Ils n’enseignent pas seulement la langue, mais leur transmettent aussi des compétences de vie, des connaissances en matière de santé, ainsi qu’un espoir pour un avenir meilleur.
Chaque samedi matin en fin de semaine, sous les toits simples des tentes tukul, les voix des enfants récitant leurs leçons résonnent, mêlées à des éclats de rire cristallins. Les élèves sont des enfants âgés de 7 à 13 ans, qui n’ont jamais eu la chance d’aller à l’école en raison de l’insécurité, des conflits interethniques et de la pauvreté.

Les personnes en charge de la classe ne sont pas des enseignants professionnels, mais des officiers de la police et de l’armée faisant partie des forces de maintien de la paix des Nations Unies venues du Vietnam.
Ils organisent ces cours depuis décembre 2024 avec toutes les ressources qu’ils ont personnellement réunies, ainsi qu’avec le soutien en personnel de leurs collègues du pays hôte sur le terrain.

Avec des ressources extrêmement limitées, chaque séance constitue un véritable défi. La salle de classe est rudimentaire, dépourvue d’équipements de base : pas de tableau, uniquement des blocs de papier A1 et un chevalet mobile apportés par les instructeurs eux-mêmes en guise de support pédagogique.
Sans fournitures scolaires disponibles, l’équipe prépare à ses frais stylos, cahiers et matériel de dessin. L’absence d’électricité oblige les cours à se tenir à la lumière naturelle, qu’il fasse une chaleur accablante ou qu’il pleuve sous une humidité persistante. Même les sols boueux sous leurs pieds ne sauraient entamer la détermination et le dévouement de ces soldats.

Le contenu des cours ne se limite pas au vocabulaire ou à la grammaire, mais est conçu de manière adaptée, en lien étroit avec la vie quotidienne des enfants. L’équipe élabore constamment des idées et des plans de leçon pour faciliter la compréhension et la mémorisation, car les élèves ont des connaissances limitées, peu d’expériences de vie, et manquent encore de discipline en classe.
Par ailleurs, les soldats n’enseignent pas seulement l’anglais à travers des thèmes tels que : se présenter, l’hygiène personnelle, la prévention du paludisme, mais ils intègrent également des compétences transversales : les aptitudes à la communication et au comportement, la prévention des violences sexuelles, ainsi que les bonnes habitudes pour se protéger.

Pendant et après chaque cours, toute l’équipe organise des jeux interactifs avec les enfants, non seulement pour les aider à mémoriser naturellement les leçons, mais aussi pour créer un environnement de jeu sain, stimuler leur créativité, développer leurs capacités à résoudre des problèmes et les aider à évacuer le stress dans un contexte d’insécurité quotidienne.
Malgré leur dévouement, ces « enseignants militaires » font face à une multitude de défis : des conditions climatiques extrêmes avec une chaleur accablante en saison sèche, l’absence d’électricité et d’eau potable, les inondations et l’humidité en saison des pluies, un manque d’enseignants interprètes pour les langues des tribus locales, ce qui complique parfois la communication avec les enfants de différents âges.

Les élèves sont fréquemment malades en raison de conditions de vie précaires, sans nourriture, eau ni médicaments, leurs familles accordant peu d’attention à leur scolarité. Beaucoup doivent abandonner l’école prématurément pour aider leur famille dans des tâches telles que la collecte de bois, le ramassage de bouteilles en plastique, l’agriculture, la réparation de véhicules, et sont exposés à des risques d’enlèvements ou d’attaques à tout moment.
« Nous ne pouvons pas changer les circonstances dans lesquelles vivent ces enfants, mais nous pouvons leur offrir une chance de changer leur avenir eux-mêmes », a partagé la capitaine Tran Thi Thu Trang, officière de police en poste au bureau de police de Bor, dans l’État de Jonglei, « enseignante principale » participant au projet.

Les sourires éclatants des enfants lorsqu’ils écrivent pour la première fois leur prénom en anglais, ou leur enthousiasme à apprendre à se laver les mains correctement, une élève timide au début qui sait désormais prendre la parole devant la classe pour parler des bonnes et mauvaises expériences, et des méthodes de prévention contre les agressions sexuelles. C’est ce qui motive ces hommes et femmes à maintenir cette classe si particulière.
« Bien que les difficultés soient nombreuses, notre équipe d’officiers de l’armée et de la police vietnamienne reste déterminée à maintenir ces cours. Les enseignants interprètes, les responsables du camp de déplacés ainsi que nos amis internationaux reconnaissent et soutiennent cette initiative. Nous avons fait tout notre possible pour accomplir quelque chose de vraiment significatif dans la zone où nous sommes en mission », a partagé le capitaine Nguyen Tien Long, officier de l’armée vietnamienne en poste à Bor, dans l’État de Jonglei.
Sur cette terre aride, fragilisée par l’insécurité liée aux conflits, les casques bleus œuvrent discrètement à semer les graines du savoir, incarnant pleinement la mission des forces de maintien de la paix des Nations Unies : non seulement préserver la paix, mais aussi construire un avenir durable.
Cette classe dépourvue de tableau, d’électricité, de tables et de chaises est devenue un véritable pilier moral, offrant aux enfants du Soudan du Sud la force et la confiance nécessaires pour avancer. Plus important encore, elle leur insuffle la conviction profonde que la paix ne se limite pas à l’arrêt des armes, mais constitue également une opportunité précieuse d’accès à l’éducation et au rêve, fondements essentiels pour bâtir une société progressiste et un pays en plein développement.