Le Vietnam doit mettre sur la jeunesse pour bâtir son avenir footballistique. Photo : tuoitre.
Le Vietnam doit mettre sur la jeunesse pour bâtir son avenir footballistique. Photo : tuoitre.

Construire les fondations du football vietnamien : parier sur la jeunesse pour rêver plus grand

De nombreux experts s’accordent à dire que s’ouvrir aux ressources extérieures, qu’il s’agisse de joueurs d’origine vietnamienne ou de naturalisés, est une orientation du football moderne, mais ne doit pas être l’axe principal.

Le titre remporté à l’AFF Cup 2024 avait ravivé l’espoir pour le football vietnamien après le déclin de la « génération dorée », mais la lourde défaite face à la Malaisie lors du troisième tour des qualifications à la Coupe d’Asie 2027 a brutalement ramené tout le monde à la réalité.

Il s’agit là d’un sérieux signal d’alarme pour l’équipe nationale vietnamienne, qui permet aussi de mieux évaluer sa position au sein du football régional.

La « naturalisation », une solution nécessaire, mais pas suffisante

Depuis sa prise de fonction à la tête de la sélection vietnamienne, notamment pendant les qualifications pour la Coupe d’Asie 2027, l’entraîneur Kim Sang Sik et son staff se sont longuement penchés sur la question des effectifs : faut-il miser sur les ressources locales actuelles ou renforcer la force de l’équipe avec des joueurs naturalisés, à l’instar des politiques activement menées par l’Indonésie, les Philippines ou la Malaisie ?

Plus récemment, l'Indonésie est devenue la première équipe d’Asie du Sud-Est à remporter le troisième tour de qualification asiatiques pour la Coupe du monde 2026. Elle est l'équipe ayant le plus progressé dans la région, décrochant trois victoires lors de ce tour de qualification.

Auparavant, elle avait également atteint les demi-finales du championnat U23 d’Asie 2024 et avait failli se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris 2024…

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La victoire de l'équipe nationale vietnamienne à l'AFF Cup 2024. Photo : Tuoitre.

Malgré de nombreuses critiques et controverses, il faut reconnaître que les performances de l’Indonésie résultent directement de sa politique de naturalisation, qui a permis un renouvellement rapide de son effectif.

L’équipe compte aujourd’hui un vivier de joueurs évoluant dans de grands clubs européens, certains affichant des valeurs de transfert de plusieurs millions de dollars.

Avant cela, les Philippines et la Malaisie avaient également surpris l’Asie du Sud-Est en naturalisant massivement des joueurs étrangers. À l’heure actuelle, l’effectif philippin comprend une dizaine de joueurs naturalisés, tandis que, pour le match contre le Vietnam lors des qualifications à la Coupe du monde 2027, la sélection malaisienne comptait entre 17 et 18 joueurs naturalisés.

On constate ainsi que cette politique n’est pas propre à l’Asie du Sud-Est : de nombreuses fédérations à travers le monde ont eu recours à des joueurs naturalisés, qui ont contribué de manière significative aux performances de leurs équipes lors de Coupes du monde ou d’EURO.

Pour les équipes de football d'Asie du Sud-Est, les joueurs naturalisés permettent de compenser certaines limitations physiques, athlétiques et de vitesse.

Du côté du Vietnam, la question n’est plus uniquement tactique ou stylistique : c’est désormais un enjeu stratégique, à long terme. Le football vietnamien doit-il suivre la voie de la naturalisation, à l’image de l’Indonésie ou de la Malaisie ?

Selon Phan Anh Tu, ancien secrétaire général de la Fédération de football de Hanoi : « La naturalisation des joueurs est une tendance inévitable dans le contexte de la mondialisation du football. L’ignorer, c’est se priver d’un avantage concurrentiel. »

Cela montre que le recours aux joueurs naturalisés peut être une solution temporaire pour combler un déficit de qualité dans l’effectif local.

Ces renforts permettent d’améliorer la compétitivité de l’équipe, de renforcer l’expertise et de transformer profondément le style de l’équipe. Toutefois, cela constitue une condition nécessaire, mais insuffisante.

Le Vietnam a déjà fait appel à des joueurs d’origine vietnamienne évoluant à l’étranger, comme les gardiens Dang Van Lam ou Nguyen Filip, qui ont connu du succès en équipe nationale.

