Ainsi, malgré le poids des années, l’artiste Ro Mah Khon (né en 1965, dans la commune d’Ia Krel, province de Gia Lai, dans les Hauts Plateaux du Centre du Vietnam) reste inlassablement dévoué aux sons profonds et aux mélodies résonnantes des gongs.
Selon lui, le gong constitue une expression culturelle traditionnelle emblématique des ethnies des Hauts Plateaux du Centre, qu’il est essentiel de préserver, de protéger et de valoriser.
Les gongs, des trésors inestimables
Après un long périple à travers les vastes étendues ensoleillées et balayées par le vent des Hauts Plateaux du Centre, nous accompagnons les responsables de la commune d’Ia Krel jusqu’au domicile de Ro Mah Khon.
À l’ombre des arbres devant sa maison, M. Khon s’affaire à nettoyer avec soin ses gongs, qu’il considère comme de véritables trésors.
À ses yeux, le gong incarne bien plus qu’un simple instrument traditionnel : il est la racine, l’objet sacré, la voix spirituelle de l’ethnie Jrai dans sa vie culturelle communautaire depuis des générations.

Dès l’âge de 12 ans, M. Khon accompagnait les anciens et les artisans du village pour jouer du gong lors des fêtes et des activités culturelles dans les villages. C’est à partir de là qu’il a commencé à s’intéresser à cet art et à apprendre à interpréter les différentes pièces de gong.
Animé d’une passion indéfectible pour les sonorités majestueuses et profondes du gong, M. Khon ne manquait jamais une cérémonie : là où le gong résonnait, il s’y rendait pour écouter, observer et s’imprégner de chaque nuance.
Avec le temps, il a su maîtriser les rythmes, assimiler les techniques fondamentales et mémoriser, une à une, les pièces du répertoire, des plus accessibles aux plus exigeantes.
Depuis de nombreuses années, M. Khon maîtrise parfaitement l’art du gong et se consacre avec passion à la préservation de cet héritage, porteur de l’âme culturelle de son ethnie.
Par la suite, il a également participé à de nombreux concours de performance de gongs organisés au niveau du district, et a remporté le troisième prix lors du Festival culturel du gong de Duc Co en 2019.
Dans sa maison, M. Khon a réservé un espace solennel pour exposer et préserver soigneusement l’ensemble de gongs qu’il a patiemment rassemblés au fil des ans.
Il raconte qu’à la fin de chaque saison agricole, il mettait soigneusement de côté une partie de ses revenus issus des récoltes pour acheter des gongs. Pour sa famille, les gongs représentent le plus grand des patrimoines — un trésor sacré et inestimable, fruit d’une vie entière d’économies et de dévotion.
« Dans mes souvenirs de jeunesse, chaque fois que je voyais les artisans tenir dans leurs mains des gongs aux sonorités résonnantes, j’étais fasciné. Je me disais en secret qu’un jour, quand je gagnerais de l’argent, j’achèterais un ensemble de gongs rien que pour moi. Plus tard, lorsque je me suis marié, ma famille m’a soutenu, et peu à peu, j’ai pu acquérir l’ensemble que j’avais tant désiré ».
Non seulement mes enfants savent jouer du gong, mais j’ai toujours reçu le soutien total de mes proches, malgré notre situation modeste », confie M. Khon, les yeux brillants de joie et de bonheur.

Tous les quelques mois, que les gongs soient utilisés pour des représentations ou non, M. Khon les sort un à un pour les nettoyer soigneusement. Selon lui, ce geste témoigne du respect profond et du soin qu’il accorde à ces instruments sacrés, véritables symboles culturels de son ethnie.
Des efforts pour transmettre, préserver et sauvegarder l’art du gong
Pour les ethnies des Hauts Plateaux du Centre, les sonorités des gongs les accompagnent tout au long de leur vie — de la naissance jusqu’à leur retour au monde des ancêtres.
Le gong est présent dans presque toutes les grandes cérémonies traditionnelles : baptême, fête des nouvelles récoltes, sacrifice du buffle, mariage, cérémonie funéraire Po Thi, culte de la source…
Le son du gong est souvent comparé à une voix mystique, un lien sacré entre le monde des vivants et l’univers spirituel.
Ainsi, le gong est perçu comme un lien essentiel de cohésion communautaire, devenant une composante incontournable de la vie spirituelle, religieuse et culturelle des Jrai.
À l’instar de tant d’autres membres des ethnies des Hauts Plateaux du Centre, M. Khon considère le gong comme une partie intégrante de son être, un héritage inestimable de son ethnie.
Conscient de son importance, il nourrit un profond attachement à sa préservation et à sa transmission auprès des jeunes générations.
M. Khon confie qu’au village, de nombreuses personnes âgées savaient jouer du gong. Mais à mesure qu’elles disparaissent, cet art tend peu à peu à se perdre.
« J’ai peur que le gong tombe dans l’oubli, c’est pourquoi j’ai essayé d’encourager les jeunes à se rassembler pour leur transmettre les techniques de jeu », explique-t-il.
« À chaque fois que le village organise une fête ou un événement, je suis toujours présent pour jouer du gong », raconte M. Khon. « À ces occasions, j’essaie d’encourager les jeunes à apprendre. Mais la vie évolue, les jeunes aujourd’hui préfèrent les jeux vidéo et d’autres divertissements modernes. Cela rend la transmission plus difficile. Pourtant, je continue à les convaincre — si cela ne fonctionne pas la première fois, j’essaie une deuxième, puis une troisième… »
Grâce à ses efforts de sensibilisation, les jeunes du village, notamment les enfants, ont progressivement commencé à apprendre et à jouer du gong.
Aujourd’hui, l’équipe de gongs et de danses xoang de la commune d’Ia Krel compte plus de vingt membres, comprenant des adultes, des jeunes et des enfants. Le groupe maîtrise de nombreuses pièces de gong traditionnelles et participe régulièrement aux activités et concours organisés localement.

Les années ont passé en un clin d’œil, mais M. Khon se souvient comme si c’était hier des moments où, tenant un gong à la main, il faisait résonner les rythmes vibrants au cœur des fêtes culturelles et des cérémonies villageoises, dans une atmosphère héroïque, solennelle et fière.
Il nourrit l’espoir que les jeunes comprendront un jour l’importance de ces sons à la fois puissants, majestueux et empreints de spiritualité, afin que le gong – tout comme la culture de leurs ancêtres et de leur ethnie – puisse être transmis et préservé durablement.
Nguyen Thanh Trung, secrétaire de l’Union de la jeunesse communiste de la commune d’Ia Krel, qui accompagne depuis le début les jeunes, les enfants ainsi que les artisans de l’équipe de gongs de la commune tout au long de son parcours de formation et de développement, confie :
« L’artiste Ro Mah Khon est un passionné profondément attaché aux traditions culturelles des Jrai. Au fil des années, il n’a cessé de s’impliquer activement dans la sensibilisation et la transmission de l’art du gong auprès des habitants du village, en particulier des enfants et des jeunes de la commune ».
« Il est également toujours en première ligne dans les mouvements de coopération avec les autorités locales et les organisations de masse pour renforcer le bloc de grande union nationale au sein de la communauté villageoise, contribuant ainsi à la préservation, à la transmission et à la valorisation de la culture traditionnelle unique de son ethnie ».