Une nouveau costume pour l’incontournable Kiêu de Nguyên Du

Nhân Dân en ligne - Kiêu, le célébrissime roman en vers de Nguyên Du (1765-1820), a inspiré des générations d’artistes vietnamiens. Ce roman-poème est un chef d’œuvre national et son auteur a été reconnu par l’UNESCO* en tant que personnalité culturelle du monde. Le Théâtre dramatique du Vietnam vient quant à lui de donner une nouvelle adaptation de Kiêu, qui a été jouée à guichet fermé durant les sept premières soirées.

Photos : VOV.
Photos : VOV.

Le Kiêu a été adapté plusieurs fois, en des formes de théâtre traditionnel telles le « chèo » ou le « cai luong », mais aussi en théâtre corporel et en opéra. Avec le Théâtre dramatique du Vietnam, cette œuvre revêt pour la première fois la forme d’une comédie musicale, disons plutôt d’une tragédie musicale, puisque la vie de Kiêu, l’héroïne de la pièce, et des personnes qui l’entourent nous conduit plutôt dans le registre de la tragédie que de la comédie. Ngô Quang Nang, un spectateur : « Je suis vraiment heureux d’avoir pu voir cette pièce empreinte d’humanité et de courage, des qualités souvent attribuées aux Vietnamiens. Je suis particulièrement marqué par la scène où Tu Hai, le chef des rebelles, meurt debout. Elle témoigne du combat sans merci entre d’un côté, des hommes épris de liberté et de l’autre, une cour qui n’a plus le respect du peuple. »

L’artiste du peuple Lan Huong joue le rôle de la femme du vendeur de soie, qui a proféré les mensonges à cause desquels la famille de Kiêu est tombée dans la tourmente. Son père et son frère ont été arrêtés et torturés et Kiêu doit se vendre pour obtenir leur liberté. Dans le roman en vers de Nguyên Du, le vendeur de soie n’apparaît qu’une seule fois, et sa femme n’existe pas. Ce personnage a donc été créé exclusivement pour la pièce du Théâtre dramatique, comme nous l’explique Lan Huong : « La majorité des Vietnamiens connaissent le Kiêu dont plusieurs des personnages sont devenus typiques tels que So Khanh, Tu Ba, Thuc Sinh ou Hoan Thu… Ce que nous avons cherché à faire, ce n’est pas de raconter cette histoire telle qu’elle a été racontée par Nguyên Du, mais de proposer une autre version avec d’autres messages. »

Dans l’œuvre de Nguyên Du et aux yeux de ses lecteurs, Kiêu est l’archétype de la femme orientale déconsidérée et résignée dans la société féodale. Mais Kiêu, dans cette nouvelle adaptation, nous présente d’autres facettes, comme le dit très bien Diêm Huong, qui incarne le personnage : « Les spectateurs seront surpris de voir que notre Kiêu n’est pas une fille simple qui accepte son sort sans se révolter. Au contraire, elle se bat avec force même si finalement elle ne pourra pas s’en sortir.»

Mais il n’y a pas que malheurs et souffrances dans cette tragédie musicale, ses créateurs rendant aussi hommage à la beauté féminine, aux talents divers des personnages, à la piété familiale, à la fidélité, à l’héroïsme… Le décor est simple, avec comme relief des fleurs de lotus, faisant allusion à la vie humaine qui éclot et s’épanouit avant de se faner. Des danses anciennes sont introduites dans la pièce et les vers qui ont marqué des générations de Vietnamiens sont récités sous formes de dialogues, de déclamations poétiques ou de chants mélodieux. Le metteur en scène, l’artiste du peuple Anh Tu : « Nous avons tenu à respecter l’idée de l’œuvre originale de Nguyên Du, dans laquelle la belle et talentueuse Kiêu a eu un destin tragique. Mais ce que j’aime le plus dans cette œuvre, c’est la prévisibilité des événements. Lorsque l’argent et le pouvoir malsain dominent la société, ça bouleverse beaucoup de choses, dont les valeurs morales. »

Vieux de 200 ans, le chef d’œuvre de Nguyên Du enfile aujourd’hui un nouveau costume, celui d’une grande pièce de théâtre contemporain.