Ambassadeurs du durable : une nouvelle génération de guides touristiques

Face aux dérèglements climatiques qui frappent le Vietnam de plus en plus durement, le tourisme durable est devenu une orientation incontournable.

Les intervenants de la table-ronde. Photo : Département de français - Université de Hanoi.
Les intervenants de la table-ronde. Photo : Département de français - Université de Hanoi.

Un plateau garni de dix plats vietnamiens, servis sur des feuilles de bananier… Le guide francophone ne se contente pas de nommer les ingrédients. Il explique d’où viennent les légumes, pourquoi ce choix écologique permet d’économiser l’eau de vaisselle, et comment cette visite permet à la famille qui cuisine de payer la scolarité de ses enfants. Voilà le nouveau visage du tourisme au Vietnam...

La question n'est plus de savoir s'il faut changer de modèle, mais comment le faire. Un bon guide touristique aujourd'hui, ce n'est pas seulement quelqu'un qui connaît les dates historiques et les monuments. C'est aussi un conteur capable de raconter les impacts sociaux et environnementaux d'un simple repas.

Cette transformation du métier de guide est au cœur d’un projet de l’Organisation internationale de la Francophonie et de l’Université de Hanoi.

Depuis août 2025, plus de 500 étudiants ont été formés au tourisme durable. Et ce vendredi 10 octobre à l’Université de Hanoi, 250 d’entre eux ont participé à une table ronde. Sur scène: agences touristiques, artisans et experts. Tous portent le même message, que Vu Huong Giang, directrice des opérations chez Easia Travel, nous résume parfaitement…

« Vous êtes le lien entre les touristes et la vie locale. Il faut être le conteur, car les agriculteurs sont timides. On vous appelle des ambassadeurs du développement durable », lance-t-elle à son auditoire.

Mais concrètement, c’est quoi, être conteur? Prenons l’exemple d’un déjeuner chez un habitant à Mai Châu ou dans le delta du Mékong. Le guide détaille l’origine des ingrédients.

Il explique pourquoi les plats dans le repas sont présentés sur des feuilles plutôt que sur de la vaisselle. Et surtout, il quantifie l’impact social de cette visite.

« Prenons ce repas: dix plats, 100% de produits locaux. Vous expliquez aux touristes que leur visite crée des emplois. Chaque repas comme celui-ci améliore les revenus des agriculteurs. Grâce au tourisme, leurs enfants peuvent aller à l’école », suggère Vu Huong Giang.

Ces guides d’un genre nouveau amènent volontiers les visiteurs chez des artisans comme Phan Thi Thuân. Dans son atelier de My Duc, près de Hanoï, cette dernière a révolutionné la sériciculture traditionnelle.

Au lieu de tuer les vers dans leur cocon, elle les fait tisser sur des cadres en bois, puis les libère vivants.

Elle est aussi la première au Vietnam à produire de la soie de lotus, extraite des tiges de la plante.

Une économie circulaire qui fascine les visiteurs étrangers. Il faut dire que pour perpétuer ce savoir-faire unique, elle mise sur la jeunesse.

«Je suis très impressionnée par ces jeunes. Ils sont intelligents, rapides, à l’affût des nouvelles technologies. Ils savent créer, innover. C’est grâce à eux que notre métier pourra se développer», nous confie-t-elle.

L'artisane Phan Thi Thuân partage son métier de tissage. Photo: Département de français - Université de Hanoi

L'artisane Phan Thi Thuân partage son métier de tissage. Photo: Département de français - Université de Hanoi

Pour former ces futurs interprètes du patrimoine, le projet ne se limite pas aux salles de classe. Nguyên Yên Nhi, la directrice adjointe du Département de français de l’Université de Hanoï, insiste sur l’immersion terrain.

« Les étudiants ont visité des centres d’artisanat dans tout le pays: tissage de soie, brocart, chapeaux coniques, sculpture. Après ces visites, ils ont créé des supports de communication et réalisé des vidéos de qualité sur le tourisme durable », nous dit-elle.

Mais entre la salle de classe et la réalité du terrain, il y a parfois un fossé. Thuy Trang, étudiante en dernière année de l’Université de Hanoi, a participé à une excursion à Ban Sung, dans la province de Phu Tho. Son constat est aussi lucide qu’implacable...

« En théorie, le tourisme durable est très bon, mais en pratique, c’est difficile. La population locale veut se développer économiquement. Mais les entreprises ne veulent pas qu’elle perde son identité.

Par exemple, une maison traditionnelle sur pilotis coûte deux à trois milliards de dôngs, contre trois à cinq cents millions pour du ciment.

Le gouvernement devrait aider les gens à acheter du bois à un meilleur prix, pour que le tourisme se développe durablement selon les goûts des touristes », nous fait-elle observer.

Malgré ces défis, les opportunités sont réelles. Nguyên Van Toàn, co-modérateur de la table ronde et enseignant au Département de français, insiste sur une connaissance approfondie du contexte vietnamien.

« Le Vietnam est un pays agricole avec des communautés très diversifiées. Le tourisme communautaire est au cœur du tourisme durable vietnamien. Chaque localité possède sa propre identité, ses spécialités. Tout cela, c’est une richesse extraordinaire pour développer le tourisme », fait-il remarquer.

Cette double compétence - maîtrise du français et connaissance du tourisme durable - ouvre des perspectives prometteuses, mais exige un engagement total. Vu Van Tuyên, directeur de Travelogy, s’adresse directement aux étudiants.

« Soyez enthousiastes et croyez en votre réussite. La langue, c’est un outil, mais il faut aussi connaître le tourisme en profondeur. Devenez des acteurs du tourisme durable, respectueux de l’environnement et de la société », leur recommande-t-il.

Les étudiants participants à la table-ronde. Photo : Département de français - Université de Hanoi.

Les étudiants participants à la table-ronde. Photo : Département de français - Université de Hanoi.

Le 12 novembre prochain, l’Université de Hanoï organisera un Forum de l’emploi dédié au tourisme durable.

Les entreprises présentes ce vendredi ont déjà fait part de leurs besoins en personnel.

Pour ces jeunes francophones formés aux enjeux de la durabilité, l’opportunité est réelle. Reste à saisir ce rôle d’ambassadeur qui redéfinit le voyage : non plus consommer une destination, mais tisser des liens entre cultures, générer des revenus équitables et préserver un patrimoine fragile...

VOV/NDEL
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