Le « foyer » des goélands sur l’île de Da Lon

Quiconque a posé le pied sur l’île de Đá Lớn B, dans l’archipel de Truong Sa (Spratleys), garde en mémoire l’image d’un vieux ponton abandonné – un vestige affirmant la souveraineté sacrée du Vietnam sur ses îles. Le temps passant, cette épave rouillée est devenue le refuge inattendu d’une famille de goélands, une oasis de paix au cœur de la tempête.
L’île de Da Lon fait partie de l’archipel de Truong Sa.

L’île de Da Lon fait partie de l’archipel de Truong Sa.

« Da Lon debout entre les vagues / Sans arbre, sans ombre, sans berceuse / Juste le corail dans l’immensité / Plantant le drapeau, solide comme le roc… » À une trentaine de milles marins au sud-ouest de l’île de Nam Yet, se trouve l’île submergée Da Lon. Ce n’est pas une île au sens traditionnel du terme, mais un vaste plateau corallien surgissant à fleur d’eau, sur lequel sont bâtis trois postes avancés — A, B, C — tels trois sentinelles veillant sur les flots. Ces postes militaires solides, dessinent une architecture stratégique en tripode.

Le climat y est rude : entre février et mai, le soleil darde sans relâche, rendant l’atmosphère sèche, brûlante. Mais c’est aussi la saison où la mer s’apaise, facilitant l’accès maritime.

Des petites embarcations se détachent du navire pour rejoindre l’île Da Lon.

Des petites embarcations se détachent du navire pour rejoindre l’île Da Lon.

Sur cette île battue par les vents, le vieux ponton rouillé, témoin muet de l’histoire, cache en son sein une scène inattendue : un nid. Là, une paire de goélands marins a choisi d’établir son foyer. Au milieu des tempêtes et de l’isolement, ils protègent patiemment leurs œufs bleu ciel – couleur de liberté et d’espoir. Quand les vagues hurlent et que les tempêtes se lèvent, la vie bat pourtant son plein dans ce microcosme discret. Un œuf se fend, une vie s’éveille. Un petit œil s’ouvre au tumulte du monde.

“Dans le ventre du vieux navire échoué, Un nid de goélands veille sur des œufs couleur du ciel. Un jour de mer déchaînée, la coquille se brise, Et surgit un regard – triste, farouche, paisible.”

Da Lon est une île immergée encore marquée par de nombreuses difficultés.

Da Lon est une île immergée encore marquée par de nombreuses difficultés.

La femelle couve sans relâche, tandis que le mâle plonge dans les flots pour rapporter du poisson. Les petits piaillent leur premier cri dans la chaleur maternelle, sous la vigilance paternelle. Ils grandissent sur une tôle rouillée, nourris par l’essentiel : l’amour, la vie, et la ténacité – valeurs que partagent les soldats de la mer.

Le nid n’a rien d’un refuge paisible : des prédateurs rôdent, guettent, attaquent. Pourtant, des premiers couples, une colonie entière est née. Désormais, Da Lon résonne de battements d’ailes, de chants d’oiseaux et de cette force collective née de l’instinct de protection.

Les soldats de l’île ont adopté les goélands comme compagnons. Certains, taquins, s’amusent à observer les œufs — jusqu’à se faire chasser par les parents furieux. Tous savent que l’amour et la vie, même chez les oiseaux, sont sacrés.

Le ponton est ancré sur le haut-fond de l’île Da Lon et est devenu un abri pour les nids de goélands.

Le ponton est ancré sur le haut-fond de l’île Da Lon et est devenu un abri pour les nids de goélands.

Dans cette étendue sans fin de ciel et de mer, les goélands tracent des lignes souples et fières. Leur corps élancé, leurs ailes larges d’un blanc pur évoquent la grâce. Parfois frôlant la surface de l’eau, parfois fendant le vent, ils incarnent la liberté. Leur vol raconte les tempêtes affrontées, la fierté silencieuse d’avoir choisi la mer comme maison.

Un couple de goélands déploie ses ailes au-dessus du large.

Un couple de goélands déploie ses ailes au-dessus du large.

Les goélands ne craignent pas les hommes. Ils se posent sur les toits, les balustrades, parfois même s’invitent dans la cuisine. En retour, les soldats les laissent vivre, les observent, leur parlent, les nomment. Un lien se tisse dans cet isolement extrême. Ces oiseaux font déjà partie du quotidien, apportant un peu de poésie à la rudesse de la vie insulaire.

Le goéland ramène une prise au nid.

Le goéland ramène une prise au nid.

Les goélands sont aussi d’excellents météorologues : selon leur altitude de vol, la fréquence de leurs battements d’ailes, leurs cris, les soldats savent si une tempête approche. Alors que la base se prépare, les oiseaux restent, solidaires.

Quand la mer est calme, les ailes dessinent des arcs lumineux dans un ciel infini. Dans ces instants suspendus, les soldats se laissent porter par le vol des oiseaux, partageant la même détermination, la même passion pour la mer.

Même au plus fort du vent, leurs chants résonnent. Dans les unités navales, certains soldats portent le prénom « Hải Âu » (Goéland) – un hommage au lien fort entre la mer, la patrie et ces oiseaux libres.

Considérés comme symboles de liberté, les goélands incarnent une force tranquille. Peu de gens connaissent leurs nids : de petits abris perchés sur une épave rouillée, improbables mais réels. Là, la vie bourgeonne. L’amour parental y prend forme, touchant dans sa simplicité.

Des touches de couleurs opposées, mais empreintes de poésie.

Des touches de couleurs opposées, mais empreintes de poésie.

Ces foyers racontent plus qu’une histoire d’oiseau. Ils apaisent la nostalgie des soldats, deviennent symbole de beauté, de persévérance et d’espoir.

Nous nous souvenons de cette histoire : celle de l’enseignante Do Thi Thom, à Hanoï. En 2018, son mari, le lieutenant Nguyen Viet Tuong, était en poste sur Da Lon. En sept ans de mariage, il n’a pu assister à la naissance d’aucun de leurs deux enfants. Pourtant, à son retour, il raconte inlassablement à ses proches les nids de goélands — ces “familles” du large qui réchauffent le cœur des gardiens de l’île.

Aujourd’hui, de nombreux nids de goélands occupent l’ancien ponton rouillé.

Aujourd’hui, de nombreux nids de goélands occupent l’ancien ponton rouillé.

Da Lon est l’une des îles immergées les plus inhospitalières, où chaque goutte d’eau douce, chaque pousse de verdure est précieuse. Pourtant, l’amour et l’espoir y germent sans relâche, faisant écho jusqu’au continent.