Le secret du succès israélien
Petit pays aux ressources naturelles limitées, Israël a su devenir une des grandes « puissances technologiques » mondiales. Lors de sa rencontre, en mai dernier, avec le ministre israélien du Travail et du Bien-être, Rabbi Yoav Ben Tzur, le Premier ministre vietnamien, Pham Minh Chinh, a souligné que la science, la technologie et la main-d’œuvre étaient deux domaines où les deux pays pouvaient se compléter : Israël soutenant le Vietnam dans l’innovation, la transformation numérique et l’entrepreneuriat, et le Vietnam apportant en retour ses ressources humaines.
Israël ne dispose ni d’un grand marché intérieur, ni de relations diplomatiques étendues avec ses voisins. Ses startups ont donc été contraintes, dès leur naissance, de viser l’international. Selon de nombreux experts, cette internationalisation précoce constitue le cœur du modèle israélien : elle permet de développer des technologies à vocation mondiale et d’adapter rapidement les stratégies de marché. L’ouverture internationale est ainsi une nécessité pour donner l’échelle et l’efficacité aux innovations.
Un autre facteur clé est la relation étroite entre startups et multinationales. Des géants comme Nvidia, Google, Microsoft, Intel, Apple, Amazon, Meta, IBM, Cisco ou Oracle ont installé de grands centres de R&D en Israël. Ces entreprises recherchent l’agilité et la créativité des jeunes pousses, tandis que celles-ci profitent de débouchés, d’un environnement d’expérimentation et d’un accès à la coopération technique. Cette relation symbiotique est l’un des traits distinctifs de l’écosystème israélien, qui mérite d’être étudié par d’autres pays, notamment via des politiques d’attraction d’investissements dans les technologies de pointe.
Le succès israélien repose moins sur l’initiative individuelle que sur une stratégie nationale mûrement réfléchie dès la fin des années 1970. Aujourd’hui, le gouvernement y consacre plus de 6 % du PIB annuel à la R&D, le taux le plus élevé du monde, et multiplie les programmes de soutien à l’innovation, dont le fameux « Yozma » lancé par le ministère de l’Économie, qui offre des capitaux d’amorçage pour réduire les risques des jeunes entreprises et attirer le capital-risque international. Ce modèle public-privé unique a façonné un écosystème où les startups peuvent éclore et s’internationaliser rapidement.
Des leçons pour le Vietnam
Bien que les conditions diffèrent, l’expérience israélienne montre qu’une stratégie cohérente, soutenue par des politiques concrètes et un cadre institutionnel favorable, est déterminante. Investir massivement en R&D, renforcer la coopération public-privé et développer les liens avec les multinationales sont des leviers essentiels.
L’ancien Premier ministre israélien, Ehud Barak, a confié à la presse que le Vietnam pouvait progresser encore plus vite qu’Israël dans les hautes technologies. Il a salué la manière dont le gouvernement vietnamien favorise les petites entreprises, nourrissant ainsi un esprit entrepreneurial fort. Selon lui : « La coopération entre Israël et le Vietnam repose sur l’admiration mutuelle et la confiance dans le potentiel futur. En matière d’innovation, le champ de coopération reste immense, à condition que des politiques de soutien soient mises en place pour encourager la jeunesse à entreprendre ».
Eyal Buvilski, président de l’Association d’amitié Israël-Vietnam et ancien vice-ambassadeur d’Israël à Hanoï, a rappelé : « Israël possède beaucoup de technologies et de savoirs scientifiques, tandis que le Vietnam peut produire et élargir l’échelle là où Israël ne le peut pas ». Selon lui, la coopération entre instituts de recherche, gouvernements et entreprises privées des deux pays est essentielle : « Le Vietnam n’a pas encore exploité tout son potentiel économique, il reste de nombreux marchés à conquérir. Je pense qu’en combinant les connaissances israéliennes avec la vision et les capacités de l’économie vietnamienne, nous pourrons aller beaucoup plus loin ».
De son côté, l’ancien ministre de la Justice Yossi Beilin souligne qu’après plusieurs décennies de modernisation, le Vietnam a déjà remporté des succès notables, dépassant même certains pays pionniers dans plusieurs domaines technologiques. Cela tient, selon lui, à deux facteurs : « Les Vietnamiens sont travailleurs, ils ne sont pas paresseux. Et le Vietnam bénéficie de l’avantage du retardataire : en arrivant plus tard, il peut tirer profit des acquis technologiques mondiaux, notamment dans l’intelligence artificielle et d’autres secteurs impensables il y a cinquante ans ».
Pour Beilin, comme pour d’autres responsables israéliens, l’essor technologique d’Israël illustre le rôle central de l’État dans la création d’un environnement favorable à l’innovation. Le Vietnam, doté de talents, d’une capacité d’adaptation et d’un soutien politique croissant, possède toutes les bases pour suivre une trajectoire similaire.
Un véritable « miracle technologique vietnamien » est donc parfaitement envisageable - à condition d’être appuyé dès aujourd’hui par des politiques claires, ambitieuses et durables.