Avec plus de 14,7 millions d’hectares de forêts, le Vietnam dispose d’un avantage considérable pour s’intégrer en profondeur au marché des crédits carbone, un secteur en pleine expansion à l’échelle mondiale et porteur de revenus durables.
Le transfert de 11,3 millions de tonnes de CO₂ dans le cadre de l’accord ERPA (Accord de paiement pour la réduction des émissions), ayant généré 56,5 millions de dollars américains, a confirmé la capacité d’absorption du carbone des forêts vietnamiennes ainsi que la position du pays sur le marché international.
À partir de cette source financière, plus de 78 000 ménages et individus, 1 204 communautés locales et 140 gestionnaires forestiers ont bénéficié de paiements, et 835 ouvrages d’intérêt public ont été mis en œuvre.
Par ailleurs, les recettes issues des crédits carbone ont contribué de manière significative au renforcement de la protection forestière : les localités forestières ont intensifié les patrouilles et la gestion de la protection des forêts grâce à la mobilisation conjointe des forces spécialisées et des communautés, tout en appliquant largement les technologies de l’information et les systèmes de suivi forestier.
Ces résultats démontrent que les crédits carbone forestiers ne génèrent pas seulement une valeur environnementale, en contribuant à la réduction des risques de catastrophes naturelles, mais constituent également une ressource économique importante.
Ils offrent ainsi au Vietnam une base solide pour participer activement au marché mondial du carbone, promouvoir une économie forestièrece et progresser vers l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.
Malgré ce potentiel considérable, le développement des crédits carbone forestiers au Vietnam reste confronté à de nombreuses contraintes qui nécessitent d’être levées rapidement.
Il s’agit notamment de l’absence de cadres réglementaires complets concernant les services d’absorption et de stockage du carbone, les transactions de crédits au titre de l’article 6 de l’Accord de Paris (COP21), ainsi que la feuille de route pour l’exploitation du marché domestique du carbone.
De plus, les systèmes de données de suivi forestier demeurent hétérogènes entre les régions ; les capacités de gouvernance des gestionnaires forestiers et des communautés restent limitées ; et la concurrence internationale s’intensifie. Autant de facteurs qui affectent directement la crédibilité des crédits carbone vietnamiens sur le marché international.
Afin de faire des crédits carbone forestiers un véritable moteur vert, quatre grands groupes de solutions doivent être mis en œuvre. Il est impératif de promulguer rapidement un décret relatif aux services d’absorption et de stockage du carbone forestier, de définir clairement les droits de propriété des crédits, de parachever les mécanismes de partage des bénéfices et de construire un cadre juridique pour les transactions prévues aux articles 6.2 et 6.4 de l’Accord de Paris, ainsi que pour le marché intérieur du carbone.
En effet, un cadre institutionnel complet constitue les « règles du jeu » permettant au Vietnam de participer de manière transparente et efficace au marché du carbone.
Parallèlement, il est nécessaire de normaliser les infrastructures techniques et les systèmes de données conformément aux standards internationaux ; d’appliquer les images satellitaires, l’intelligence artificielle et les mégadonnées dans le suivi forestier ; d’établir une base de données unifiée du niveau central au niveau local ; et de renforcer les capacités des forces forestières et des gestionnaires de forêts. Une infrastructure moderne contribuera à accroître la valeur et la crédibilité des crédits carbone forestiers.
Les autorités locales doivent également mettre en place des mécanismes incitatifs pour encourager les entreprises à investir dans des plantations forestières de haute qualité, développer la foresterie communautaire, élargir les paiements pour services environnementaux forestiers et associer les crédits carbone à des modèles de moyens de subsistance durables, tels que l’écotourisme et l’économie circulaire. Ce n’est que lorsque les populations et les entreprises participent ensemble que le marché pourra se développer de manière durable.
Une politique essentielle consiste également à s’orienter de manière proactive vers les marchés internationaux à fort potentiel, tels que LEAF, Emergent, Amazon ou Eni ; à diversifier les marchés volontaires et réglementés ; et à bâtir une marque nationale des crédits carbone forestiers vietnamiens fondée sur les critères de transparence, de qualité et de durabilité.
Les crédits carbone forestiers ouvrent ainsi une opportunité stratégique pour le Vietnam de développer une économie verte et d’affirmer sa position sur le marché mondial du carbone.
Il est désormais temps d’agir de manière déterminée et coordonnée afin de transformer cet « actif vert » en une ressource de rupture, contribuant concrètement à l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et à la construction d’un secteur forestier moderne et durable.