Un journaliste du journal Nhan Dan a interviewé à ce sujet le professeur associé et docteur Nguyen Ngoc Son, de l’Université nationale d’économie.

Journaliste : Bonjour Professeur. Parmi les rapports de recherche publiés par l’Université nationale d’économie à la fin du deuxième trimestre 2025, figure un sujet particulièrement d’actualité : la réforme institutionnelle pour stimuler la croissance économique du pays. Quelles sont les principales conclusions de ce rapport ?
Professeur associé et docteur Nguyen Ngoc Son : Dans notre étude intitulée Améliorer la qualité des institutions pour stimuler une croissance économique à deux chiffres au Vietnam à l’ère de l’essor, nous avons appliqué l’approche de la Banque mondiale relative à l’indice de gouvernance mondiale pour évaluer l’état actuel de la qualité institutionnelle du Vietnam et le comparer à celui d’autres pays. Nous proposons ensuite des solutions pour l’améliorer.
Les recherches montrent que, pour la plupart des pays, l’objectif prioritaire pour atteindre le statut de pays développé est de stimuler la croissance économique et d’assurer un niveau de vie décent à la population. Les écarts institutionnels entre nations entraînent des différences marquées en matière de productivité, d’accumulation de capital, de niveau d’éducation et, par conséquent, de richesse et de prospérité.
En identifiant les principaux freins à la croissance et les solutions décisives, le gouvernement vietnamien a affirmé que l’amélioration de la qualité de la gouvernance institutionnelle constitue l’un des trois piliers de sa stratégie politique, en vue d’atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2035.
Ces éléments soulignent clairement, tant sur le plan théorique que pratique, l’importance de la qualité de la gouvernance institutionnelle pour la croissance économique et le développement socio-économique du Vietnam. La réforme institutionnelle sera ainsi une priorité majeure jusqu’en 2030, avec une vision à l’horizon 2045.
Journaliste : Comment évaluez-vous la qualité institutionnelle du Vietnam durant la récente phase de renouvellement du modèle de croissance économique ?
Professeur associé et docteur Nguyen Ngoc Son : Globalement, la qualité institutionnelle du Vietnam s’est nettement améliorée entre 2014 et 2023, notamment en matière d’efficacité de la gestion publique, de qualité réglementaire et d’État de droit.
Ces résultats sont le fruit des efforts de réforme institutionnelle engagés ces dernières années, en particulier le renouvellement du modèle de croissance. Toutefois, par rapport aux autres pays d’Asie du Sud-Est, un écart important persiste avec les leaders comme Singapour et la Malaisie.
La réforme et l’ouverture économique, entamées il y a près de quatre décennies, ont marqué le passage d’une économie planifiée à une économie de marché, reposant sur des institutions plus inclusives. Ces changements ont joué un rôle décisif dans la réduction de la pauvreté et permis à l’économie d’enregistrer une croissance soutenue, faisant du Vietnam un pays à revenu intermédiaire.
Cependant, depuis la crise de 2009 et l’impact de la pandémie de Covid-19, la croissance s’est ralentie. Les signes du piège du revenu intermédiaire se multiplient : faible productivité du travail, retard croissant par rapport aux économies concurrentes, transition structurelle lente, compétitivité stagnante…
La réalité montre que les effets des anciennes réformes sont arrivés à saturation. Il est donc impératif de créer un puissant moteur de réforme institutionnelle pour maintenir la trajectoire de croissance et atteindre, comme fixé par le XIIIᵉ Congrès du Parti, le statut de pays à revenu élevé d’ici 2045.
La première des trois percées stratégiques
Journaliste : Face à ce constat, quelles solutions proposez-vous pour améliorer la qualité des institutions et stimuler la croissance ?
Professeur associé et docteur Nguyen Ngoc Son : Pour atteindre une croissance à deux chiffres à l’ère de l’essor, il faut avant tout mettre en œuvre la politique du Parti qui considère l’achèvement du système institutionnel de développement comme la première des trois percées stratégiques. Cela implique de parachever l’économie de marché et de considérer l’investissement institutionnel comme un investissement pour le développement.
Pour mobiliser pleinement l’intelligence collective et éviter les doublons, le modèle institutionnel vietnamien devrait clairement distinguer deux fonctions : les décisions politiques, relevant du Parti, et les questions techniques, confiées à l’État de droit.
Lever les blocages institutionnels pour entrer dans la nouvelle ère
Nous considérons les institutions comme le principal goulot d’étranglement, et nous pensons que ce blocage réside aussi dans l’exécution. Or, celle-ci repose sur trois piliers essentiels : des institutions solides, un État fort pour les mettre en œuvre et une adhésion ferme à l’économie de marché.
Il est également nécessaire de renouveler plus profondément la pensée dans l’élaboration et l’application des lois, en clarifiant les responsabilités de chaque acteur du processus législatif, en évaluant rigoureusement les résultats de l’institutionnalisation des politiques du Parti et en recueillant les avis des personnes directement concernées.
Par ailleurs, il faut améliorer la qualité des fonctionnaires à tous les niveaux, rationaliser davantage l’appareil administratif et renforcer la responsabilité ainsi que la voix des institutions.
Journaliste : Parmi ces mesures, quelles sont les priorités ?
Professeur associé et docteur Nguyen Ngoc Son : La priorité absolue est de renforcer la capacité de l’État à coordonner et à gérer efficacement une économie de plus en plus complexe, à la fois sur le plan national et international.
Ensuite vient la nécessité d’une gouvernance publique adaptative et flexible, caractéristique essentielle du Vietnam et du monde à venir. Pour développer les ressources internes, l’économie privée doit véritablement devenir le principal moteur de croissance. De plus, il faut assurer une cohérence entre la capacité de l’appareil, les institutions et le rythme des réformes.
Les institutions jouent un rôle déterminant dans la promotion de la croissance économique. Le système institutionnel doit garantir les droits de propriété, l’efficacité administrative, la responsabilité publique ; créer un secteur public performant ; et jeter les bases d’un Vietnam numérique, durablement développé, intégré à l’économie mondiale et prêt pour la quatrième révolution industrielle.
Pour que l’économie vietnamienne se développe de manière durable, en phase avec les tendances mondiales, la tâche prioritaire de l’État est de réformer les institutions, de bâtir un système de gouvernance capable d’élaborer des politiques répondant aux exigences d’un renouvellement fondamental et global, au service des entreprises comme des citoyens, dans le processus d’industrialisation, de modernisation et d’intégration internationale.
Journaliste : Merci beaucoup, Professeur.