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Le joueur Nguyen Xuan Son sous les couleurs de l’équipe du Vietnam lors de l’AFF Cup 2024. Photo : TNO.

D’autres joueurs naturalisés ont été convoqués par le passé, sans réussir à s’imposer ou à être utilisés dans les matches officiels. Ce n’est que récemment que le joueur naturalisé Nguyen Xuan Son (aussi appelé Rafaelson), d’origine brésilienne, a véritablement démontré l’efficacité de cette politique.

L’attaquant né en 1997 a largement contribué à la victoire du Vietnam à l’AFF Cup 2024, avec 5 buts en 5 matches, ce qui lui a valu d’être élu meilleur joueur du tournoi.

Cependant, son absence pour cause de blessure lors du match contre la Malaisie a laissé l’équipe totalement démunie. Sans meneur offensif, le jeu collectif est devenu décousu, inefficace, et a été complètement dominé par l'adversaire.

Valoriser les ressources internes pour un développement durable

Selon Tran Quoc Tuan, président de la Fédération vietnamienne de football, au lieu d’attendre ou de dépendre des joueurs naturalisés, le Vietnam doit construire ses fondations sur ses propres efforts. On ne peut bâtir une maison en commençant par le toit, en ne comptant que sur les retours des joueurs Viet kieu ou les naturalisations.

Une dépendance excessive à la naturalisation pourrait compromettre l’avenir du football national au profit de résultats à court terme.

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Des apprentis footballeurs s’entraînent au Centre de formation de football pour jeunes PVF à Hung Yen. Photo : baonghean.

De nombreux experts s’accordent à dire que s’ouvrir aux ressources extérieures, qu’il s’agisse de joueurs d’origine vietnamienne ou de naturalisés, est une orientation du football moderne, mais ne doit pas être l’axe principal.

À tous les niveaux, jeunes sélections ou équipe nationale, les joueurs ont besoin de stages de formation, de confrontations avec des adversaires internationaux, et d’expériences pour progresser.

Il est essentiel de continuer à investir dans le renouvellement et la modernisation des compétitions nationales, en particulier la V.League, tout en renforçant la formation des jeunes. Cette dernière constitue une priorité absolue. Investir dans les jeunes, c’est construire un socle solide pour l’avenir du football vietnamien.

Dinh Hong Vinh, directeur de l’Académie Juventus Vietnam et président du club de football Ba Ria-Vung Tau, explique : « Dans tout football développé, la formation des jeunes est toujours la base. On ne peut construire une équipe forte sans une structure jeune solide. Investir dans la formation, c’est miser sur l’avenir : non seulement pour produire des joueurs talentueux, mais aussi pour forger un esprit moderne, une mentalité internationale, et la fierté d’être Vietnamien. »

Le renforcement du championnat national est donc essentiel pour assurer une progression constante des joueurs, leur permettre d’améliorer leurs compétences, leur expérience et leur mentalité.

De plus, la Fédération vietnamienne de football et la Société par actions de football professionnel vietnamien (VPF) doivent surveiller de près la qualité de leurs opérations, garantir un arbitrage équitable et améliorer les normes en matière d'infrastructures, notamment la qualité des terrains de jeu.

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L'aménagement régulier d'aires de jeux pour les élèves et étudiants contribuera à l'instauration d'une culture footballistique au sein de la communauté. Photo : baohaiphong.

Par ailleurs, le football vietnamien doit se concentrer sur le développement du système de compétitions scolaires, un lieu propice à l'épanouissement précoce des jeunes talents et à la création de bases solides pour l'avenir.

L'aménagement régulier d'aires de jeux pour les élèves et étudiants contribuera à l'instauration d'une culture footballistique au sein de la communauté.

Enfin, le soutien des grandes entreprises et des mécènes passionnés est un facteur indispensable. Grâce à leur engagement dans la formation et les infrastructures, le football vietnamien pourra viser un développement durable, au lieu de dépendre uniquement du budget de l'État ou des performances ponctuelles des équipes.

Ce n'est qu'en mettant en œuvre des solutions de manière synchrone, systématique et cohérente et fondées sur une vision à long terme et en phase avec la réalité du football vietnamien, que des bases solides pourront être posées pour de grandes avancées.

C’est aussi la condition essentielle pour réaliser, un jour, le rêve d’une participation à la Coupe du monde.

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