Chaque année, en avril, au plus fort de la saison sèche, les Ê Đê organisent avec ferveur cette supplique collective pour obtenir une pluie bienfaisante et des vents cléments, essentiels à la prospérité de leurs cultures et à l'amélioration de leur vie quotidienne. Cette tradition ancestrale est un élément précieux de leur patrimoine.
C'est dans la chaleur intense d'avril, sur les Hauts Plateaux, que nous nous sommes rendus à Cư Pui, dans le district de Krông Bông (Đắk Lắk), où nous avons eu la chance d'assister à la cérémonie d'invocation de la pluie du hameau de Đắk Tuôr.
Dès l'aube, les villageois se sont rassemblés devant la maison commune. Les jours précédents, le chef et les habitants avaient choisi un terrain plat près d'un arbre abritant des ruches, lieu considéré comme propice. De jeunes hommes érigeaient le mât sacré "Nêu" et une hutte "Pưk" à deux niveaux, symbolisant le ciel et un grenier à riz. Les femmes préparaient riz gluant, riz en bambou, volailles et vin de jarre, ainsi que les outils agricoles. Les jeunes hommes aidaient à installer les gongs.
Selon la croyance Ê Đê, une mauvaise récolte est due à un esprit maléfique (Yang Liê) qui pousse les animaux à détruire les cultures. Au pied de la hutte Pưk, une effigie de cet esprit est souvent placée, ainsi que des figurines d'animaux nuisibles autour des champs. Les offrandes comprennent un porc (pour la terre), une chèvre (pour le ciel/montagne), deux poulets (pour l'eau) et quatre jarres de vin de riz. Chaque famille peut ajouter un poulet, une jarre de vin et un "Biru" (symbole de pluie et de fertilité).
Une fois les préparatifs terminés, le maître de cérémonie allume les bougies et commence les rites ancestraux. Au son des gongs, il enlace un coq blanc et récite les prières traditionnelles pour implorer la pluie, des récoltes abondantes et l'éloignement des mauvais esprits et des animaux sauvages.
Après les rites dans les champs, tous retournent au village pour d'autres cérémonies : recherche de miel, vérification des pièges, danse des jeunes hommes armés autour des champs et décapitation symbolique de l'effigie de l'esprit maléfique. Enfin, a lieu le perçage des trous pour semer et l'arrosage, les hommes précédant les femmes qui déposent les graines. Les premières gouttes d'eau sont accueillies par des cris de joie, marquant le début de la nouvelle saison agricole.
La fin des rites est célébrée par le son des gongs et des tambours. Le chef du village est le premier à partager le repas et le vin rituel, suivi par les autres villageois. Les danses et la dégustation de vin de jarre se succèdent dans une ambiance festive, avant le retour aux champs le lendemain.
H’Ngoát Niê, une villageoise de 67 ans, se souvient avec émotion des cérémonies passées. Elle regrette la raréfaction de ce rite avec la modernisation de l'agriculture et espère un soutien pour sa revitalisation.
Malgré les évolutions modernes, les Ê Đê de Đắk Lắk et des autres provinces des Hauts Plateaux continuent de préserver la cérémonie d'invocation de la pluie lors des sécheresses prolongées, implorant des conditions favorables et une vie prospère.
La cérémonie de la pluie chez les Ê Đê en vidéo :
Source: Truyền hình quốc hội |