Après l’échec d’un projet d’élevage de poulets noirs, il s’est tourné vers le développement du tourisme communautaire, transformant son village en une destination attrayante.
Le parcours entrepreneurial de A La ne se limite pas à créer des emplois pour ses concitoyens.
Il contribue également à préserver et à diffuser l’identité culturelle Hmong, démontrant la force de la volonté et du savoir des jeunes montagnards.
Trouver une nouvelle voie grâce au tourisme
En nous conduisant à travers A La Homestay et dans le verger de la coopérative de services et d’agriculture de Hang Kia, Giàng A La raconte qu’en 2018, après avoir obtenu son diplôme du Collège des arts du Nord-Ouest, il décida de revenir au pays natal avec le rêve d’enrichir sa communauté sur sa propre terre natale.
Né et grandi dans une région montagneuse encore marquée par la pauvreté, il connaissait mieux que quiconque la dureté de la vie de ses parents et des habitants.
Au départ, il choisit l’élevage de poulets noirs, une race locale prisée des H'Mong, réputée pour ses vertus médicinales. Son capital initial se limitait à un million de dôngs, prix remis par son école en tant que major de promotion. Avec cette modeste somme, A La construisit un petit poulailler, apprenant par lui-même les techniques d’élevage.
Mais la route de l’entrepreneuriat s’avéra semée d’embûches : climat rigoureux, maladies, manque de savoir-faire firent périr ses volailles.
Pendant six ans, il persista, engloutissant ses économies sans parvenir à dégager de bénéfices. L’échec à répétition ne le découragea pourtant pas.
Il y vit au contraire une leçon fondatrice : « Repartir de zéro m’a fait comprendre qu’il fallait d’abord acquérir des connaissances », confie-t-il.

Durant ces années de labeur, il fut régulièrement sollicité par des groupes de touristes pour jouer le rôle de guide, animer des spectacles ou préparer des repas.
C’est ainsi qu’il prit conscience du formidable potentiel de sa région : paysages intacts, culture Hmong unique, hospitalité des habitants. Une idée audacieuse naquit alors : abandonner l’élevage pour se lancer dans le tourisme communautaire associé à l’agriculture.
Sans capital, il emprunta à ses proches et amis, 5 à 10 millions chacun, rassemblant ainsi 100 millions de dôngs, premier investissement pour son homestay.
Contrairement à d’autres qui construisaient des maisons sur pilotis en béton imitant l’ancien, A La choisit de restaurer les demeures traditionnelles HMong, en les rendant simplement propres, ordonnées et équipées en électricité. Cette authenticité séduisit les visiteurs, qui y virent une expérience véritable.
Il ne cache pas les difficultés rencontrées : « Arrivé après la vague des homestay, il fallait que je trouve ma singularité. Chaque fois que je disposais de 10 millions, j’investissais 10 millions, puis 20 millions pour rénover progressivement. En un an, je pouvais réinjecter 100 à 200 millions de dongs. »
Le tournant qui transforme Hang Kia
En 2020, Giang A La et quelques jeunes décidèrent de créer la Coopérative de tourisme et d’agriculture de Hang Kia, première initiative de ce type à Mai Chau, alliant tourisme communautaire et valorisation des produits locaux.
Ce projet audacieux obtint rapidement le soutien des autorités locales, car il ouvrait une voie durable : développement économique et préservation culturelle.

« Le plus grand investissement, c’est dans l’humain, dans le savoir et dans la gestion. Le paysage et le village, eux, sont déjà là », souligne A La.
Grâce à cette philosophie, la coopérative attira rapidement de nombreux jeunes désireux de contribuer au développement collectif.
La coopérative naquit juste avant l’épidémie de Covid-19. Malgré la chute du nombre de visiteurs, l’activité put être maintenue.
Durant ces trois années de pandémie, A La ne s’arrêta pas. Il profita de ce temps « ralenti » pour suivre des formations, renforcer ses compétences en gestion et en promotion.
Aujourd’hui, à Hang Kia, les visiteurs peuvent séjourner dans des maisons en bambou ou en bois traditionnelles et partager la vie quotidienne des Hmong : préparer le bánh dày (gâteau de riz gluant pilé), découvrir la coutume du « mariage par enlèvement », savourer la cuisine locale – poulet noir, porc de montagne, alcool de maïs fermenté.
« Les touristes viennent chercher l’authenticité Hmong, pas une version dénaturée. Nous préservons notre culture, nos maisons, nos costumes, notre mode de vie. C’est cela qui séduit les visiteurs », affirme-t-il.
Au-delà des expériences offertes, la coopérative crée aussi des emplois. Produits agricoles, brocarts et spécialités locales trouvent leur place auprès des touristes, générant des revenus supplémentaires.
Les femmes, autrefois cantonnées aux champs, peuvent désormais travailler dans le tourisme et l’artisanat. Les jeunes, au lieu d’émigrer, choisissent de rester au village pour contribuer au développement local.
Le parcours de Giang A La dépasse la réussite personnelle : il incarne la transformation d’une terre autrefois stigmatisée comme « zone à problèmes ».
De l’échec de l’élevage à l’aventure touristique, il a su trouver une voie en s’appuyant sur l’identité culturelle de son peuple.

Cette histoire illustre l’esprit du Programme national cible pour le développement des minorités ethniques et des zones montagneuses : encourager les jeunes issus des ethnies minoritaires à entreprendre, à développer l’économie locale, à préserver leur culture, et à sortir durablement de la pauvreté.
Aujourd’hui, le nom de Hang Kia évoque un paisible village hmong, réputé pour ses homestay authentiques, où les visiteurs se laissent envoûter par les paysages de montagne, la culture singulière et l’histoire inspirante d’un jeune qui a osé rêver et agir.
« Mon plus grand souhait est d’offrir aux jeunes un environnement où apprendre et travailler, afin qu’ils n’aient pas à quitter leur terre. S’enrichir dignement chez soi, voilà le vrai bonheur », confie A La.
Hang Kia et Pa Con ne sont plus synonymes de fléaux sociaux, mais deux villages touristiques renommés de Mai Chau, intégrés dans les circuits de découverte du Nord-Ouest. Les visiteurs viennent admirer les fleurs de prunier et de pêcher, flâner au marché, se laisser emporter par les sons du khèn et les danses H'Mong.
Et à chaque pas, ils ressentent une vitalité nouvelle : celle d’une communauté unie, qui sait valoriser ses atouts locaux et préserver son identité pour bâtir une prospérité durable.