«Hô Chi Minh». Tels ont été les presque premiers mots qui m’ont accueillis lors de ma première venue au Vietnam. Il est vrai que pendant longtemps, les seules représentations que j’avais du Président Hô Chi Minh étaient celles d’un homme au visage émacié avec cette longue barbiche blanche caractéristique. Il m’aura fallu visiter quelques musées et feuilleter plusieurs livres pour découvrir le visage d’un homme qui fut jeune, et qui alors ne portait pas encore la barbe.
Souvenir d’enfance…
Plus tard, j’ai croisé plusieurs fois le chemin du Père de la nation vietnamienne moderne. À commencer par sa province natale, du côté de Nghê An (Centre). C’était lors de ma traversée du Vietnam, de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville, à moto, il y a cinq ans de cela…
Après une rude matinée où le soleil ne nous avait fait aucun cadeau, dardant ses rayons sur nos nuques chauffées à blanc, nous avions décidé de faire halte à Vinh (capitale de la province de Nghê An) pour une sieste bien méritée. À la fin de l’après-midi, avant de poursuivre notre aventure vers le Sud, nous avions fait une escapade sur la plage de Cua Lò. C’est là, au bord de la Mer Orientale, sur une plage déserte où venaient mourir des vagues alanguies, que Tuân m’a expliqué que le Président Hô Chi Minh était né à Kim Liên, une commune du district de Nam Dàn, province de Nghê An…
Ce que j’ignorais alors et que j’ai découvert depuis, c’est que longtemps auparavant, j’avais déjà côtoyé la petite histoire du futur Président, sans le savoir ! En effet, au détour de lectures sur le Paris Révolutionnaire, j’apprends que se situe rue de Charonne à Paris un hôtel meublé où se serait installé celui qui s’appelait alors Nguyên Ái Quôc, lors de son arrivée en 1917. Or, la rue de Charonne est celle de mon enfance, du temps où les quartiers de Paris ressemblaient encore à de grands villages, et où les gamins jouaient encore aux billes sur les trottoirs…
Jeux d’enfants …
D’ailleurs, les enfants et Hô Chi Minh, c’est une histoire qui dure toujours. Il n’est que de se trouver sur la place Ba Dinh, à Hanoi, un soir d’été, quand la moiteur étouffante chasse les familles hors de la maison. Là, devant le Mausolée majestueux où veille la Garde imperturbable, des milliers d’enfants envahissent l’esplanade sous la lumière crue des projecteurs. Du plus petit au plus grand, ils sont là, bruissants d’une vie bouillonnante qui donne à l’endroit un air de fête. J’y emmène souvent ma fille, l’occasion pour elle d’étrenner un nouveau moyen de locomotion ou d’exercer son pouvoir de séduction…
Le mausolée de Hô Chi Minh à Hanoi. Photo : Nhât Anh/VNA/CVN
Ce jour-là, particulièrement, elle était fière de la trottinette bleue que je lui avais achetée sur un moment d’égarement, ne sachant pas à quoi je m’engageais ! Après quelques essais dans la ruelle de notre maison, il a fallu passer à la conduite sur circuit… Ma fille devant moi sur la moto, mon épouse derrière, la trottinette entre elle et moi, nous sommes partis en convoi jusqu’à la place Ba Dinh, où je soupçonnais ma fille de vouloir autant faire de la trottinette que de vouloir en faire la preuve qu’elle en était la fière propriétaire ! Et surtout d’en faire une monnaie d’échange contre d’autres engins qu’elle considérait peut-être plus intéressants. Ce qui n’a pas manqué ! À peine absorbés par la foule compacte qui avait envahi la place, et alors que nous tentions de ne pas la perdre de vue dans son déplacement erratique en propulsion unijambiste, elle a parcouru une dizaine de mètres avant de s’arrêter devant un petit garçon juché sur un tricycle qui semblait fort intéressé par la trottinette de ma fille. Et comme celle-ci avait jeté son dévolu sur le tricycle, en quelques secondes par un marchandage tacite, l’échange s’est fait. Ma fille pédalait comme une furie, le petit garçon trottinait à toute allure…
Ce soir-là, la trottinette est passée entre les mains d’un petit garçon, de deux petites filles et d’un garçon trop lourd pour elle, pour nous revenir à demi démantelée. Ma fille, elle, a pédalé, fait de la voiture électrique, repédalé, est tombée sur des patins à roulettes, pour nous revenir genoux écorchés…
Le temps de réparer les roues de la trottinette, de panser les genoux de ma fille, et nous reviendrons participer à cette immense kermesse enfantine qui se déroule les soirs d’été sur cette place où, depuis sa dernière demeure, le Président Hô Chi Minh veille sur ces enfants turbulents…Je comprends mieux pourquoi on l’appelle aussi Oncle Hô .