Grâce aux politiques publiques de soutien - financement, formation, recherche de modèles - et à la créativité des artisans, des dizaines de milliers de nattes, résistantes et richement décorées sont produites chaque année pour le marché national et l’exportation.
Inscrit en août 2024 sur la liste du patrimoine culturel immatériel national par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, ce savoir-faire constitue désormais une fierté collective et un repère majeur dans la préservation des traditions khmères du Sud.
D’un âge d’or à une période de déclin
Il y a vingt ans, le métier faisait vivre plus de 200 familles et employait 600 ouvriers ruraux. Mais la concurrence des nattes en nylon, bambou ou rotin, ainsi que la hausse des coûts de production dans les années 1990, ont provoqué un recul brutal. De nombreux tisserands ont dû abandonner leurs métiers à tisser, laissant le village au bord de la disparition.

Dans ce contexte difficile, l’artisane émérite Ngo Thi Xuan (1929-2017) a joué un rôle décisif.
En innovant dans les motifs et les combinaisons de couleurs, elle a créé une vingtaine de modèles originaux, largement appréciés du marché. Son engagement lui valut, en 2015, le titre honorifique d’« artisane émérite » dans le domaine des savoirs populaires.
À partir de 2001, les autorités locales ont soutenu financièrement quarante foyers et encouragé la transmission du savoir-faire.
Le mouvement a culminé en 2010-2011, avec plus de 600 foyers produisant près de 440 000 nattes par an.
Aujourd’hui, environ 95 foyers perpétuent encore ce métier, avec une capacité annuelle de 100.000 pièces, vendues dans le delta du Mékong et exportées vers le Cambodge.

Les nattes de Ca Hom et Ben Ba se distinguent par leur variété - nattes blanches, colorées, imprimées de motifs floraux ou de caractères - et surtout par les « nattes fleuries », réputées pour leurs cinq couleurs emblématiques (blanc, rouge, bleu, jaune, violet).
Tissées parfois recto-verso, elles exigent une grande maîtrise technique et un sens esthétique raffiné.
Une dimension culturelle et touristique
Au-delà de l’artisanat, le tissage des nattes s’inscrit dans la vie quotidienne et rituelle des Khmers du Sud, notamment lors des fêtes et cérémonies.
Le processus de fabrication - culture du jonc, récolte, séchage, teinture puis tissage - confère aux produits une durabilité remarquable : de 4 à 5 ans sans perte de couleur ni fragilité.
Pour Duong Hoang Sum, directeur du Service provincial de la culture, des sports et du tourisme, l’avenir de ce savoir-faire réside dans son intégration au tourisme culturel et écologique.
Le projet vise à transformer Ca Hom et Ben Ba en un site touristique unique, où les visiteurs pourront découvrir le processus de tissage et s’immerger dans la culture khmère.