Une immense manifestation rassemblant plus d’un million de personnes partit de la cathédrale Notre-Dame et défila dans les rues Catinat, Belgique, Kitchener… avant de se masser devant l’Hôtel de Ville, désigné comme siège du Comité administratif provisoire du Sud. Du balcon du bâtiment, le représentant du Viet Minh (Front de l'Indépendance du Vietnam) du Sud lut la liste des membres de ce comité, sous les acclamations vibrantes de la foule.
Tran Van Giau, secrétaire du Comité régional du Nam Ky, prit la parole au nom de l’organisation pour appeler le peuple à soutenir et à protéger la révolution. Dans cette atmosphère solennelle, un représentant de la Fédération générale du Travail du Sud lut l’engagement de la classe ouvrière, des travailleurs et de l’ensemble des paysans à rester unis pour défendre coûte que coûte le pouvoir révolutionnaire.
L’insurrection de Saïgon fut une éclatante victoire.
Cette victoire revêtit une importance majeure dans l’insurrection générale d’août 1945. Elle résonna comme une explosion qui ébranla les campagnes du Sud, plongeant dans la panique l’administration ennemie dans quinze provinces qui n’avaient pas encore pris les armes. Le soulèvement dans la capitale du Sud galvanisa la population tout entière, servant de « coup de semonce » pour que les localités du Nam Bo se lèvent à leur tour, s’emparent du pouvoir à temps et sans effusion de sang.

Si l’insurrection de Hanoï inaugura et décida du succès de l’insurrection générale à l’échelle nationale, celle de Saïgon détermina la victoire dans le Sud, contribuant ainsi au triomphe éclatant de la Révolution d’Août 1945.
Le succès de l’insurrection à Saïgon marqua la fin du régime fasciste et collaborationniste dans notre pays, tout en créant les conditions nécessaires pour préparer la défense des acquis révolutionnaires face aux visées et aux manœuvres d’agression de la France coloniale et des autres puissances impérialistes.
Presque simultanément à Saïgon, les populations des provinces du Sud, Cho Lon, Gia Dinh, Soc Trang, Long Xuyen, Vinh Long, Ba Ria, Thu Dau Mot, Tra Vinh, Tay Ninh, Ben Tre, Sa Dec, se soulevèrent et prirent le pouvoir victorieusement le 25 août. Le tourbillon révolutionnaire qui embrasa le Nam Bo balaya l’administration collaborationniste dans la quasi-totalité des provinces méridionales, écrivant ainsi une page glorieuse dans l’histoire des luttes révolutionnaires de cette terre héroïque.
Parallèlement au peuple du Sud, les habitants des provinces de Lang Son, Phu Tho, Kon Tum et Binh Thuan abattirent le pouvoir ennemi dans les chefs-lieux provinciaux et instaurèrent le gouvernement révolutionnaire du peuple.

Parmi les quinze provinces insurgées le 25 août (hors Saïgon), cinq lancèrent leur mouvement depuis les districts et communes avant de s’étendre au chef-lieu : Cho Lon, Long Xuyen, Thu Dau Mot, Phu Tho et Lang Son. Quatre provinces déclenchèrent l’insurrection depuis la capitale provinciale vers les districts : Sa Dec, Vinh Long, Soc Trang et Binh Thuan. Six provinces virent éclater le soulèvement simultanément en zones rurales et urbaines : Tra Vinh, Ben Tre, Gia Dinh, Ba Ria, Tay Ninh et Kon Tum.
Dix provinces, Cho Lon, Gia Dinh, Vinh Long, Thu Dau Mot, Tra Vinh, Tay Ninh, Ben Tre, Sa Dec, Lang Son, Phu Tho, menèrent leur insurrection grâce à une étroite combinaison entre forces politiques et forces armées, ces dernières jouant le rôle de fer de lance tandis que les forces politiques assuraient la direction principale. À Kon Tum et Soc Trang, la prise du pouvoir provincial s’effectua principalement par des manifestations de masse, meetings révolutionnaires et proclamations abolissant l’autorité ennemie.
Trois provinces,Long Xuyen, Ba Ria et Binh Thuan, obtinrent le pouvoir par voie de négociation et de transfert. À Ba Ria, le gouverneur provincial s’enfuit avant même le déclenchement du soulèvement.
Dans la plupart des provinces, le pouvoir ennemi fut renversé avant la proclamation du gouvernement révolutionnaire, à l’exception de Soc Trang où les masses proclamèrent d’abord le nouveau gouvernement avant de s’emparer des bureaux administratifs de l’ennemi. Hormis Tay Ninh et Binh Thuan, où l’insurrection s’appuya uniquement sur les forces locales, toutes les provinces insurgées le 25 août mobilisèrent les troupes depuis les districts et communes pour converger vers les chefs-lieux et y prendre le pouvoir.
La diversité des méthodes et des modalités de soulèvement témoigna de la créativité et de l’initiative du Parti et du peuple dans chaque localité, dans le cadre de l’insurrection générale d’août 1945.
Le même jour, le Président Ho Chi Minh quitta Tan Trao pour regagner Hanoï, afin de poursuivre la direction de la prise du pouvoir en plein essor dans tout le pays et de préparer en urgence la proclamation de la République démocratique du Vietnam.