À Can Tho (dans le delta du Mékong, au Sud du Vietnam), aux côtés de certains villages de métiers traditionnels qui se développent grâce à une combinaison flexible entre production et tourisme, la plupart sont en voie de disparition. L’élaboration d’une planification cohérente, la connexion avec le marché et la formation d’une relève constituent un défi majeur, non seulement pour préserver ces villages, mais aussi pour leur apporter une véritable valeur économique.
Des contrastes frappants
Le village de métier de hu tieu (nouilles typique du sud du Vietnam) de Cai Rang, fort de plus de cent ans d’histoire, était autrefois renommé dans tout le delta du Mékong pour ses nouilles blanches et savoureuses. Plus tard, avec l’arrivée progressive des machines industrielles remplaçant la main-d’œuvre, les produits artisanaux du village ont perdu leur place sur le marché. Le hu tieu fait main ne pouvait plus rivaliser avec les produits fabriqués à la machine.

Face à cette situation, les artisans locaux ont choisi de se tourner vers le développement du tourisme et ont fait preuve de créativité en proposant des produits originaux. De nouveaux ateliers de hu tieu ont vu le jour dans de vastes espaces verdoyants. En plus de la vente de produits, les propriétaires tirent désormais des revenus de la visite des lieux par les touristes, ainsi que de l’hébergement chez l’habitant.
Les produits, autrefois uniquement de couleur blanche trouble, se déclinent désormais en rouge, vert, violet, etc. Fait remarquable, les habitants ont même créé une spécialité originale : la “pizza de hu tieu”.
Grâce à ces évolutions, le village de hu tieu de Cai Rang est aujourd’hui toujours animé, accueillant de nombreux groupes de touristes venus visiter, découvrir et acheter les produits locaux.

De manière similaire, le village de métier de banh trang (galette de riz vietnamienne) de Thuan Hung, fondé au milieu du XIXᵉ siècle, connaît également un développement notable grâce à de nouvelles approches. Le village compte plus de 60 foyers produisant régulièrement, offrant de l’emploi à environ 600 travailleurs locaux, pour approvisionner à la fois le marché national et l’exportation. Le chiffre d’affaires pour l’année 2024 est estimé à 75 milliards de dongs.
De nombreuses possibilités de développement
Le hu tieu de Cai Rang et le banh trang de Thuan Hung ne sont que de rares points lumineux dans le paysage économique des villages artisanaux à Can Tho, alors que la plupart peinent à survivre, sans même parler de développement.
Des scènes éparses où seules quelques familles continuent de produire à un rythme très limité apparaissent également dans d’autres villages de métiers traditionnels, tels que le village de vannerie de Thoi Long, celui de fabrication de jouets traditionnels de Long Tuyen ou encore le village de filets de pêche de Thom Rom…

Par ailleurs, les villages artisanaux traditionnels ne se limitent pas à la production de biens, ils constituent aussi des espaces de préservation de l’identité culturelle d’un terroir. Pourtant, les villages de métiers comme Cai Chanh, Thom Rom ou Long Tuyen sont confrontés à de nombreuses difficultés, qui ne relèvent pas seulement de l’économie ou de l’écoulement des produits, mais tiennent surtout au manque de lien avec la vie contemporaine.
Hoang Nam (directeur d’une agence de voyages à Hanoï) confie : « Lors de nos repérages de circuits dans le delta du Mékong, nous avons perçu le potentiel du tourisme expérientiel lié aux villages de métiers à Can Tho. Toutefois, seuls quelques-uns bénéficient d’investissements. La plupart restent de petite envergure, fragmentés, ce qui rend difficile leur intégration dans des circuits organisés. »
Selon le Service municipal de l’Agriculture et de l’Environnement de Can Tho, les foyers de production dans les villages artisanaux opèrent aujourd’hui principalement à petite échelle, de manière fragmentée, ce qui rend difficile la satisfaction de commandes importantes. La qualité des produits reste modeste et leur compétitivité limitée. Les liens entre les unités de production, les chercheurs, les investisseurs et les marchés restent encore faibles.

Selon le chercheur Nham Hung, les villages de métiers à Can Tho disposent d’un important potentiel de développement. Toutefois, il est nécessaire de les évaluer selon les règles du marché et de leur accorder des investissements appropriés.
Can Tho réunit de nombreux atouts en matière de ressources, de culture, de transport et de tourisme. Afin de tirer pleinement parti de ces avantages, il est nécessaire de mettre en œuvre des solutions globales. Il devient urgent de procéder à un examen et une évaluation complète de l’ensemble des villages artisanaux existants.
Il est essentiel de prêter une attention particulière à l’amélioration des techniques, à l’innovation technologique et à une intégration plus poussée au commerce électronique, depuis le conditionnement, l’emballage jusqu’à la promotion commerciale. La formation et la transmission des savoir-faire aux jeunes générations doivent être renforcées, parallèlement à la valorisation des artisans et à la préservation des compétences artisanales.
Avec des politiques cohérentes, une pensée renouvelée et la participation de toute la communauté, les villages de métiers traditionnels peuvent non seulement préserver les valeurs culturelles, mais aussi devenir un secteur économique durable pour la ville de Can Tho.