens propriétaires, à savoir Duong Van Quyên, Nguyên Thi Hap (village de Hoài Trung), Ngô Thi Nhi, Trân Thi Phung (village de Diêm), Vu Thi Chich (village d’Y Na), Nguyên Thi Be (village de Dào Xa), Nguyên Thi Nguyên, Dô Thi Tuoc (village de Kha Lê)...

Des objets anciens utilisés lors de spectacles de "quan ho" collectionnés par M. Thang. Photo : VTC/CVN.
Des objets anciens utilisés lors de spectacles de "quan ho" collectionnés par M. Thang. Photo : VTC/CVN.

Collectionneur

Nous nous concentrons uniquement sur la collecte et la sélection des reliques étroitement associées aux artisans chevronnés qui ont été reconnus par l’État comme des +trésors humains vivants+ car ils constituent une partie essentielle et exemplaire du patrimoine du +quan ho+ de Bac Ninh. Ils contribuent à la préservation et à la promotion de la valeur de ce genre musical reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel représentatif de l’humanité depuis le 30 septembre 2009”, précise M. Thang.

En montrant un ensemble de théières et de tasses en cuivre sculptés de motifs originaux, M. Thang détaille : “Ces objets sont associés à l’histoire de la vie de l’artisan Nguyên Van Thi dans le village de Diêm. Ils ont été perdus depuis de nombreuses années, et je les ai rachetés à une famille de la province voisine de Bac Giang. Heureusement, nous avons pu conserver l’ensemble : cinq tasses, une théière et un plateau”.

M. Thang évoque également une autre pièce unique, le panier de bétel en bois incrusté d’images vieux de plus de 200 ans. C’est l’héritage de sa grand-mère, une chanteuse célèbre.

À chaque fois qu’elle se produisait, elle l’emportait avec elle pour contenir le bétel. Après son mariage, elle l’a perdu, et tout récemment, M. Thang l’a retrouvé.

On peut également voir d’autres objets intéressants, comme le couteau à bétel dont le manche argenté en corne a été mentionné dans une vieille chanson de quan ho, le panier contenant la théière de l’artisane Nguyên Thi Tuoc (ville de Kha Lê), la chaise sur laquelle l’artisan Nguyên Duc Soi (village de Ngang Nôi) s’est assis pour composer des dizaines de chansons...

Tout récemment, l’”Artisane du Peuple” Trân Thi Phung, âgée de 102 ans et originaire du village de Diêm, a décidé de remettre tout son trésor à M. Thang.

Chapeaux, vêtements en soie à cinq pans, ceintures, paniers de bétel, etc. Ces souvenirs, elle les a conservés comme son trésor depuis des années. Consciente de sa santé fragile, elle a décidé de me les donner pour que je les expose dans ma galerie”, explique-t-il.

Avec ses efforts, M. Thang contribue au rayonnement de cet art traditionnel classé au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.

Le +quan ho+ a retrouvé ses lettres de noblesse. Plus qu’un chant, c’est le mode de vie typique de la région du Kinh Bac d’antan dont notre province de Bac Ninh constitue le noyau. Grâce aux efforts inlassables de toute la communauté du +quan ho+, des chercheurs, des collectionneurs et des artistes, la population prend de plus en plus conscience des valeurs de ce patrimoine culturel”, conclut M. Thang.

CVN/NDEL