Cette orientation soulève une question centrale : que doit poursuivre le Vietnam pour renforcer sa capacité d’auto-résilience nationale et avancer vers une autonomie stratégique de plus en plus substantielle dans la nouvelle ère ?
L’« autonomie stratégique » renvoie au niveau d’autonomie le plus élevé, reflétant la capacité à définir soi-même une stratégie, à prendre et à mettre en œuvre des décisions majeures de manière indépendante, y compris sous pression extérieure, afin de garantir les intérêts nationaux. Poursuivre cet objectif ne signifie pas s’isoler, mais consolider les capacités internes, gérer efficacement les interconnexions, élargir la marge de manœuvre et maintenir la capacité d’autodétermination en toutes circonstances.
Rayonnement dans les relations extérieures
Depuis la fin de l’année 2024, le Vietnam a intensifié ses activités diplomatiques pour élargir son espace stratégique et approfondir son réseau de partenaires. Les délégations dirigeantes de haut niveau ont multiplié les visites en Asie du Sud, au Moyen-Orient, en Océanie, en Europe, tout en accueillant de nombreuses délégations de grands pays.
Plusieurs relations bilatérales ont été portées au niveau de partenariat stratégique intégral, notamment avec la Nouvelle-Zélande, la Thaïlande, l’Indonésie et le Royaume-Uni ; de nouveaux cadres de coopération ont été promus avec l’UE, l’Australie et les pays du Golfe. Le Vietnam maintient un équilibre dans ses relations avec les grandes puissances, comme en témoigne sa participation au Sommet BRICS 2025 en qualité de partenaire officiel et sa présence au Sommet de l’OCS en tant qu’invité.
Sur le terrain multilatéral, le Vietnam continue d’affirmer un rôle actif et constructif. Les deux éditions du Forum de l’Avenir de l’ASEAN (AFF) en 2024 et 2025 ont contribué à jeter les bases d’un mécanisme annuel de dialogue stratégique, favorisant une voix collective et une vision à long terme pour la région. Le Vietnam a été réélu au Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour le mandat 2026-2028, a présidé la cérémonie d’ouverture à la signature de la Convention des Nations unies sur la prévention et la lutte contre la cybercriminalité (Convention de Hanoï), et assumera la présidence de la Conférence d’examen du TNP en 2026, renforçant ainsi son espace stratégique et son rôle dans l’élaboration de cadres de coopération multiformes.
Dans les domaines de la défense et de la sécurité, le Vietnam diversifie ses partenaires et intensifie une coopération concrète avec l’Inde, Israël et les États-Unis dans la défense côtière, la cybersécurité et la formation aux opérations de maintien de la paix. En parallèle, le pays préserve le dialogue de défense et la coopération technique avec la Russie dans un esprit de respect mutuel et de bénéfice à long terme.
Dans les secteurs de la technologie et de l’innovation, le Vietnam renforce les bases de son autonomie à travers des programmes sur l’IA, les semi-conducteurs et les infrastructures numériques ; il met en œuvre le projet ViGen avec le NIC, Meta et plusieurs groupes internationaux. Le pays saisit l’évolution des chaînes d’approvisionnement et se positionne comme un centre d’assemblage et de conception de haute technologie.
Dans l’énergie et le climat, le Vietnam a achevé le Plan de mobilisation des ressources pour le JETP, obtenu de nombreux engagements de financement européens et asiatiques et élargi son portefeuille de projets de transition verte. La diplomatie spécialisée poursuit un rôle notable dans la science-technologie, le climat, la sécurité alimentaire et le développement des ressources humaines, contribuant à étendre l’espace d’autonomie socio-économique. Ces résultats montrent que le Vietnam concrétise progressivement « l’autonomie stratégique » par un ensemble d’actions structurées et multiniveaux.
Vers une nouvelle ère
Pour rapprocher l’objectif d’« autonomie stratégique », le Vietnam doit définir des priorités ciblées et éviter une dispersion des ressources. Les secteurs fondamentaux, tels que les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle, la cybersécurité et les infrastructures numériques, méritent d’être privilégiés, car ils génèrent une dynamique de croissance tout en renforçant la capacité d’adaptation dans un environnement de compétition stratégique en rapide évolution.
Dans les relations extérieures, il reste nécessaire d’élargir et d’approfondir la coopération avec les partenaires partageant une vision stratégique convergente. Une approche prudente s’impose toutefois dans les domaines sensibles, tels que les données, les technologies de base ou les secteurs ayant un impact durable sur l’orientation du développement, afin de renforcer l’interpénétration des intérêts sans compromettre la capacité d’autodétermination dans les questions essentielles.
Au niveau institutionnel, il importe d’adopter une approche cohérente de gouvernance stratégique, garantissant que chaque décision majeure, du choix des partenaires au modèle de développement, soit évaluée au regard de l’objectif d’autonomie stratégique. La mise en place d’un mécanisme d’examen périodique pour apprécier les niveaux de dépendance, les risques et la capacité d’adaptation du système constitue également une voie nécessaire.
L’esprit d’« autonomie stratégique » doit se diffuser davantage dans l’éducation, la science, les médias et le développement des ressources humaines, des domaines ayant un impact direct sur la capacité à définir des politiques autonomes à long terme. La préparation d’une génération dotée d’une vision de long terme, d’une compréhension multidimensionnelle et de compétences suffisantes pour naviguer dans un environnement interdépendant sera un socle essentiel pour maintenir l’autonomie dans un contexte régional et mondial toujours imprévisible.