Lumière dorée sur les marches usées : l'escalier des immeubles collectifs d'Hanoi nous raconte le temps qui passe

Lumière dorée sur les marches usées : l'escalier des immeubles collectifs d'Hanoi nous raconte le temps qui passe

Simples, mais gardant intacts de nombreux souvenirs, l'escalier des anciens immeubles collectifs d'Hanoi est un espace à part entière, racontant avec pudeur et en silence de longues histoires sur la vie urbaine, les gens et toute une époque révolue.

Il fut un temps où ces blocs d'appartements collectifs incarnaient le symbole de la vie urbaine socialiste. Chaque bâtiment esquissait une miniature de la société, où fonctionnaires, cadres et travailleurs cohabitaient, partageant des habitudes de vie typique de la capitale : un escalier commun, des toilettes partagées, un réservoir d'eau collectif, une cour de jeux publique…

Dans ces immeubles, l'escalier n'était pas seulement un passage. C'était aussi un lieu de rassemblement, de rencontres, où les adultes échangeaient des récits, les enfants jouaient à cache-cache, où l'on s'arrêtait pour se saluer ou simplement se reposer quelques instants après des pas lourds dus à l'âge.

Les habitants vivaient avec l'escalier, s'y familiarisant au point que chaque bruit de pas, chaque ouverture de porte évoquait l'image de quelqu'un de cher. L'escalier était aussi le lien entre les générations : les personnes âgées descendaient lentement pour leur promenade matinale, les adultes se dépêchaient au travail, les enfants riaient et couraient joyeusement après l'école. À certains étages, des vélos étaient rangés près de l'accès ; à d'autres, un vieil imperméable pendait, attendant silencieusement la saison des pluies.

Le plus saisissant est que la lumière y est devenue un souvenir. Nulle part ailleurs à Hanoi, la lumière n'évoque autant d'émotions que dans ces vieilles cages d'escalier. Au petit matin, lorsque le soleil se faufile à travers les feuillages des arbres anciens de la cour, des rayons transpercent les briques ajourées, se déversant obliquement sur les murs blanchis et ternis, illuminant chaque marche inégale.

La lumière, douce comme du miel, dore un coin de l'escalier, apaisante et chaleureuse, animant soudain cet espace habituellement tranquille. L'après-midi, le soleil inverse projette ses rayons obliques, s'accrochant à chaque fissure le long du mur, révélant les fines particules de poussière en suspension dans l'air. Ces lumières ne sont ni bruyantes ni éblouissantes, mais elles incitent à la pause, à une réminiscence silencieuse d'une époque. Chaque marche d'escalier semble revêtir une couche supplémentaire de souvenir — la couleur de la sérénité, de ces jours lents et lointains.

L'escalier des immeubles collectifs a aussi son odeur particulière : un mélange de murs chaulés et moisis, de bois décrépi, et d'effluves de cuisine montant des étages inférieurs. Le temps a écaillé les couches de peinture, mais a empli les cœurs de souvenirs pour ceux qui y ont vécu ou y vivent encore.

Aujourd'hui, de nombreux anciens immeubles collectifs sont dégradés, confrontés au choix d'être rénovés ou démolis pour laisser place à des gratte-ciel et de nouveaux quartiers urbains. Pour de nombreux Hanoïens, l'image de l'escalier ancien restera à jamais le symbole d'une époque difficile, mais chaleureuse. Dans certains lieux, les habitants « insistent » pour préserver ces coins de mémoire. La rénovation s'accompagne alors de la conservation de la structure en briques ajourées, des rampes, de la couleur de la peinture... Certains choisissent de conserver ces petits coins familiers à travers des peintures, des photographies, des croquis.

L'escalier de l'ancien immeuble collectif est une part intégrante d'Hanoi, une part qui a traversé le temps sans jamais disparaître. Ni clinquant ni sophistiqué, il renferme pourtant l'essence la plus profonde des émotions liées à Hanoi: silencieux, doux comme le soleil de l'après-midi filtrant à travers les briques ajourées, éclairant chaque pas indissociable de ce lieu de vie.

NDEL

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