Né en 1949, spécialiste de l’histoire contemporaine et de la politique vietnamienne, Furuta Motoo est actuellement recteur de l’Université Vietnam-Japon relevant de l’Université nationale de Hanoï. Il est l’auteur de nombreux travaux importants sur le Vietnam, traduits et publiés dans le pays. Son ouvrage La famine de 1945 au Vietnam – Témoignages historiques, rédigé en collaboration avec le professeur Van Tao et publié pour la première fois en 2005, puis réédité à plusieurs reprises, a obtenu en 2010 le Prix de l’État en sciences et technologies.
Des Vietnamiens à la fois résilients et flexibles
À la fin des années 1960, alors que la guerre de défense de l’indépendance nationale atteignait une intensité extrême, Furuta Motoo s’est intéressé au Vietnam. Dans la presse japonaise, les informations sur la résistance vietnamienne étaient omniprésentes, et, selon lui, le monde entier semblait tourner autour du Vietnam.
Le professeur était convaincu que comprendre le Vietnam revenait aussi à comprendre le monde. L’élan suscité par le drapeau de la libération nationale a été le moteur qui l’a poussé à choisir le Vietnam comme objet de recherche. Depuis sa thèse de fin d’études consacrée à la Révolution d’Août 1945, il se consacre depuis plus de quarante-cinq ans aux études sur le Vietnam.
Au fil de décennies de recherches, il a identifié deux facteurs qui ont profondément façonné le caractère vietnamien : l’agriculture rizicole et l’histoire des luttes contre les envahisseurs étrangers. Les Vietnamiens sont à la fois résilients et flexibles, dotés d’une grande capacité d’adaptation ; deux traits qui, combinés, constituent l’identité nationale. Certains chercheurs comparent cette faculté d’adaptation à l’« eau » : en apparence chaotique, mais obéissant à un cours propre, comme le flot des véhicules dans les rues bondées.
En 1977, lorsque Furuta Motoo est venu enseigner le japonais à l’Université du commerce extérieur de Hanoï, il a pu observer cette souplesse de ses propres yeux.
À l’époque, le vélo était le principal moyen de transport : les habitants pouvaient tourner brusquement au milieu de la chaussée, provoquant facilement des accrochages, mais s’y adaptaient toujours. Dans la vie quotidienne, pour améliorer leurs conditions de subsistance, de nombreuses familles élevaient porcs et volailles dans leurs appartements collectifs. Il a été profondément marqué par cette image d’un peuple « s’ingéniant à trouver mille façons de vivre », manifestation éclatante de créativité et de persévérance.

Connaître le monde et se connaître soi-même
Selon le professeur, l’esprit de solidarité, la résilience et la capacité d’adaptation ont forgé le caractère vietnamien à travers chaque période de l’histoire. L’identité nationale n’est pas figée, mais s’apparente à un courant, se renouvelant tout en préservant son noyau. Pendant la guerre, elle s’exprimait par le patriotisme et le sacrifice ; durant la rénovation, la souplesse et l’adaptation sont devenues des atouts.
Aujourd’hui, l’identité vietnamienne est faite d’équilibre : conserver ses racines tout en restant ouverte à la mondialisation. La jeunesse, où qu’elle soit, s’efforce d’affirmer « je suis Vietnamien » à travers la langue, la création de contenus et les mouvements culturels. La diversité, la flexibilité et l’aspiration à affirmer une place sur la scène internationale nourrissent l’élan vietnamien au XXIe siècle. Furuta Motoo espère que le Vietnam saura promouvoir son « soft power » et faire rayonner sa culture dans le monde.
Cependant, cette souplesse doit être régulée pour ne pas devenir un obstacle. Il insiste : il faut connaître le monde et se connaître soi-même. Ne connaître que soi-même mène à un nationalisme étroit et à une perte de vision globale ; ne connaître que le monde expose au risque de perdre son identité. Le Vietnam doit évoluer harmonieusement, en préservant ses traditions tout en s’intégrant à la communauté internationale.
Le Vietnam est aujourd’hui face à une opportunité de progression remarquable, mais la voie n’est pas aisée. Grâce à une stabilité politique assurée par la direction du Parti communiste du Vietnam, Furuta Motoo croit que le pays saura s’intégrer profondément tout en conservant son identité. En « se comprenant soi-même et en comprenant les autres », le Vietnam réussira son intégration : s’unir sans se dissoudre.